On pouvait légitimement s'attendre à du changement avec ce nouvel album de Katatonia. Pendant toute sa période de conception, les membres du groupe n'ont pas arrêté de clamer haut et fort qu'ils allaient évoluer, que ce disque serait le plus brutal de leur discographie, le plus complexe et le plus aventureux. Le fan invétéré que je suis avait de toute façon de quoi s'inquiéter. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que ce que j'aime le plus chez Katatonia c'est la simplicité, le côté carré et mélodique et les petites touches de génie audibles au travers d'un refrain ou d'un couplet. La dépression permenente conjuguée à un esprit dark-pop ont d'ailleurs fait des merveilles sur les derniers albums qui ont pris la relève du fantastique "Brave Murder Day", album de chevet pour mon eternité.
Ce "Viva Emptiness" a connu un prémice intéressant au mois de janvier quand j'ai reçu un premier sampler trois titres véritablement prometteur. On y trouvait "Ghost of the sun", le titre introductif, petite perle de violence complexe, d'atmosphère éthérée et qui comportait des bons gros riffs annonciateurs du meilleur. "Criminals", dans une veine proche des ambiances sombres de "Tonights Decision" a un refrain à mourir de bonheur et une structure d'une simplicité désarmante. Le troisième, "Evidence" aurait pu figurer sur "Last fair deal gone down" et est bien placé pour prendre la relève des standards "Teargas" ou "Sweet Nurse".
Cet amuse-gueule avait donc tout pour me plaire et je ne me faisais pas beaucoup de soucis pour l'album complet. J'aurais mieux fait de me méfier car le résultat transcendant que j'attendais n'est pas forcément au rendez-vous. Certes la production est ce qui se fait de mieux de nos jours, certes Johan Renske chante de mieux en mieux, certes les guitares sont épaisses, denses et efficaces, certes les mélodies sont toujours belles et l'ambiance assez morose mais il ne fait nul doute que les trois meilleurs morceaux sont ceux qui ont été distribués aux journalistes et que le reste n'est peut-être pas du même niveau. Il reste pourtant quelques beaux morceaux de bravoure comme le lancinant et triste "A premonition", les riffs sympas de "Burn the Remembrance", la mélodie entêtante et les arrangements soignés de "Wealth", le piano envoutant et épique de "One Year From Now", le feeling un peu jazzy de "Walking by a wire", la beauté de l'outro instrumentale "Inside the City of Glass" et quelques plans bien sentis parsemés de ci de là.
Pourtant, et à mon plus grand malheur, cet album comporte un peu plus de remplissage que les précédents et certains titres ne sont pas du niveau que l'on pouvait attendre d'un tel groupe. Je pense à un "Sleeper" vraiment trop prévisible, un "Omerta" trop acoustico-prog à mon goût, un "Complicity" sans réelle cohérence, un "Will I arrive" artificiellement brutal et tarabiscoté et en règle générale on déplore des structures de morceaux qui font parfois un peu "puzzle". Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : "Viva Emptiness" n'est pas un ratage, ni même un mauvais album mais il ne reflète pas le potentiel titanesque des suédois. A force de vouloir faire évoluer son style, le groupe s'est un peu perdu dans les méandres de la composition et n'a réussi à présenter qu'un album correct sans plus. Un jeune groupe débutant présentant une première oeuvre de cette acabit aurait largement mérité une médaille d'or mais Katatonia, avec son statut d'ancien de la scène, de groupe à la réputation quasi-irréprochable, de créateur d'albums immortels, ne récoltera qu'une petite médaille de bronze sur ce coup là. Dommage.


Rédigé par : Loufi | 13,5/20 | Nb de lectures : 10757