KARNIVOOL vous semblera peut-être, comme ce fut le cas pour moi, arriver un peu de nulle part et pourtant même si leur premier album « Themata », sorti en Australie en 2005 a mis trois ans à atterrir chez nous, le groupe commençait déjà à avoir une petite renommée dans leur pays. « Sound Awake », deuxième album et premier à sortir chez la Major Sony, est déjà disponible depuis plus d'un an en France mais les infos ne pullulent pas plus que cela, le groupe s'étant même produit à Paris à la Boule Noire début décembre sans faire plus de vague que cela.

Et alors, me direz-vous!? Parce qu'on sort un album chez Sony et qu'on vient de chez Crocodile Dundee, on doit forcément faire la une de tous les Mags et Webzines metal?
Non, bien sûr, mais ce qui est plus surprenant encore c'est que la musique proposée par le groupe est TRES proche de celle d'un autre groupe de qui on attend fébrilement la moindre news, TOOL. Elle se rapproche également de celle des polonais de RIVERSIDE pour certaines parties atmosphériques cotonneuses et éventuellement PORCUPINE TREE parce que dès qu'on associe Metal, Rock et Prog, la bande de Steven Wilson n'est jamais bien loin...

Si j'ai choisi de parler d'entrée des groupes desquels s'inspire KARNIVOOL, c'est autant pour les situer dans l'univers très vaste du Metal actuel que pour évacuer le problème. Parce qu'on est dans leur cas parfois tellement proche de ces formations cultes qu'on pourrait être tenté de rejeter les Australiens pour manque d'inspiration, plagiat, opportunisme ou que sais-je encore. Ce serait certainement compréhensible, mais dommage d'un point de vue musical car si, effectivement, KARNIVOOL peut sembler jouer la carte de la sécurité en pompant les rythmiques et structures typiques de TOOL et les improvisations progressives de PORCUPINE, il joue malgré tout sa propre partition.

En effet, on observe depuis le EP « Persona », résolument néo, fortement kornien par moments, une évolution vers un rock/metal de plus en plus prog et atmosphérique, de plus en plus personnel et émotionnel également. Les progrès du chanteur Ian Kenny n'y sont probablement pas étrangers, mais c'est encore plus probablement le travail de groupe accompli pour composer l'album qui paye. Contrairement à « Themata », entièrement écrit par le guitariste Drew Goddard, « Sound Awake »  est une réalisation commune ; d'où, peut-être, la grande richesse des arrangements et le sentiment de maturité qui s'en dégage. L'apprivoisement de l'album se fait pourtant en plusieurs étapes, les premières écoutes laissant l'impression de musiciens doués, dont les morceaux sont à la fois bien écrits et bien interprétés, mais desquels il ne se dégage pas beaucoup d'émotions, alors qu'elles sont à la base des compos des groupes pré-cités. Mais petit à petit, cette froideur apparente s'estompe et comme un grand vin révèle toutes ses saveurs après quelques minutes de décantation, « Sound Awake » s'offre à vous après plusieurs rotations.

KARNIVOOL s'est encore un peu plus éloigné du métal sur ce disque, les rares moments d'énervement (« Set Fire To The Hive ») s'intégrant parfaitement à l'ambiance générale qui alterne passages atmosphériques et moments plus rythmés dans lesquels la batterie et la basse, comme chez TOOL, jouent un rôle prépondérant. Morceaux à tiroir, belles lignes vocales par le biais desquelles Ian Kenny se montre aussi à l'aise dans les graves que dans les aigus, guitares qui, comme avec PORCUPINE TREE depuis « Coma Divine » sont un savant et délicieux mélange de douceur planante, de rage rock et d'improvisations prog qui accompagnent les vocaux sur les passages les plus calmes et surgissent au premier plan au moment opportun pour faire monter la tension, vous trouverez tout cela et plus encore si vous vous laissez aller. Tout semble calculé pour câliner l'auditeur, endormir sa méfiance et l'embarquer dans un de ces voyages qui font oublier notion de temps, espace et vous permettent de laisser libre court à vos émotions. Un voyage qui ne sera pas forcément des plus réjouissant compte tenu de l'atmosphère assez sombre de l'album, mais un voyage libérateur malgré tout, à condition encore une fois, comme c'est d'ailleurs souvent le cas avec cette catégorie d'albums, d'accepter de se laisser porter par la musique.

Les Australiens sont parvenus à créer quelque chose d'assez personnel malgré l'évidence de leurs influences majeures et « Sound Awake » est un album qui s'apprécie rapidement en tant que tel et non pour les groupes qu'il évoque. Le nombre plus important de morceaux de plus de six minutes (cinq sur un total de onze) confirme la volonté du groupe de se laisser aller et de laisser vivre les morceaux et concourt au sentiment général d'unité, les titres s'enchaînant comme les parties d'un tout, comme différents chapitres d'une histoire.


Rédigé par : Dungorpat | 16/20 | Nb de lectures : 13512