4e album de la nouvelle ère de reformation des Suédois, Angling Feelings a pour principale caractéristique de ne plus compter Roine Stolt parmi ses membres. Comme pour The Tangent en 2006, le guitariste des Flower Kings a jeté l’éponge (version officielle) pour se recentrer sur son groupe fétiche. La rumeur prétend que Stolt aurait quitté le navire en raison de divergences de vue « majeures » sur les orientations musicales de Kaipa avec son ami de 30 ans. Certaines autres mauvaises langues adeptes de raccourcis rapides y voient là un rapport de cause à effet direct sur la musique du groupe. Entendez « ça ne pouvait pas leur faire de mal » !

Bon, renvoyer Stolt dans les cordes de manière aussi cavalière est un peu injuste. L’homme est éminemment respectable, le talent du musicien immense et sa discrétion à la hauteur du personnage. Mais, à force de retrouver sa patte un peu partout dans les groupes de prog en vogue (tiens, j’l’aime bien celle-là !), certains ont fini par se lasser. Respirer le Flower Kings Brise à longueurs d’albums, je comprends que ça puisse donner le haut le cœur.

Kaipa aurait pu éprouver quelques difficultés après une telle défection mais son leader par défaut Hans Lundin a décidé de continuer l’aventure sans lui. A en juger par le cursus de The Tangent, autre formation ayant eu à « subir » le départ de Stolt, l’histoire semble lui donner raison.

D’autant que le groupe s’est empressé de lui trouver un remplaçant en la personne de Per Nilsson qui officie également chez Scar Symmetry. Excepté donc le guitariste, le line-up est le même que pour les précédents albums à savoir Hans Lundin (claviers, chant), Morgan Ågren (batterie), Jonas Reingold (basse), Patrick Lundström et Aleena Gibson (chant).

L’autre caractéristique c’est que la formation applique une recette bien connue et éprouvée : le changement dans la continuité. Autrement dit, si vous avez aimé les précédents, vous ne rejetterez pas le nouveau venu. Est-il pour autant du même niveau ? Présente-t-il les mêmes forces et les mêmes faiblesses ? Le style est d’ores et déjà tout tracé : du prog symphonique teinté de folk et de jazz.

Après la sortie de MindRevolution en 2005, Lundin déclare avoir été bien occupé par la réalisation du coffret Kaipa The Decca Years sorti chez InsideOut et regroupant les trois premiers albums du groupe première période.
A l’époque, il n’a fait aucune tentative d’écriture de musique. Aussi, lorsqu’il a commencé à composer les nouveaux titres, il a eu peur d’être à court d’idées. Mais en fait, ce fut, dixit Lundin " comme l’ouverture d’une boîte magique et en moins de trois mois presque tous les morceaux du nouvel album étaient écrits. J’ai laissé la musique trouver d’elle-même sa propre direction et suivre parfois des chemins très inattendus, mais aussi en conservant une grande simplicité lorsque j’en ai ressenti la nécessité. Je voulais faire du prog, mais pas de manière traditionnelle. A l’écoute du résultat final, je pense que la meilleure description de cet album serait : ‘progressif-fusion-folk-rock’." (cf Bigbang)

Tout est dit ; voilà donc une bonne définition de la musique des Suédois. Elle rejoint dans l’esprit celle que propose également des formations comme Ritual, Beardfish et bien sûr les Flower Kings dont l’ombre plane très largement sur Kaipa. Côté instrumentation nous ne sommes pas en présence de manchots. Est-il besoin de rappeler qu’individuellement les musiciens appartiennent tous à des formations top niveau ?

Et de technique, ils en ont bien besoin quand ils nous servent des compos aussi sophistiquées que The Fleeting Existence Of Time (7 :17) ou Path Of Humbleness (9 :29). Longs développements, breaks, structures impaires, la panoplie prog dans toute sa splendeur vous diront les puristes. Les chafouins ne seront pas de cet avis bien entendu, reprochant à Kaipa de ne pas beaucoup se remettre en question. Ils préféreront sans doute ou pas des pièces plus directes comme Pulsation (04:01) ou Broken Chords (06:26).

Pour ma part, ma préférence va au titre éponyme Angling Feelings (6 :43) qui à lui seul synthétise tout le savoir faire du groupe. Harmonie, mélodie mémorable, instrumentation exceptionnelle, le duo Lundstrom/Aleena énergique et inspiré, au sommet de son entente. Bref, un titre au-dessus du lot et représentatif du style Kaipa. A noter sur une plan général, l’impact plus marqué du chant féminin d’Aleena Gibson, venant équilibrer celui quelque peu maniéré de Lundstrom qui ne fait pas l’unanimité y compris avec Ritual, son groupe. Quant au nouveau guitariste, bien que possédant un style différent de Stolt, il s’en tire avec les honneurs et semble s’être coulé parfaitement dans le moule Kaipa.

Lundin avoue avoir participé à la séance d’enregistrement la plus joyeuse de toute sa carrière. Et bien, c’est un sentiment qui transparaît dans l’écoute de l’album et qui, à l’image de son artwork frais et naïf, autorise le voyage et la rêverie. Alors pourquoi faire la fine bouche ?

Discographie 1ère période : Kaipa (1975) – Inget Nytt Under Solen (1976) – Solo (1978) - Händer (1980)- Nattdjurstid (1982) - Stockholm Symphonie (1993)

Discographie 1e période : Notes From The Past (2002) – Keyholder (2003) – MindRevolutions (2005) – Angling Feelings (2007)


Rédigé par : Karadok | 14/20 | Nb de lectures : 10225