JUGGERNAUT, voilà un nom qui éveille en moi un honteux passé de nerd à collectionner les cartes Magic The Gathering comme d’autres le font avec les vignettes panini. Mais JUGGERNAUT c’est, dans le cas qui nous intéresse ici, un groupe bordelais ayant le vent en poupe qui continue de se tailler une solide réputation depuis une paire d’années au point d’étendre sa « petite » notoriété à une large part de l’Hexagone. Si, comme la carte, du même nom JUGGERNAUT donne dans l’artillerie lourde nous n’avons toutefois pas affaire un énième groupe de fumistes pressés puisque c’est seulement après six ans de boulot qu’ils nous offrent aujourd’hui un premier album.

Alors, je sais bien que la simple évocation du terme deathcore suffirait aujourd’hui à faire avorter une couvée de babouins sourds. On en a bouffé et rebouffé et re-re-bouffé des quantités plus que disproportionnées ces derniers mois et ça semble ne jamais vouloir s’arrêter tant le cours de la mèche collée au frameto continue son ascension pour le plus grand bonheur des fabriquant de colle à bois. Vous en avez marre des tous ces groupes qui ont découvert AT THE GATES sur le tard et qui comptent sur la surdité chronique de leurs fans pour faire carrière et passer pour originaux ? Marre de ces groupes qui passent plus de temps sur myspace que dans leur local de répet à bosser leurs gammes ? Marre de ces boutonneux qui prêtent d’avantage attention à l’esthétisme de leurs 45 modèles de t-shirts plutôt qu’à la qualité de leur zic ?

Hé bien, nos Bordelais pourraient bien vous réconcilier avec le genre avec cette première galette solidement balancée. Son côté hardcore, JUGGERNAUT ne peut pas le renier et du reste, ils ne cherchent même pas à le faire. On le retrouve dans son chant principalement braillé, dans ces passages syncopés propices aux sauts de cabris et dans ses inévitables mosh-part. Pourtant nos lascars se sont donnés du mal pour étoffer leur deathcore pour lui apporter une touche résolument plus radicale, plus décomplexée. Certes le thrash metal vient régulièrement visiter le style de JUGGERNAUT, certes le groupe fait volontiers étalage d’une orgie d’harmoniques ronflantes mais il sait également se référer à des influences purement death metal qui se traduisent par des blasts sévères, des riffs énervés et rapides et des growls qui fleurent bon la trachéotomie au pic à glace sans anesthésie.

Mais JUGGERNAUT qui abrite des garçons, décidément compliqués apprécie par-dessus tout, les changements de thèmes, de tempos, les breaks, les dissonances chiadées -qui nous font toujours nous demander comment les gratteux arrivent à jouer ça sans se faire des nœuds avec les doigts- et les polyrythmies qui pointent discrètement le bout de leurs mesures décalées ici et là sur « Architects of Deceit ». L’album est riche, ça vous l’aurez pigé, mais l’ensemble reste cohérent et d’une efficacité sans faille.

Côté prod, le groupe a opté pour un gros son qui évite le formatage de l’habituelle centaine de guitares superposées et offre à « Architects of Deceit » tout l’impact nécessaire. Alors, ce n’est certes pas l’album de l’année mais ça joue suffisamment bien pour qu’on ait envie de suivre l’affaire et de voir jusqu’où cela les mènera. Et puis vous je ne sais pas mais un groupe qui sort un disque sur Abitbol records, ça force autant la sympathie que le respect.
Bref, encore des Frenchies à suivre.


Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 11373