Certains albums font office de DeLorean et nous permettent de voyager dans le temps. L’écoute de certains disques de hardcore old school, de thrash ou de crust nous ramène parfois vingt ans en arrière en plein milieu des années quatre-vingts. Eh bien Joe Coffee est une DeLorean mais qui, au lieu de nous ramener en arrière, nous projette dans le futur. Une quinzaine d’années dans le futur.

Quand j’aurai la quarantaine, je me dis que c’est certainement le genre de musique que j’écouterai assis sur un fauteuil de plage devant mon porche en enchaînant les partie de belote. Je dirai à mes enfants que « Oui, à l’époque j’ai vu Madball en live et que, oui aussi, Agnostic Front et Sick Of It All faisaient déjà office de vétérans quand j’étais jeune. Et que ça c’était de la vraie musique mais vous pouvez pas comprendre. Aaaaaah le hardcore c’était quelque chose à l’époque. Maintenant l’eurodancecore ça ne ressemble à rien et on en reparlera dans deux ans ».

Joe Coffee, vous l’avez compris, représente le hardcore des vieux briscards, des anciens énervés assagis et brisés par le temps qui passe mais qui au fond d’eux-mêmes ont toujours cette petite flamme qui brûlera à jamais. La flamme de la rébellion et de l’anticonformisme. Et pour cause vu que le leader de Joe Coffee n’est autre que le légendaire Reverend Paul Bearer, frontman craint et respecté des non moins légendaires Sheer Terror.

"When The Fabric Don’t Fit The Frame" donne l’impression que Paul Bearer fait le point sur son passé. La rage hardcore est toujours bien présente mais de façon plus diffuse. Paul a le hardcore désabusé et nostalgique aussi bien dans les textes que dans la musique plus rock que hardcore. Bearer dilue sa vibe hardcore dans une bonne dose de rock garage, de punk old school, et de folk. Les morceaux se font plus apaisé, plus calmes et mélancoliques à l’image de « The Good Life » et de « I Want This No More », un titre qui parle des problèmes d’addiction dont il a souffert dans le passé et dont il est maintenant débarrassé. Les guitares et le son en général se couvrent des atours d’un rock crasseux, de celui qu’on joue dans les bars mal famés fréquentés par les vieux de la vieille. Il est fort à parier qu’au premier abord cet album ne plaira pas aux jeunes zazous de la scène hardcore de 2009 (dont je fais partie hein attention, loin de moi l’idée de dénigrer qui que ce soit) assoiffé de violence et de brutalité musicale, nourris au deathcore et au beatdown. Point de tout ça ici. Pas de moshpart, de breakdown, de blast, de hurlement. Juste une voix éraillée par la vie et les clopes, un duo de guitares égrenant des rythmes rock n’roll et punk mais desquels s’échappe malgré tout l’essence de cette musique. Comme quoi, on ne joue pas du hardcore, on est hardcore.

Joe Coffee se donne l’identité d’un groupe mais ce projet transpire Paul Bearer par chacun de ses pores. Sa voix porte cet album, elle seule était capable de faire vivre les textes du Reverend. C’est sa vie qu’il raconte en onze chapitres. Onze chapitres, onze morceaux, onze histoires qu’on écoute presque religieusement, comme autrefois on écoutait les récits des conteurs. Car en racontant son histoire, Paul nous raconte celle du hardcore, de ses jeunes années, du bon vieux temps. Des potes et du CBGB’s. Paul sait de quoi il parle, il a vécu cette période. Alors on se tait et on écoute.


Rédigé par : Seb On Fire | 13/20 | Nb de lectures : 10304