La nouvelle avait retenti comme une véritable déflagration dans les colonnes de tous les médias internationaux quelques mois auparavant : Jeff Walker, le légendaire chanteur bassiste de CARCASS et d’ELECTRO HIPPIES, sortait de sa stase prolongée et travaillait sur un album solo. Mieux encore, on annonçait la participation de Bill Steer, Ken Owen ainsi que de nombreux guests et déjà d’innombrables érections pointaient même sous les braguettes les plus blasées. On avait beau nous préciser qu’il s’agissait de reprises blues et country, on y croyait toujours, incapable de renoncer aux perspectives onanistes que ce disque allait susciter sans coup férir. Oh bien sûr, il y avait également les puristes de la première heure, soucieux de voir un énième groupe de légende descendre de son piédestal, pour des raisons bassement mercantiles.

C’était sans compter sur le premier titre mis en ligne par le sieur Walker quelques semaines avant la sortie de la chose, la jolie balade écrite par Luke McDaniel « You’re still on my mind » précipitait nos folles expectatives dans les abîmes de l’incompréhension la plus totale. Jeff Walker ferait un retour country ? Entouré d’illustres noms de la scène internationale ? Et comble du blasphème, le titre du disque ferait référence à CARCASS ?

Mais quel est ce camouflet ? De qui se moque-t-on ? Tout ça pour ça ? Les commentaires allaient bon train entre fans offusqués et fanatiques agressifs prêts à déclencher une guerre sainte au nom de Notre Dame de la Carcasserie . Sacrilège ! Sus à l’impie ! Walker aurait à répondre de cet outrage sous peine de tomber en disgrâce. Il est des icônes auxquelles il ne faut toucher sans craindre le courroux des masses (ça me rappelle une histoire de caricatures ça…)

Et qu’on le veuille ou pas, qu’on y adhère ou non, le voilà finalement ce fameux disque « Welcome to Carcass Cuntry ». Un recueil de standards blues ou country déjà repris des milliers de fois pour la plupart et aujourd’hui mis à la sauce Walker. Inutile de vous préciser que si ce disque ne regroupait pas d’aussi illustres protagonistes, il n’aurait probablement pas sa place dans les colonnes de VS.

Accompagné de son pote Pus Sypope, alias Mika "Gas Lipstick" Karppinen derrière les fûts (HIM, TO SEPARATE THE FLESH FROM THE BONES et j’en passe), Walker a également invité sur cette galette une pléiade de zicos comme on n’en avait pas vu depuis le Roadrunner all star. Outre les participations exceptionnelles de Ken Owen et Bill Steer, on retrouve de passage dans ce disque une bonne partie des membres d’AMORPHIS, de FINNTROLL, Billy Gould (ex-FAITH NO MORE), Nicke ANDRESSON ( ex-ENTOMBED, HELLACOPTERS), Nick Holmes et Aaron Aedy (PARADISE LOST), les trois frères Cavanagh et Les Smith (ANATHEMA), Shane Embury (NAPALM DEATH) sans compter les inconnus qui complètent l’orchestration au niveau des cuivres et des violons.
« Welcome to Carcass cuntry » est l’occasion également de découvrir un Jeff Walker à la voix semblant éraillée à force de vocalises éthyliques et de gargarismes au Jack Daniels.

Ce disque n’est assurément pas pour les anciens fans ni même pour les métalleux au sens large du terme. Les adaptations de Jeff et ses amis se rapprochent plutôt des POGUES même si quelques relents métalliques restent perceptibles notamment au niveau des guitares. Cependant, si on prend la peine d’écouter ce disque et de le prendre tel qu’il est, en faisant abstraction du passé et du présent de ses interprètes, on arrive à trouver l’exercice dépaysant voire même plaisant dans certains cas « The Man comes around », « I just dropped in » ou encore le sympathique « Keep on rocking in the Freeworld ». Mais dans tous les cas, il va sans dire que l’ensemble de ces titres trouvera plus d’écho dans la mémoire collective des anglo-saxon que des pauvres latins que nous sommes ayant grandi sous le joug dictatorial des Maritie et Gilbert Carpentier.

Cependant, le mystère demeure, pourquoi un disque de country ? Pourquoi un choix de titres majoritairement tristes ? Ce disque n’est-il pas une sorte de bilan sur les sombres souvenirs qui ont frappé le métal ces dernières années ? Il faut savoir que cette rondelle est dédié au regretté John Peel, père spirituel de la scène anglaise et animateur légendaire de la BBC pour qui l’ouverture d’esprit n’était pas un vain mot(voir dossier VS). De même « Rocky Mountain high » est dédié à Chuck Schuldiner.

A moins que Jeff Walker n’ait choisi de jouer la carte de la provocation, de nous faire un magistral pied de nez tout en choisissant le prétexte de cet album pour s’entourer de ses amis, de passer du bon temps à taper le bœuf avec humour et respect pour les titres originaux. Après tout le verso du digi-pack le dit lui-même: « Hey, Fuck’em if they can’t take joke ! ». Mais le mieux ne serait-il pas de laisser le principal intéressé s’expliquer lui-même dans un entretien ?



Rédigé par : Tonton | Pas de note/ | Nb de lectures : 14946