"Spongieuses amalgames musicales, divines interrogations masturbatoires, ou divaguations musicales eclectiques?"

Jasun Tipton (Zero Hour, Death Machine) nous a bien fait poireauter avant de sortir cette offrande musicale dont la distinction et l'élégance ne peuvent laisser de marbre. D'aucuns penseront à une autre opération demonstrative en solo à laquelle nous ont habitués les guitaristes de groupes de prog (pensez Michael "The Cow" Romeo, Marcel Coenen, Toby Knapp et autres zigotos de cet acabit), mais nous sommes plutôt loin d'un tel resultat.

A dire vrai, tout guitariste de prog qui se respecte ne peut s'empêcher de nous affliger quelques abusives applications théoriques à des vitesses le plus souvent ridicules, et bien que J.T. laisse libre expression aux musiciens qui l'accompagnent, il n'en reste pas moins un guitariste de prog capable et précis; d'où quelques plans assez monotones de pure manifestation véloce et sans âme. Ce n'est pas pour autant que le charme de ce "Seduction" n'agit pas, car mêlant allègrement rythmes latinos et structures jazzy sur des idées axées fusion, Tipton réussi à créer une musique où harmonie et contrepoint s'entendent à merveille au long d'onze titres progressifs à l'exécution exemplaire.

Si la voie choisie est plutôt agréable et différente, c'est aussi grâce à des musiciens dont le talent n'est pas à remettre en question, car Jasun a su s'entourer: à la basse ni plus ni moins que son jeune frère Troy, dont le jeu impeccablement fluide et groovy est comparable ici à Lars Norberg, Steve DiGiorgio ou Steve Bailey, c'est dire si la polyvalence et l'ingéniosité sont au rendez-vous. Deux batteurs se partagent les fûts dans cette galette: John Perrine (Kelly Keeling, ex-Saint) et Sean Flanegan (Enchant, Headway). Deux batteurs aux jeux différents mais trouvant un juste milieu entre finesse et puissance pour couvrir tous les champs imposés par la plume du maître de cérémonie.

Un peu plus tard (qu'au début), on se rendra compte à l'écoute de la dimension dans laquelle Tipton réussi à nous embarquer, entre sons acoustiques et basses suaves, chabadas trempées dans de l'eau de rose et pianos mystiques, virevoltant en une mesure ou deux vers un rock progressif solide et bien écrit.

Non sans être un excellent guitariste, Jasun délivre ici un large panel de ses possibilités tant musicales que techniques pour servir une création dont pourront se réjouir autant les fans de Spiral Architect ou Dream Theater que ceux de Spock's Beard ou le California Guitar Trio.


Rédigé par : OYC | 15/20 | Nb de lectures : 11084