Fan de Justin Broadrick, c’est la fête du slip pour toi en ce moment ! Nom de Zeus, comme il semble loin le temps où l’ex-Napalm Death annulait en 2001 à la dernière minute une tournée américaine avant d’annoncer la fin de Godflesh et de couper toute communication avec l’extérieur pendant plusieurs mois. Depuis sa résurrection, spirituelle et musicale, sous l’étiquette Jesu l’année suivante, il semble pris d’une véritable frénésie créatrice. Entre remixes pour les uns (Genghis Tron), production et/ou mix tout court pour les autres (Gallhammer, Isis) ou réactivation de son projet ambiant Final, il a aussi formé un ‘supergroupe’ nommé Greymachine, avec Aaron Turner d’Isis, et surtout sorti une tripotée de trucs avec Jesu, dont trois rien que pour la première moitié de 2008. Oui, je vous l’accorde, même pour moi qui fait partie de cette bande de groupies hurlantes qui défaillent dès que Môsieur Broadrick daigne bouger ne serait-ce qu’une oreille, je trouve que cela fait beaucoup. Trop ?

Alors certes cette soif de création, qui rappelle limite un peu le chouchou de Prince De Lu, Striborg, a quelque chose de passionnant à l’heure où certain artiste mène une vie entière à sortir un truc même pas sûr d’être bon (Monsieur Axl R., ce passage t’est dédié). Sauf qu’on peut légitimement se demander si cette avalanche garguantesque ne se fait au détriment de la qualité. Et manque de bol, je sens que vous me voyez venir à quinze kilomètres là, ce disque complet enregistré en 2007 avec la chanteuse chtarbée Jarboe fait figure de belle pièce à conviction contre l’accusé, surtout qu’on y trouve autant de lard que de cochon. Voire même un peu trop de lard du côté de Broadrick qui ne s’est franchement pas foulé pour le coup et qui ne brille pas (duh) par la pertinence de son intervention ici…

S'il y a cinq ans l’effrayante porte-micro des Swans avait su complètement vampiriser l’univers de Neurosis sur un disque-collaboration aussi menaçant qu’un ciel d’orage avant la tempête, sa valse à deux temps avec le créateur de Jesu (celui qui dit ‘Dieu’ se prend une baffe) apparaît en comparaison plus artificielle. En fait, on sent bien sur ‘J²’ que chacun des protagonistes a préparé sa petite tambouille dans son coin et l’a ensuite envoyée clef en main à l’autre. Alors certes, des milliers de kilomètres les séparent et c’est un peu pour cela qu’existent les serveurs FTP mais n’empêche que sur le titre qui ouvre l’album par exemple (« Decay »), c’est Jarboe qui tient la laisse et qui s’ébat à coups de vocalises aériennes pendant que Monsieur se contente de plaquer un riff dronesque informe. Deux morceaux plus tard (« Magick Girl »), c’est l’inverse qui se produit, notre ch’tit guitariste/programmeur s’amusant pendant plus de huit minutes avec une petite boucle mélodique à base de piano sur laquelle Madame passe presque plus en touriste qu’en actrice vraiment concernée par tout ce qui se passe. Quant à « Tribal Limo », il y a là carrément un décalage trop grand entre la voix parfois hystérique, à la limite de la transe, et la musique, presque un pastiche involontaire lounge pour yuppies fatigués du ‘style’ Broadrick. Bref, on sent vraiment trop que les deux auteurs n’étaient pas dans la même pièce et même si ces deux-là signent ce disque ensemble, présenté comme un EP bien que faisant plus de quarante minutes, ‘J²’ tient en fait plus du mariage blanc que d’une union sacrée. Alors je ne sais pas si le nouvel album solo de Jarboe, prévu le mois prochain, sera d’un meilleur niveau mais en ce qui concerne le petit Justin, une petite remise en question s’impose s’il ne veut pas redoubler…


Rédigé par : Olivier ‘Zoltar’ Badin | 08/20 | Nb de lectures : 11226