Avant même d’être un putain de skeud, ‘I Have Returned’ est surtout une sacrée exception. La preuve ultime que oui il existe bien un juste milieu (certes plus difficile à trouver qu’une jeune vierge dans une boîte à partouze m'enfin bon) entre afficher clairement ses influences et tracer sa propre voie. Il faut dire qu’IRON MAN, ou plutôt son leader et guitariste à la Gibson SG flamboyante Al Morris III, a pris son temps pour y arriver. Si le groupe en lui-même existe depuis vingt ans, il a été précédé, dans un style très similaire, par deux autres incarnations dont la plus vieille, FORCE, date quand même de 1976. Et encore, si l’on écoute Morris, le vrai déclic a eu lieu encore trois ans plus tôt lorsqu’il a eu la chance de serrer la pince à Tony Iommi, juste avant un concert au Madison Square Garden de New York. Car oui, IRON MAN allume des cierges, verse des oboles à intervalles réguliers et, grossièrement toutes les deux minutes, se prosterne devant l’autel BLACK SABBATH. Vous me direz, avec un nom pareil… Il faut dire que tout cela a commencé comme un tribute band de plus. Et jusqu’à peu, une bonne partie de leurs concerts étaient constitués de reprises du Sab’, comme le prouve d’ailleurs les titres live disponibles en téléchargement libre là (http://www.againstnature.us/BH/Iron_Man/index.htm) et là (http://www.againstnature.us/BH/Iron_Man/index2.htm). Sauf qu’à mi-parcours, Morris s’est mis à composer ses propres morceaux, histoire de voir comment sonnerait BLACK SABBATH s’il avait été cryogénisé en 1971 juste après ‘Master of Reality’, lorsque les maîtres du heavy-metal sentant encore bon la bouse et la beuh bon marché, avant les plans plus prog’ et la schnouff de ‘Sabbath Bloody Sabbath’.

Sauf qu’en plus d’épuiser les musiciens - une bonne partie de la scène doom-rock du Maryland y est passée avec des mercenaires empruntés à SPIRIT CARAVAN, UNORTHODOX, WRETCHED etc. – le groupe a joué de malchance. D’abord avec ses chanteurs : si Rob Levey s’est contenté d’apparaître sur ‘Black Night’ (1993) (il organise aujourd'hui le festival ‘Stoner Hands of Doom’), Dan Michalak a tenu deux albums et cinq ans avant de claquer la porte en pleine tournée américaine. Ce sont ensuite les labels qui leur ont fait des misères : HELLHOUND a fermé sans crier gare ses portes quelques mois après la sortie de ‘The Passage’ (1994), BRAINTICKET , pourtant géré par John Perez de SOLITUDE AETERNUS, n’a jamais eu les moyens de correctement faire la promo de ‘Generation Void’ (1999) et LEAF HOUND , qui s’était mis en tête de rééditer le tout il y a deux ans, a retiré ses billes après avoir hâtivement ressorti ‘The Passage’ en peu d’exemplaires. Bref, la mouise, la grosse, bien baveuse.

Mais voilà aujourd’hui, tout est oublié, l’ardoise est effacée et même HEAVEN & HELL pourrait avoir de quoi flipper un chouia entre deux séances de lifting car ‘I Have Returned’ renvoie toutes ses galères (notamment de maison de disque) au rang de simples erreurs d’aiguillage. Il faut dire que dix longues années se sont écoulées depuis le dernier album d’IRON MAN et entretemps, Al Morris III a une nouvelle fois fait le vide autour de lui, pour le meilleur cette fois. Enfin assisté d’un vrai manager, signé sur un label (SHADOW KINGDOM) dont la qualité des produits et surtout l’éthique en ont déjà fait une référence et surtout secondé par un nouveau line-up en béton armé, il a enfin écrit le disque que l’on attendait de lui. Une galette bien sûr complètement assujettie au Dieu SABBATH mais avec sa propre patte, un groove plus stoner et surtout un grain de guitare goudronneux absolument phénoménal ! Bien sûr, on est tenté toutes les deux secondes de s’amuser à repérer quel riff est inspiré par telle ou telle chanson de ‘Paranoid’. Mais en évitant de coller trop à son modèle (pas de long plage épique à la « War Pigs » ni de ballade mélancolique à la « Planet Caravan ») et en concentrant tout sur la puissance du RIFF, le résultat est juste énorme. Et puis il y a la révélation John Donnelly, apparemment connu dans la région de Washington comme chanteur d’un groupe de reprises de BLACK SABBATH (comme par hasard), qui enfonce ses deux prédécesseurs sur le plan technique et dont le ton Osbournien en diable (mais plus articulé) colle parfaitement au ton stoner de l’ensemble . Cerise sur le gâteau, IRON MAN s’offre même un début d’émancipation sur un « Fallen Angel » plus globalement hard-rock 70’s psyché.

En fait, là où SHEAVY échoue depuis dix ans, IRON MAN transforme l’essai avec brio. Après deux décennies à bidouiller ses tubes à essai dans son labo, Al Morris III a enfin réussi à fabriquer le parfait clone, très proche de son modèle et pourtant nanti de sa propre conscience, son propre ‘Universal Soldier’ à lui (attention, JCVD inside). Et puis accessoirement, ‘I Have Returned’ fout aussi un bon dans les roustons d’une scène stoner apathique depuis quelques années et dont cette galette juteuse est peut-être l'un des avatars les plus bandants depuis, crévindiou, je ne sais combien de temps.

Gagnant sur toute la ligne. À condition d’être fan de BLACK SABBATH quand même mais cela va de soit non ?




Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 17/20 | Nb de lectures : 13193