Ma petite ville de Bourgogne ne doit pas être la seule à inonder ses habitants de prospectus promotionnels promettant des articles gratuits ou à prix cassés pour x articles identiques achetés dans les grandes enseignes de supermarchés qui s'y sont implantées. A force, et en y regardant bien, on se rend compte que le gain qui au départ était appréciable n'est plus si évident que cela et que ce qu'on est sûr d'alléger n'est pas la facture, mais le portefeuille... Eh bien MAIDEN, depuis grosso modo « Virtual XI », est dans la même démarche, avec 1 album sorti = 2 produits « dérivés » commercialisés.

Nous en sommes ainsi, depuis 1996 et « Best Of The Beast », à quatre Best Of pour six albums sortis, sans compter les lives. Bien sûr, à chaque fois il y a une bonne raison : « Best Of The Beast » était le premier en presque vingt ans de carrière, « Ed Hunter » servait à promouvoir le jeu vidéo associé, « Edward The Great »... euh... là je vois pas... et pour finir, « Somewhere Back In Time » célébrait la tournée du même nom, au cours de laquelle MAIDEN a rejoué beaucoup de vieux titres des années 80, cette dernière compilation étant d'ailleurs composée comme une setlist de concert traditionnel. La tournée étant centrée sur les albums antérieurs à « No Prayer For The Dying », il fallait donc s'attendre à une suite, et c'est ce qui arrive maintenant avec ce double Best Of qui ne comprend que des morceaux postérieurs à « Seventh Son Of A Seventh Son ».

Deux CD et 23 titres, cette fois on pourrait se dire que MAIDEN ne se fout pas de ses fans, contrairement à la compilation précédente qui nous avait laissés sur notre faim... Sur la quantité, effectivement on est servi, d'autant que la plupart des morceaux sont très longs, une caractéristique depuis le retour de Dickinson pour « Brave New World ». MAIS un coup d’œil rapide au track listing permet rapidement de relever pas moins de cinq morceaux en commun avec « Ed Hunter » et « Edward The Great », parmi lesquels « Holy Smoke » et « Bring Your Daughter... » qui, à mon sens, sont loin de valoir un « Mother Russia » ou un « Fates Warning », tous deux de « No Prayer For The Dying » également. On remarquera également la présence de quatre versions live, dont trois concernant des morceaux de la période Bailey, et qui sont ici chantés par Dickinson. Ceux qui n'ont jamais apprécié Big Blaze en seront ravis, je trouve pour ma part qu'il est vraiment dommage de rejeter ses interprétations, d'autant que Dickinson n'est pas forcément meilleur. À l'aise, certes, mais pas meilleur. Bailey a cette gravité, dans la voix qui faisait de « X Factor » un album très sombre et de « The Sign Of The Cross » un morceau quasi religieux, évoquant la quiétude et le poids divin qu'on peut ressentir dans un couvent. Ici, on se retrouve avec un très bon morceau de Heavy Metal, mais sans cette atmosphère si particulière et on pourrait faire sensiblement la même remarque pour « The Clansman » et « Man On The Edge », qui dans cette version live est dépouillé de sa brutalité originelle. MAIDEN semble oublier que Bailey lui a permis de continuer à tourner et de traverser quelques années difficiles et c'est bien regrettable pour un groupe de cette trempe.

Avant de passer aux points positifs de ce Best Of, quelques mots sur la pochette, qui accomplit presque l'exploit de faire pire que « Ed Hunter ». Comme pour « Best Of The Beast » et « Somewhere Back... », tous les albums sont évoqués, avec un wickerman en feu en arrière-plan pour « Brave New World », un char copié-collé sur un fond d'arbres en feu pour « A Matter Of Life And Death », un Eddie en haillons descendant d'un arbre rappelant à la fois « No Prayer », « Dance Of Death » et « Fear Of The Dark » et pour finir quelques points rouges sur fond noir évoquant le cosmos, ainsi que des couleurs criardes pour symboliser « The Final Frontier ». Mais contrairement aux deux compilations précitées, justement, dont les artworks avaient fait l'objet d'un grand soin, celui de cette dernière est affreux, donne l'impression que tous les détails ont été collés sur un fond à la va-vite, le dessin est grossier (un comble pour MAIDEN, dont certaines pochettes figurent parmi les plus belles réalisations de l'histoire du Metal) et l'ensemble donne véritablement le sentiment d'un travail bâclé pour un groupe en fin de contrat... C'est pourtant Melvyn Grant qui en est l'auteur, lui qui nous avait habitués à un travail plus « propre » sur « Fear Of The Dark », « The Final Frontier », « Virtual XI » ou encore le single « The Reincarnation Of Benjamin Breeg »...

Passons donc, comme promis, aux points positifs de cette double compilation, puisqu'il y en a finalement : certes, tout fan acharné d'IRON MAIDEN a déjà la discographie complète dont une partie certainement en plusieurs exemplaires s'il est également dingue de vinyle ou a craqué pour les rééditions. Mais une partie du public de MAIDEN les a également probablement lâchés en même temps que Dickinson, peu convaincu par « The X Factor » ou « Virtual XI ». Tout le monde n'est pas forcément revenu célébrer le groupe à la sortie de « Brave New World » et c'est donc une grosse décennie qui est peut-être entièrement inconnue de toute une partie du public, ce à quoi « From Fear To Eternity » peut remédier. MAIDEN a toujours aimé les clins d’œil et ce n'est certainement pas un hasard si le premier disque débute par « The Wicker Man », premier morceau studio entendu du groupe avec Dickinson au chant depuis 1992... un morceau à l'époque très spécial puisque diffusé en exclusivité et en streaming sur le site officiel, et pour ceux qui ont connu (ou connaissent encore) le 56k, imaginez un peu l'épopée ! Le deuxième CD se termine quant à lui par « When The Wild Wind Blows », dernier morceau du dernier album également, le 15ème et donc peut-être le dernier tout simplement si Steve Harris s'en tient à ce nombre fixé aux débuts du groupe... Du clin d’œil typiquement MAIDEN donc, qui est toujours plaisant, comme une bonne partie des morceaux sélectionnés, qui sont pour la plupart parmi les meilleurs de chaque album. On pourra toujours trouver un titre manquant ou en préférer un à un autre, mais dans l'ensemble, et principalement en ce qui concerne ceux de la période 2000-2010, la sélection permet de mettre en valeur de très bons titres à côté desquels on aurait pu passer compte tenu du côté peut-être hermétique d'un album (« A Matter Of Life And Death ») ou bâclé d'un autre (« Dance Of Death »). Ce sont d'ailleurs eux qui sont le plus exposés, avec quatre extraits chacun contre trois pour la plupart des autres. « From Fear To Eternity » met également en avant, forcément, l'orientation plus progressive des Anglais depuis « X Factor », avec des morceaux longs, qui prennent leur temps pour se développer, avec de longues introductions très calmes et une progression linéaire la plupart du temps, sans forcément non plus de cavalcade finale comme ce pouvait être le cas dans les années 80.

MAIDEN, depuis quelques années maintenant, a délaissé la vitesse pour se focaliser sur les ambiances et là où on pouvait avoir un titre ou deux dans cette veine à la Grande Époque, nous en avons maintenant tout un album. « From Fear To Eternity » est clairement inutile pour qui a tous les albums du groupe, mais constituera un très bon moyen de découvrir ce qu'il a fait depuis les années 90 pour ceux qui les auraient lâchés, ou tout simplement de découvrir le groupe pour ceux qui auraient toujours été rebutés par le côté Heavy Metal classiques des albums, justement, « classiques » du groupe. Cette compilation est loin d'être la compilation ultime, mais elle a de bons côtés en dépit des défauts dont nous avons déjà longuement parlé. La version promo envoyée par le label ne contient pas de livret, rien à dire à ce propos donc, sinon que quelques notes pour chaque morceau ne feraient qu'augmenter l'intérêt de "From Fear To Eternity" qui, même si IRON MAIDEN ne devait plus enregistrer d'album studio, ne devrait pas être la dernière sortie du groupe pour autant...

Up The Irons !!!


Rédigé par : Dungorpat | Beast On The Edge/ | Nb de lectures : 14299