King DIAMOND peut se remettre tranquillement de son triple pontage coronarien, l'héritage de MERCYFUL FATE est préservé et entretenu avec beaucoup de soin par des petits jeunes qu'on croirait, à les écouter, tout juste sortis d'une longue période d'hibernation. Vous avez tous vu le documentaire médico-psychologique « Hibernatus » dans votre jeunesse, celui dans lequel on voit un thérapeute légèrement exubérant aider l'un des ancêtres de sa femme à s'adapter au monde moderne après avoir été congelé pendant près d'un siècle ? Eh bien IN SOLITUDE est un peu comme cet ancêtre, et semble venir directement du tout début des années 80, quand MERCYFUL FATE débarquait de son Danemark natal avec ce Heavy Metal empreint d'occultisme, à la fois très mélodique et sombre, le côté obscur d'un MAIDEN dont l'intérêt pour ces choses était plus intellectuel que viscéral.

On a beaucoup parlé il y a quelques mois de GHOST, dont le premier album a été chroniqué dans nos pages en début d'année, et le deuxième semestre sera probablement marqué par leurs compatriotes IN SOLITUDE, dont rien que le nom aide à situer le débat. Les Suédois ont également opté pour une approche sonore old school et sombre, se faisant aider de Fred Estby (DISMEMBER) pour obtenir un son chaud, naturel, purement Heavy et bien enfumé, en parfaite adéquation avec le style pratiqué. On retrouve dans ce deuxième album les mêmes éléments qui avaient fait une petite curiosité du premier, éponyme, sorti il y a trois ans, avec la maturité qui lui manquait alors. A mi-chemin entre le Heavy occulte de MERCYFUL FATE et celui, plus « joyeux » de MAIDEN, dont on retrouve beaucoup de références rythmiques, principalement des deux premiers albums, «The World, The Flesh, The Devil» est plus qu'un hommage à une époque révolue. Il est comme un nouveau départ pour un style qui était tombé en désuétude mais qui, grâce à ces jeunes groupes, pourrait bien regagner sa place dans le Paysage Heavy Metal Mondial (bon, allez... Européen).

L'album est constitué de morceaux pour la plupart longs, avoisinant ou dépassant les six minutes, et d'un dernier titre de près d'un quart d'heure exceptionnel, « On Burning Path », dont l'intro sonne comme un mélange d'Ennio Morricone et des SHADOWS avant de partir sur une rythmique typée MAIDEN et de se dérouler ainsi, gentiment, entre Heavy entraînant avec jeu de toms extrêmement vivant, à la Clive Burr, courtes pauses reprenant le thème de l'intro et parties plus speed. Un vrai régal et un condensé du meilleur de cet album. Le chant participe pour une grande part à l'atmosphère spéciale de «The World, The Flesh, The Devil», rappelant fortement celui de King Diamond, héritage oblige, sans aller dans les suraigus toutefois, ce qui n'est peut-être pas plus mal. On pourra le trouver monotone par moments, mais sa pureté et son côté plaintif sont pour beaucoup dans la noirceur qui se dégage du disque, et un tube comme « To Her Darkness », dont le refrain vous reviendra immanquablement en tête après l'avoir entendu, prouve que peu de variations ne signifie pas forcément monotone. Le chant est ici un instrument comme les autres, qui ressort de temps à autres comme le fait un solo de guitare et c'est bien l'homogénéité de IN SOLITUDE qui fait sa force.

La longueur des chansons pourrait les alourdir et rendre l'écoute pénible sur la longueur, mais il n'en est rien. Je n'irais pas jusqu'à affirmer conserver une attention maximale tout au long de l'heure que dure l'album, mais on ne décroche jamais vraiment parce qu'il y a toujours un élément qui nous fait revenir sur la musique et quand l'attention diminue, justement, ce n'est que pour laisser notre esprit vagabonder au son de ces incantations sombres mais jamais maléfiques. IN SOLITUDE n'est jamais négatif, son Heavy est peut-être occulte mais jamais dirigé contre l'auditeur. On se plonge dans son univers comme un plonge dans un bon vieux film d'horreur des années 70. On se fout des imperfections et des grosses ficelles et on se laisse aller. «The World, The Flesh, The Devil» est un album à ressentir, pas à analyser.

IN SOLITUDE n'est pas meilleur que les groupes dont il s'inspire, il en est le descendant respectueux qui, on l'espère poursuivra dans cette veine, en développant sa personnalité. Il en a visiblement les moyens, à lui maintenant de faire ce qu'il faut et à nous de l'encourager dans cette voie en l'appréciant pour ce qu'il est et pas pour ceux à qui il nous fait penser, même si ce n'est pas évident au départ.


Rédigé par : Dungorpat | 15/20 | Nb de lectures : 14015