La nostalgie a parfois quelque chose de fondamentalement repoussant. Ce nouveau disque de la nouvelle ère du nouvel Invocator est salué dans toute la presse comme l'indispensable retour de l'indispensable groupe qui nous présente enfin son indispensable nouvel album. Il est effectivement vrai que des manifestations de plus en plus violentes se produisaient devant les ambassades du Danemark du monde entier depuis le split de ce groupe en 1996. Les journaux télévisés nous ont abreuvés d'images quotidiennes des membres avec en incrustation vidéo leur compteur d'inactivité. Les Nations Unies ont ajouté les requêtes des milliards de fans à leur ordre de jour lors de huit sessions consécutives et une chambre spéciale a été crée au sein du parlement européen. Bref, il faut arrêter de dire n'importe quoi. Invocator n'a jamais été un groupe culte. C'était un bon groupe parmi tant d'autres qui a simplement cessé ses activités pour se consacrer à autre chose. Si on fait un tel tintamarre pour une formation de ce niveau, je n'ose imaginer ce que donneront les retours de Coroner, Cynic et Carcass, qui sont bien plus attendus par votre humble serviteur. S'il suffit de la mettre en veilleuse pendant 5 ans pour devenir une légende, je sais dorénavant ce qu'il me reste à faire. Pour ceux qui ont loupé l'époque bénite, je me permet de faire un petit rappel : Invocator est un groupe de thrash-metal danois qui s'est fondé à la fin des années 80. Il a sorti trois albums, à savoir "Excursion demise" en 1991, "Weave the apocalypse" en 1994 et "Dying to live" en 1995. Ces disques, d'un niveau fort honnête ont eu un petit succès d'estime et aujourd'hui, ce sont deux membres originels qui reprennent le flambeau pour présenter cette nouvelle réalisation : le chanteur/guitariste Jacob Hansen (qui s'est fait un nom en tant que producteur) et le guitariste Flemming C. Lund. Les deux compères ont recruté l'ex-batteur de Withering Surface Jakob Gunde et le bassiste Carsten Mikkelsen. C'est donc sous cette forme qu'ils ont rejoint l'écurie Scarlet pour nous présenter une galette de thrash fort honorable qui soutient aisément la conversation avec ce qu'ils faisaient avant. C'est dans une veine toujours old-school et très américaine que sévissent les danois et des fortes réminiscences de Forbidden émanent de leur musique. La façon de poser les riffs, les rythmiques variées et les vocaux souvent clamés avec une intonation répétitive rappellent les structures des auteurs du mythique "Forbidden Evil". On retrouve aussi des influences Testament, Exodus ou Vio-lence. Bref, la Bay Area a sûrement un canton au Danemark. La production a heureusement eu la bonne idée de sonner moderne et il est agréable d'entendre un son de guitare à la fois actuel mais aussi respectueux de la tradition du bon vieux thrash des familles. Le son est d'une lisibilité tout à fait exemplaire et c'est une des grandes forces de l'album. Certains titres comme "Infatuated (speak to me)", "Through the flesh to the soul" ou "The chemistry of restlessness" sont vraiment bien construits et possèdent des changements d'ambiance et de rythmes qui évitent la lassitude. Les refrains sont en général chantés avec une voix un peu plus claire que les couplets et les riffs sont toujours assez bien trouvés. Même si on déplore la présence de quelques titres franchement moyens ("Under the skin", "Flick it on"), on sent clairement que cet album a été conçu avec un certain soin. Pourtant, crier au génie n'est pas forcément d'actualité. Aucun morceau ne peut prétendre tenir lieu d'hymne et la plupart des passages sentent clairement le réchauffé. Je veux bien croire que le thrash n'est pas une musique aisément renouvelable mais quelques efforts auraient pu être consentis pour consolider la charpente des morceaux. Les riffs sont efficaces mais manquent souvent de liant. Je trouve aussi que le disque manque de parties rapides. On dénote quelques accélérations mais l'ensemble est trop souvent mid-tempo et sur sa globalité, le disque en perd de la puissance. Les vocaux sont également source de discussion, en raison de leur relative linéarité, mais c'est souvent le cas dans ce style et la musique ne se prête de toute façon pas forcément au lyrisme. Malgré ces petits défauts, "Through the flesh to the soul" peut être considéré comme un retour gagnant et Invocator peut sans difficultés majeures faire la nique à pas mal d'anciens avec ce nouvel opus. Il faut juste remettre les pendules à l'heure. On tient ici une bonne galette d'un bon groupe qui fait de la bonne musique. Vous ne croyez pas que c'est suffisant comme argumentation ? http://www.invocator.com


Rédigé par : Loufi | 15,5/20 | Nb de lectures : 8226