Olivier 'Zoltar' Badin :
Intense ! Pourtant, à la base, Incinerate a tout du Burger de base, avec son steak cramoisi coincé entre deux tranches de pain hyophilisés sans saveur. On tient là, à la base le projet solo du guitariste Scott Ellingboe, patron du label Brutal Bands (Emeth, Devourment), et avec à son actif un album en 2002 nommé ‘Dissecting The Angels’ (non, je n’en ai jamais entendu parler non plus) et déjà plus de designs de t-shirt différents que je n’ai de caleçon. Rien qu’à la vue de sa pochette cliché à mort signée Tony Koehl, qui décidément a du mal à se renouveler, on se dit qu’on va encore se farcir un xième groupe de brutal death US qui vous va nous en toucher une sans faire bouger l’autre avant de carrer assez rapidement cette galette bien profond dans un coin de votre discothèque pour ne plus jamais la ressortir. Et le fait que le tout ait été réalisé par ses quatre musiciens lors de quatre sessions séparées et étalées sur six mois ne pousse pas non plus à verser dans un franc optimiste…

Et ben bien fait pour ma gueule les aminches car tous ces a priori plutôt justifiés se sont gentiment pris la main et sont allés se faire enculer chez les Grecs pendant qu’Incinerate, avec un sourire sadique sur les lèvres, abattait avec la douceur d’un Panzer lancé à toute berzingue dans une pente à 90° sans freins et avec le vent dans le dos sa masse d’armes poisseuse sur mes pauvres cages à miel sans défense. Nom de Diou.

Pourtant, on pourrait difficilement être plus dans les clous. Incinerate se fait le champion de l’archétype même du style amerloque (avec le chewing-gum dedans), à coups de batterie triggée, de morceaux collectionnant les breaks comme Cobra Commander les crottes de nez fossilisés et de textes parlant de tueurs-en-série et… de pas grand-chose d’autres. Sauf qu’il n’y a aucun maillon faible dans cet effectif où chaque soldat, à défaut de renvoyer tous leurs concurrents au CP, excelle dans leur petit pré carré respectif. Rien qu’au niveau de la section rythmique, c’est la fête du slip : à la batterie, l’ex-Arsis, Darren Cesca réussit à tenir fermement le volant tous en multipliant les descentes de toms supersoniques pendant qu’à la basse le Norvégien Erlend Caspersen, décidément très américanophile car ayant déjà bossé pour Vile ou Deeds Of Flesh, profite du fait qu’un mec (l’ingénieur du son ?) ait pour une fois eu l’intelligence de ne pas négliger son instrument dans le mix pour glouglouter à tout va grâce à son jeu au doigt sautillant. Mais il y a encore mieux… Vous vous souvenez de Jive Bunny et de ses « Megamix » qui ont fait fureur à la fin des années 80, où des vieux ‘hits’ du rock'n'roll ou du jazz des années 50/60 étaient fondus dans un seul et même morceau de cinq minutes ? Et bien Scott Illengdoe, c’est le Jive Bunny du death-metal US : mosh-parts, harmoniques artificielles stridentes, riffs saccadés, triples-croches-éxécutées-tellement-vite-que-tu-ne-les-vois-pas-passer, etc. Tout y est. En un album de trente-six minutes ont donc été compactés Deeds Of Flesh pour la sur-brutalité dans ta gueule, Suffocation pour le ‘groove’ de certains passages, Viral Load pour le côté technique et enfin Devourment pour les parties ‘slamming death’, le tout enrobé d’un schtroumpf d’old-school pour fluidifier toute cette belle béchamel. Alors oui, je sais cela fait un peu compil’ de supermarché discount tout ça sauf que cela marche du tonnerre car ‘Anatomize’ s’appuie sur une cohésion sans faille de ses exécutants. Le pire est que deux membres sur quatre sont des musiciens de sessions…

Alors oui, Incinerate réussit son hold-up en chourant aux autres leurs recettes plutôt qu’en bousculant les conventions mais cette véritable démonstration de force qu’est ‘Anatomize’ est juste bluffante. Et puis depuis quand attendez-vous de la part d’un album de death fuckin’ metal de vous apprendre à tricoter à l’envers avec des concombres dans le nez, hein?! Et puis comment résister à une petite reprise des bois en ‘ghost track’ du « Infecting The Crypt » de Papa Suffocation ?!

Note : 15/20

La Myxine :
Chez les cachalots, c’est 16 mois. On va même jusqu’à deux ans chez les éléphants. Au banc des mammifères, les membres d’INCINERATE ont mis quatre ans pour extirper aux forceps la bête immonde qui leur nouait les intestins. Une boule de haine visqueuse et puante comme un ado en crise. Dur.

Il faut dire que la grossesse a été difficile. INCINERATE a longtemps été la mère célibataire du Brutal Death ricain. Un très bon premier album (“Dissecting the Angels”) qui brillait autant par sa hargne et ses riffs torturés que par son absence de batteur et ses guitares pas toujours accordées, quelques gros concerts (ex: Maryland Death Fest), un chanteur et un guitariste proprios de l’un des gros labels de Brutal Death UG... tout pour croiser la route de quelques musicos talentueux dont on croirait la Californie pourtant pavée. Seulement... Scott et Jesse sont du Minnesota et enquillent les line-ups comme autant d’histoires d’un soir.

Las de ne trouver de camarades de jeu, les deux compères sont allés recruter les deux plus gros mercenaires du moment : Erlend CASPERSEN, le Pär Oloffsson de la basse et Daren Cesca (GORATORY, ARSIS, DEEDS...) aux sticks. Loin des musiciens de session métronomiques et fonctionnarisés, Daren et Erlend ont composé leurs lignes dans le but de créer une entité à la fois cohérente et originale, à l’opposé de ce que l’on pourrait attendre d’une telle formation.

“Anatomize” est en définitive un album riche et travaillé, aussi vicieux et dur qu’une belle-mère, une incarnation de ce que le Brutal Death américain fait de mieux : des structures nébuleuses articulées autour de riffs de guitares complexes, rapides et techniques qui alternent avec des sections plus linéaires, sombres et torturées avant de sombrer sur des mosh parts énergiques ou des breakdowns lourdingues. Etouffant, incisif.
La section rythmique est exceptionnelle de qualité. Daren Cesca est, comme à l’accoutumée, aussi inhumainement rapide que créatif, tandis que, et c’est l’un des intérêts majeurs de ce disque, la présence de la basse confine au lyrisme. Dave Otero (le son de Cephalic Carnage) a réussi la performance de mettre cet instrument en valeur dans un album de Brutal Death. Quel bonheur les aminches que celui d’entendre ces lignes dissociées, ces percussions (“Continuum”) ou ces soli fretless (“Ascendant”)... Si l’on ajoute à cela la présence de Mike Majewski (DEVOURMENT) sur la reprise de SUFFOCATION (dont on pouvait aussi bien se passer), on obtient ce qui est à mon sens l’un des tous meilleurs albums de Brutal Death cette année. On en vient à souhaiter une invasion du Minnesota par des surfeurs bronzés aux doigts agiles et au pieds lestes, pour qu’enfin INCINERATE puisse tourner et préparer un autre album de cette trempe sans attendre aussi longtemps.

Note : 17/20

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Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin et La Myxine | 16/20 | Nb de lectures : 11216