On a pu reprocher pas mal de choses à Peter Tägtgren, notamment d'avoir un nom imprononçable ou de délaisser son groupe phare au profit de ses activités de producteur au sein du studio Abyss, voire encore de caresser son alter-ego pop idol dans Pain. Je ne prétends pas que bon nombre de ces critiques soient infondées, toutefois j'ai envie de rendre justice au bonhomme en envisageant ses activités sous une autre perspective. Celle d'un artisan.
A mon sens, Peter T. n'est pas un artiste, pas au sens où sa technique suivrait des buts créatifs ou poétiques, pas au sens où sa musique tendrait à transcender les émotions de l'auditeur ou à questionner les fondements de son art. Sans faire de procès d'intention à cet illustre acteur de la scène metal, je daterais volontiers les dernières traces d'implication personnelle dans des compos comme "Roswell 47" ou "Fractured Millenium," là où l'expérimentation formelle rejoignait une sensibilité palpable pour une efficacité maximum. Dix ans déjà ; peut-être est-ce tout bonnement mon oreille qui a changé mais j'en doute.

Un artisan donc, quelqu'un qui connaît toutes les ficelles du métier et les met en œuvre grâce à un savoir-faire redoutable forgé sur des années de bricolage, une pratique fondée sur la qualité de l'exécution. Notez bien que je n'introduis pas de différence qualitative entre les deux statuts qui se recoupent par ailleurs bien souvent. Dix-huit ans et onze albums plus tard, ce savoir-faire prend une ampleur démesurée dans ce nouvel album. Étrange variation de son prédécesseur, « A taste of extreme divinity » reprend les choses là où « Catch 22 » les avait laissées. En effet, en dépit d'une bonne presse, « Virus » me semblait en tous points comparable à ces vins mal assemblés qui explosent en bouche pour ne laisser qu'une impression de vide en trois claquements de langue. Une cuvée qui vieillit bien mal, au contraire du nouveau millésime qui devrait marquer les esprits durablement.

Alors, ça a quel goût une divinité extrême?
J'ai envie de répondre que ça a le goût des vieilles marmites, de celles où on fait les meilleurs albums de death 90's. Quand je vous dit que c'est un malin le Peter, il applique une recette maintes fois éprouvée : le morceau d'ouverture à tomber par terre qui vous laisse la banane pendant les dix prochains titres, quelle que soit leur teneur, suivent une paire de morceaux aux refrains super catchy qui exploitent au mieux l'épaisseur de texture des rythmiques à la 7-cordes et un sens aigu de la mélodie ; à ce train-là on arrive à la moitié de l'album en se disant que c'est une bombe.
Le sentiment qu'il y a un réel boulot derrière chaque titre ne s'estompe à aucun moment ; la production se veut davantage organique, le son a du grain et de la matière quand de nombreux groupes actuels de melodic death se noient dans un mixage excessivement froid et brillant. Mieux encore, le disque dégage une impression de férocité jouissive qu'on espérait plus chez Hypocrisy, le chant de Tägtgren est souvent rageur et dense, sans parler du titre donnant son nom à l'album dont l'inspiration semble renvoyer aux brutales origines du groupe.

Andreas Holma ayant quitté le navire, Peter T. se retrouve seul à la barre. En a-t-il jamais été autrement? En redonnant du souffle à sa musique il donne le sentiment d'avoir entendu les critiques des fans et assume complètement une œuvre qui gagne en homogénéité avec le temps malgré ses errances. L'épreuve du live sera un autre indicateur de la vitalité du groupe, à cet égard je suis curieux de voir ce qu'un certain Alexis L. va apporter à l'édifice scénique (en dehors de sa trousse à maquillage).
Enfin, pourquoi une note ayant peu de rapports avec une chronique flirtant parfois avec la dithyrambe? Tout simplement afin de préserver la cohérence d'une discographie qui a évolué dans des sphères autrement plus divines et pour respecter la marge de progression d'un homme qui pourrait bien nous surprendre encore dans le futur.


Rédigé par : #Guillaume# | 16/20 | Nb de lectures : 13099