Le ventre de la terre rugit : quatre notes, sauvages, déterminées, pilonnent l'ouverture de ce troisième album des compatriotes d'Himinbjorg de la meilleure façon qui soit. Quatre notes originales dans leur succession qui vont être diluées en fil rouge de ce superbe premier morceau " The Elves " au milieu d'une pétillante démonstration de maîtrise technique ponctuée par une avalanche de solos. Ce fut court mais bon, se dit-on alors, un peu étonné tout de même de voir Himinbjorg sacrifier au tubesque en lieu et place des bourrasques nordiques et des assauts marathoniens de l'indispensable " Where Ravens Fly ". Le groupe n'a pas pour autant changé de visage, il a seulement mûri et repensé son expression. Car les Himinbjorg savent ce qu'ils veulent et n'ont pas besoin d'aller marauder des plans à droite à gauche pour le réaliser. Leur musique n'appartient qu'à eux, ce qui n'est qu'une raison de plus pour mieux encore en apprécier la qualité. En montrant qu'on ne peut plus leur accoler une étiquette black, ils extraient la quintessence de leurs guitares pour ne pas se perdre en riffs superflus et ne délivrer que le beau, le nécessaire - que ce soit en acoustique ou en metal. La cadence s'est considérablement ralentie et la plupart des titres se jouent même au minimum syndical niveau tempo si l'on excepte de jouissives incartades enragées (" The Eternal ") et quelques rythmiques plus soutenues et volontairement bancales qui entretiennent une parfaite apparence de colère nourrie (" Lonely "). Himinbjorg en est devenu un remarquable pourvoyeur d'atmosphères, un groupe qui ouvre grand son portefeuilles créatif au rendu instinctif d'un arrêt sur image particulièrement marquant : un ciel nocturne, un cheval au galop, une perception charnelle, que sais-je... assez pour en faire une chanson honnête et sans ambages en tout cas. L'excellent travail vocal se partage entre les râles guerriers propres au groupe depuis toujours et un chant clair très en évidence et rehaussé là où cela s'impose par des effets hypnotisants. Une évolution qui fait fi des tendances et n'hésite pas à bousculer la logique ou les attentes, cela n'est pas sans rappeler la démarche d'Enslaved sur " Monumension ", même s'il ne faut pas pousser plus loin la comparaison, Himinbjorg ne s'éloignant pas plus que cela dans l'esprit d'un cadre pagan metal qui leur sied au mieux. Et pourtant en dépit d'une opinion générale (aussi bien d'estime qu'objective) qui maintient la balance dans le positif, je ressens comme un manque dans ce " Haunted Shores ", une sorte de pièce de puzzle oubliée dans un coin, sans pouvoir vraiment mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Une fois je trouve l'album trop court, une fois trop contenu, une autre fois je regrette que les morceaux ne prennent pas durablement une véritable tournure épique... " Haunted Shores " conserve la rage, mais paradoxalement dégage dans l'ensemble une impression feutrée et apaisante. Des arêtes coupantes sur une surface sans aspérités (peut-être même, par flashs, trop astiquée, d'où le malaise...). En occultant ce petit arrière-goût enquiquinant d'inachevé, il est de mon devoir de décerner une palme honorifique à ce groupe peu en lumière mais qui apporte une nouvelle fois la preuve que la scène metal française, innovatrice et compétente, est décidément solidement ancrée au top-niveau international. Dommage que seuls... les Français s'en aperçoivent...


Rédigé par : Uriel | 14/20 | Nb de lectures : 7168