Bizarre comme je m'étais toujours méfié de ce groupe au patronyme curieux (en rapport avec le roman de Matheson, 'I Am Legend', semble-t-il). Je m'étais imaginé qu'il jouait du mauvais metalcore pour adeptes de mascara et de mèches, un de ces innombrables groupes opportunistes sautant dans le wagon menant aux pépettes faciles sans avoir à s'arracher des cheveux si difficilement coiffés. Mes jugements a priori et totalement arbitraires furent déjà ébranlés par le descriptif promotionnel au dos du CD: mélange de Southern Rock, Grunge, Metal et Emo avec pour influences Atreyu, Story of the Year, Eighteen Visions, Norma Jean et Every Time I Die. Ben ça nous promet un beau bordel tout ça, ma bonne dame! C'est non sans moultes interrogations que je me lançais à la découverte de ces Nord-Caroliniens, qui signent là leur 3e album après '91025' et 'He Is Hollywood' toujours chez Solid State.

Le premier constat évident concernant ‘Suck Out The Poison’, et par transitivité le style du groupe, est qu'il est totalement déroutant, à des années-lumières des idées trompeuses que je m'en faisais. Pour une fois que les qualificatifs choisis par un responsable promo ne sont pas totalement saugrenus et à côté de la plaque. La musique peut effectivement être rapprochée de celle d’Every Time I Die (sur la majorité des titres), par son côté rock’n roll très poussé avec cependant suffisamment de variations significatives pour rendre l’ensemble très riche. Schuylar (j’espère pour lui que c’est un pseudo !), le chanteur, possède une voix claire très 'emo-gnangnan' irritante à souhait sur la longueur alors que son hurlement 'screamo' convainc déjà plus et ses growls complètent une palette intéressante. Adam, le guitariste, semble, lui, capable de tout jouer: du stoner lancinant sur le fantastique ‘(((Louds’ aux accélérations frénétiques presque HC old-school sur le titre d’ouverture ‘Dixie Wolf’ en passant par des mélodies très heavy-metal (‘Attack Of the Dungeon’) ou des riffs syncopés très ‘chaotiques’ (‘Mushroom River’), son talent est aussi indéniable que sa polyvalence. La section rythmique n’est pas en reste mais tire moins la couverture à elle (comme d'habitude avec les gratteux de talent, nyark nyark). Le batteur Steve exécute tout de même quelques breaks parfaitement maîtrisés et réussit avec brio certains passages techniques écartant immédiatement les éventuels doutes sur son niveau. La production étant en outre à la hauteur du niveau des musiciens, on ne peut que s’incliner devant la qualité du travail fourni par nos lascars.

Vous l’aurez donc compris, cette seconde œuvre du quartette part un peu dans tous les sens, et c’en est à mon sens le défaut majeur. On a la désagrable impression que le groupe tient absolument à démontrer qu’il peut tout jouer, qu’il maîtrise quasiment tous les styles associés au ‘rock’ au point qu’au sein d’un même morceau, le chanteur nous prend à contre-pied en se mettant à hurler comme un forcené après un démarrage calme, alors que les autres musiciens font l’inverse! Manque d'unité et de cohérence, certes, démonstratif et m'as-tu-vu, oui aussi. Le plus énervant reste tout de même le Trouble Obsessionel Compulsif du chanteur consistant à brailler un mot sur deux sans raison particulière. Talentueux, pas de doute, mais il faut penser à prendre ses médicaments, monsieur, surtout la pillule bleue pour les nerfs!
Ceci étant, certains titres n’en demeurent pas moins d’authentiques perles, toutes situées à la fin de l’album. Grosso modo, l’enchaînement ‘Cannonball Hands’, ‘Glodie Torn’s Lock-Out’ et ‘(((Louds’ représente à lui-seul l’intérêt de l’album, surtout qu’il intervient après une série de morceaux assez plats et particulièrement lassants: un instrumental planant auquel répond un mélange mi-stoner/mi-chaotique dont la montée inéluctable prépare de façon magnifique le monument de stoner qu’est le morceau final de l’album, sur lequel Schuylar laisse progressivement la place à une nymphette dont la voix haut perchée vient magnifiquement contraster avec ses beuglements. Didiou, c’est de la bonne ça, ma ptite dame! Si le groupe s’était cantonné dans ce registre plutôt original et personnel plutôt que saupoudrer les autres titres d’emo, de screamo et je ne sais quoi encore, nul doute que nous aurions sous la main une oeuvre réellement incontournable. En explorant un peu leur site officiel, il apparait que les paroles de certains morceaux ont été écrites en réponse à celles de l'album précédent, mais c'est vraiment le genre de détails qui n'intéresseront que les fans. C'est juste pour vous dire qu'on a affaire à des minutieux, des méthodiques, qui ne laissent apparemment rien au hasard. A part ce satané chanteur et ses pillules, bien évidemment.

Que dire de plus sur ‘Suck Out The Poison’ ? Il m’aura donné envie de découvrir le reste de l’œuvre d’He Is Legend, ce qui est énorme tant je partais avec des préjugés négatifs. Mais aussi que seuls les derniers titres m’auront vraiment bluffé, au point de zapper les premiers morceaux sans vergogne dorénavant. Je conseillerai donc l’album aux gens très ouverts d’esprit, ceux qui peuvent écouter de l’emo, du stoner et du HC chaotique dans la même heure avec le même plaisir. D’une manière générale, le talent des musiciens, leurs idées un peu farfelues et la grande personnalité des compositions méritent de toutes façons amplement une écoute.


Rédigé par : Candiria-Thon | 13/20 | Nb de lectures : 12636