Preuve supplémentaire, s'il en fallait, que la France est un vivier de groupes motivés, autonomes et solides, même si beaucoup peinent à se faire un nom en dehors de leur région d'origine, HERKAINN a sorti il y a quelques mois un premier album costaud et velu. « Brutality As Normality » est un disque en phase avec son époque, à la fois musicalement puisqu'il est une sorte de Thrash moderne, un sang mêlé résultat du croisement d'influences suédoises et américaines récentes. Comme un DEVIL DRIVER qui aurait préféré le son âpre d'un DARK TRANQUILLITY à ses productions plus lisses, qui aurait mis l'accent sur la recherche de mélodies de guitares accrocheuses, mais aurait conservé son côté un poil bordélique qui le rend parfois difficile à suivre.

HERKAINN n'est pas seulement le reflet de son époque d'un point de vue musical, il l'est également dans ses textes et son attitude, mélange de détachement juvénile, d'envie de s'éclater et de sérieux, de réflexion sur le fonctionnement de notre monde moderne. Comme son artwork le dévoile, il existe en effet deux facettes chez les Rouennais qui donnent encore plus de consistance à leur musique. La première serait celle qu'on perçoit immédiatement, et serait ce Thrash Death mélodique et burné qu'on pourrait croire destiné uniquement à headbanguer en concert tout en renversant le plus de binouze possible sur son voisin de pogo. Mais de même que le corps vautré dans une chaise longue tenant négligemment un verre d'alcool se révèle être un cadavre au torse ensanglanté transpercé par un couteau, « Brutality As Normality » se révèle bien plus sombre et moins festif qu'il n'y paraît quand on jette un œil aux paroles qui, d'ailleurs sont rédigées comme de petits textes et non sous le format habituel couplet/refrain.

Le groupe s'y connaît en rythmiques entraînantes, et si tous ses riffs ne sont pas mémorables, l'énergie dégagée par les compos suffit à rendre l'album à la fois agréable à écouter et idéal pour une séance de Hair Thrash Metal quotidien. La recherche permanente de mélodies, dans une veine très suédoise, pallie la linéarité du riffing, qui titillera néanmoins tous les fans de Thrash par son côté finalement plutôt traditionnel. Le jeu de batterie contribue également à la vitalité des morceaux car très varié, utilisant quasiment tout l'arsenal du metal extrême pour dynamiser les morceaux (blasts, double, changements de rythmes, etc.) et c'est encore une fois le chant qui risque peut-être de rebuter le plus. Bien que spontané et brutal, il manque de profondeur pour un chant typé Death, trop aigu, et donne parfois l'impression de caler sur les passages les plus violents. Question de goût peut-être, les morceaux en écoute sont là pour que chacun puisse se faire une idée, et on peut également considérer ces vocaux comme un élément supplémentaire apportant spontanéité et violence aux compos.

La production, réalisée au Boss Hog Studio (ANORAK, TANG, NIFELHEIM, NIGHSHADE), est de bonne facture même si elle a tendance à faire saturer les enceintes quand on pousse un peu le son, dès que la machine s'emballe un peu. Hormis ce défaut devenu de plus en plus courant, « Brutality » est particulièrement agréable à écouter malgré ses compos très compactes. On peut certes relever quelques longueurs, surtout vers la fin de l'album, mais une écoute en mode aléatoire révèlera que les titres qu'on trouvait un peu faibles passent finalement tout seuls quand on les écoute en premiers. HERKAINN montre qu'il a énormément bossé son disque, et s'il n'a pas accouché d'un chef-d’œuvre, il peut être fier de ces douze compos qui affirment son identité et donnent de bons espoirs pour l'avenir.


Rédigé par : Dungorpat | 14/20 | Nb de lectures : 11999