La mémoire intergénérationnelle est une chose bien subtile. Combien de "jeunots" regardons-nous avec dédain, nous anciens, quand ils expriment leur dévotion à des groupes récents qui se contentent de plagier des ancêtres tombés dans l'oubli des nouveaux media? T'es pas sur YouTube, t'as pas existé. Mais ne croyez pas que les générations d'avant étaient tellement mieux. Dans sa soif d'enfourner les premiers vinyls de Master dans son mange-disque, Tonton n'en a-t-il pas oublié les racines de son metal fétiche? Les années passées à se faire besogner par des groupes suédois obscurs dans des caves qui ne le sont pas moins n'ont-elles pas altéré les souvenirs alcoolisés de notre Zoltar? Le scandale est d'autant plus énorme que la paternité d'un genre entier a été attribuée à un jeune ado américain sans talent dans les années 80, simplement parce qu'il a affublé son groupe du patronyme du "godfather" qui sévissait déjà dans les années 70 (en l'orthographiant mal en plus). Le débat de puceaux concernant la paternité entre Death et Possessed a finalement occulté le principal: le premier album de véritable death est sorti en 1977! Plus DIY que les clodos qui bricolent leurs guitares dans des squatts, un homme seul luttait contre le système, demandant aux orgas de baisser le tarif de ses concerts pour que toute la famille puisse venir à peu de frais. Alors, ça suffit! Justice sera rendue aujourd'hui! VS va enfin (enfin!!) compter une vraie chronique de Dès! Du vrai, du old school qui s'adresse aux kids qui ont su rester jeunes!

Le maitre est à l'aurore d'une carrière bien remplie, avec une discographie riche d'une quinzaine d'albums studio. Une discographie dont il n'a pas à rougir tellement la qualité a toujours été présente. Label UG oblige, il m'aura fallu un peu de temps pour récupérer à petit prix cet album live. Peut-être l'ultime live, qui a la lourde tâche de succéder à l'Olympia 2000 et au formidable Olympia 2006 (qui n'existe qu'en CD audio hélas, mais c'est un must). Encore une fois (pour la septième fois!!), c'est l'Olympia qui sert d'écrin à l'enregistrement des mélodies du troubadour. Le digipack est aussi violacé que joli, s'ouvrant en forme de croix, qui aurait été certainement inversée si elle n'avait pas été suisse. J'aborderai ici le CD, n'ayant pas encore visionné le DVD (erreur d'envoi d'un cuistre que j'ai numériquement chatié, évidemment).

Un piano, une batterie, un accordéon, une petite chrorale et l'indéboulonnable monsieur Merlu. Depuis quelques années déjà, Henri Dès tourne en formation réduite et il faut dire qu'elle lui convient parfaitement. Tout est prêt pour près d'une heure de folie avec un public en délire qui fait passer les pits habituels de metal pour trois vieux papys assis sur un banc tout moussu dans le parc d'une maison de retraite. Et encore une fois, ça marche! Avec sensibilité, Henri nous déroule un set impeccable avec humour et poésie.

Mais voilà, le souci de ce live est sa setlist. Elle est un peu palichonne comparée à celles des précédentes réalisations live. L'Olympia 2006 comporte de purs moments de bravoure, soutenant l'excellent album Comme des Géants (Henri encore une fois précurseur, avec cette affiliation marquée au pagan dès 2002). D'excellents titres comme "La Grande Aventure" ou "Le Crocodile" manquent cruellement. Pire et frustrant, "Les Bêtises", "La Petite Charlotte" et "Le P'tit Zinzin" se trouvent résumés dans un pot-pourri des meilleurs titres. Plus intimiste, L'Olympia 2009 manque aussi d'accroches rigolotes, souffrant encore une fois de la comparaison avec les versions déjantées de "La Petite Charlotte" des précédents lives (notamment l'écran-gag de 2006). Seul le sketch "Bagapoué" (très drôle au passage) vient briser la mélancolie du concert.

Néanmoins, Henri Dès livre encore une fois ses meilleurs riffs, avec un son qui ferait rougir beaucoup de groupes de metal qui ne savent pas se régler correctement. Le "Dès father" ne s'est jamais moqué de ses fans; c'est ce qui fait toute sa force et qui impose aujourd'hui le respect dans un marché trop envahi par les enfantillages musicaux naïfs. Avec des textes qui n'hésitent pas à passer des messages ("L'Eau c'est de l'Or") ou avec des moments de poésie ("La Bouteille à la Mer", "Le Vilain Crapaud"), le compte y est encore une fois. Malgré une voix qui a subi les assauts du temps, le patron est dans la place pour faire le show. Le public vit un moment de magie, il est conquis et se fait entendre.

Celtic Frost, Coroner ou Samael, la Suisse aura compté des groupes fabuleux découverts souvent trop tardivement et qui seront restés dans l'ombre à leurs plus grandes heures. Henri Dès a connu l’infamie de l'oubli et, rien que pour ça, vous mériteriez qu'il vous colle un crocodile dans le bain. Ce live n'est peut-être pas la meilleure livraison de notre Helvète, mais c'est déjà un point d'entrée plus que généreux sur une carrière unique. S'il est peut-être trop tard pour vous, pensez tout de même à faire écouter du Dès aux générations futures. Elles vous en remercieront plus tard.


Rédigé par : Prince de Lu | DES OLD SCHOOL/ | Nb de lectures : 15075