HELHEIM, groupe norvégien formé en 1992 à Bergen, n’est pas du genre à stagner ou à se contenter de faire sa petite musique sans chichis. Au contraire, le groupe a eu une évolution fort remarquable au cours de sa carrière. Après un départ en trombe avec Jormundgand (1995), album qui aurait pu devenir un véritable disque culte du Viking-Metal si le groupe ne s’était pas aussi fait discret par la suite, le groupe avait continué son petit bonhomme de chemin sur la même voie viking avec Av Norrøn Ætt (1997) puis Blod & Ild (2000), deux disques ancrés dans une certaine tradition mais qui laissaient entrevoir quelques prémices d’un son nouveau (surtout sur Blog & Ild). Le groupe a ensuite fait un bond en avant avec Yersinia Pestis (2003), ce titre d’album qui fait frémir les microbiologistes cachant une sorte de Viking-Metal moderne (!) et mélodique tout à fait plaisant. Mais dans la continuité de cette évolution, HELHEIM avait trébuché avec l’expérimentation The Journeys & The Experiences Of Death (2006) qui s’était avéré être plutôt ratée, laissant un peu HELHEIM retomber dans l’oubli et ses glorieux débuts commençaient à dater.

Pourtant, le groupe avait selon moi fait un retour fracassant avec l’excellent Kaoskult (2008), album malheureusement passé inaperçu et assez sous-estimé à mes yeux. Leur Viking-Metal direct et accrocheur m’avait franchement tapé dans l’oreille, notamment grâce à de sacrés tubes comme "Northern Forces", "Om Tilblivelsen Fra Gapende Tomhet" ou "Altered Through Ages, Constant In Time". Un album court et simple mais franchement irrésistible. Mais alors que le groupe aurait aisément pu poursuivre dans cette voie, il a choisi de prendre la formule à contre-courant « deux pas en arrière, un pas en avant ». A savoir un certain retour aux sources qui lui permettrait pourtant d’avancer à nouveau. Le pari était osé, voire risqué, mais le challenge a donné naissance à quelque chose de grandiose.

Exit le logo modernisé, HELHEIM a choisi d’opérer un nouveau changement visuel en prenant un nouveau logo (le cinquième de leur carrière), qui rappelle étrangement celui de leurs deux premières démos K7, Helheim (1993) et Niðr Ok Norðr Liggr Helvegr (1994). La première manifestation musicale, elle, arrivera par l’EP Åsgards Fall sorti en novembre 2010. La direction prise est celle d’un Viking-Metal plus atmosphérique et épique que mélodique, avec un long morceau-titre en trois parties plutôt dépaysant, un tube en puissance ("Dualitet og Ulver"), l’interlude éponyme habituel (le n°7) et un réenregistrement d’un vieux morceau plutôt anecdotique ("Jernskogen" qui figurait sur Blog & Ild). Un retour aux sources, mais pas seulement, car les ambiances sont bien nouvelles. Voilà donc que débarque l’album complet intitulé Heiðindómr ok Mótgangr, et la surprise continue…

Car on aurait pu s’attendre à un album très épique et tendance « atmo viking des bois », mais ça n’est pas vraiment le cas. Heiðindómr ok Mótgangr se situe en réalité à la croisée de plusieurs chemins : Viking-Metal d’obédience norvégienne, Pagan-Metal assez sombre, Black parfois mélodique et parfois aux confins du Black’n’Roll, un peu de Folk sur les bords… HELHEIM n’a pas choisi la facilité et nous balance un album très varié et travaillé, tout le monde peut y trouver son compte. Le disque est orchestré autour des quatre parties de "Viten og Mot" (« Connaissance et courage »). La première qui ouvre l’album, "Sindighet" (« Esprit »), est portée par un riff mélodique très entêtant et par les vocaux toujours très singuliers de V'gandr et H'grimnir qui s’entrecroisent à merveille, pour un morceau très épique avec un solo central assez jubilatoire. Et surtout, on découvre le petit plus qui fait la différence : la présence d’un cor français, qui donne un côté pagan/folk assez décalé et surprenant à Heiðindómr ok Mótgangr. Le morceau se termine en apothéose, accompagné par le chant clair de Gunnar Emmerhoff. "Stolthet" (« Fierté ») est un morceau nettement plus sombre, avec un chant récité très incantatoire et prenant. "Årvåkenhet" (« Vigilance ») est quant à lui carrément Black’n’Roll avec un départ en trombe et des riffs à headbang terribles, accompagnés par un chant agressif à souhait, et aéré par un break central magnifique et des solos géniaux. "Bevissthet" (« Conscience ») fait la part belle aux leads plutôt rapides et aux montées épiques (surtout la partie finale), avec les chanteurs au top de leur forme.

Mais les autres morceaux ne sont pas en reste et Heiðindómr ok Mótgangr s’avère être parfaitement ficelé de bout en bout. "Dualitet og Ulver" était le tube d’Åsgards Fall, c’est aussi celui de l’album (dans une version un chouïa plus longue). L’alternance des chants fonctionne à merveille, le refrain est simple mais inoubliable (« Du-a-li-teeeeet ooooog Ul-veeeeer »), les chœurs viking sont parfaits ainsi que les instrumentations plus pagan/folk, et Hoest (TAAKE) apparaît en guest. "Maðr" est également un morceau tendance Viking’n’Roll ultra-efficace. "Nauðr" est aussi dans cette voie plus rapide et incisive, mais toujours avec des riffs mélodiques. Mais le groupe peut se montrer enivrant tout autant qu’il reste agressif avec le superbe "Element" porté par le chant clair de Gunnar et par les mélodies norvégiennes d’une beauté frappante. L’album se clôt par l’instrumental éponyme habituel (le n°8), folk, acoustique et atmosphérique.

Entièrement chanté en norvégien (mais toutes les paroles sont traduites dans le livret), Heiðindómr ok Mótgangr est tout simplement un album de grande classe. Varié sans être hétérogène, comportant son bon lot de riffs accrocheurs tout comme des passages plus atmosphériques très prenants. Un album de Viking-Metal quasi-parfait, parfaitement produit de plus (par l’indéboulonnable Bjørnar E. Nilsen de VULTURE INDUSTRIES, puis masterisé par Herbrand Larsen d’ENSLAVED). Pas évident à aborder, mais plutôt unique en son genre. HELHEIM continue donc son évolution et semble même être à son apogée en termes de qualité, il serait maintenant intéressant de voir comment le groupe peut continuer son voyage, mais quoi qu’il en soit Heiðindómr ok Mótgangr est une étape à ne pas manquer.


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 15977