La haine est une passion, un sentiment paroxystique qui inspire Erik Rutan depuis quatre albums déjà. Mais, pour la première fois peut-être, le coeur et l’âme d’HATE ETERNAL ont été touchés par d’autres motivations. La volonté de rendre hommage à Jared Anderson, frère d’arme et ami d’Erik, décédé il y a peu. Haine, douleur, souffrance... la fureur et les flammes d’un bûcher funéraire.

Pour délivrer son tribut, véritable métaphore du passage dans l’au-delà, HATE ETERNAL subit de profondes mutations. Rutan s’entoure d’Alex Webster, de Shaune Kelley, guitariste transfuge des excellents DIM MAK, ancien compadre de RIPPING CORPSE et enfin de Jade Simonetto derrière les fûts. Si, dans l’écriture, HATE ETERNAL était jusqu’alors la chose d’un seul homme, cette nouvelle entité est définitivement prometteuse.
Les premières mesures de “Fury and Flames” confirment cependant ce que l’artwork (de nouveau signé Paul Romano) laissait présager. Ce brûlot s’inscrit dans la continuité de “I Monarch”.

Après quelques accords lâchés en guise d’échauffement, HATE ETERNAL étouffe l’auditeur avec un Death brutal d’une intensité rarement atteinte. La furie et les flammes, tout est dit. La section rythmique, épuisante, martèle sans fin des tempos extrêmes. De ce magma subacoustique s’extirpent des riffs dissonnants, organiques, des mélodies malsaines. Les soli seuls tranchent dans ces ténèbres comme des coups de scalpels, lumineux, tristes et fluides. Les compositions ne peuvent être appréhendées, dans un premier temps, que comme une émanation de violence occulte et pesante. Il est d’ailleurs difficile d’apprécier cet album immédiatement, ce qui n’était pas le cas d’”I Monarch”, tout aussi dissonant mais dont la violence était moins primitive et confuse.
Une difficulté de compréhension due en partie à la production de “Fury and Flames”. La batterie est inexorable, ne stoppant que rarement ses blasts voire ses gravity blasts pour des descentes de toms soniques. L’ambiance est surchargée de ces martèlements auxquels s’ajoutent ceux, très présents, de la basse. Car Erik Rutan aime que les instruments sonnent selon leur nature. Pas de grosse caisse au son plastique, pas de basse anémique, que des graves sismiques qui, hélas, noient un peu les fréquences des guitares. Une perte de précision, contrepartie acceptable d’une production massive, écrasante et viscérale.

“Fury and Flammes” fait partie de ces albums que l’on apprend à aimer, même s’ils paraissent rébarbatifs. Une fois l’oreille accoutumée à sa production dense, il révèle finalement ses qualités harmoniques. Un travail de composition où rien n’est laissé au hasard, des lignes tranchantes de “Hell Envenom en passant par les coups de boutoirs incessants, hypnotiques de “Whom the Gods May Destroy jusqu’au très Morbid Angelesque “Tombeau” et sa fin poignante... Le duo symbiotique Rutan-Kelley semble penser en terme de sensation plus qu’en terme de riff ou de rythme, une approche originale dans le Death actuel que l’on pouvait aussi sentir dans les précédentes réalisations d’HATE ETERNAL. Cette continuité devrait consumer les amateurs tout autant qu’elle continuera à repousser ceux qui n’aiment pas ce groupe.

“Fury and Flames” est un ouragan blasphématoire et venimeux. En brandissant ce flambeau, HATE ETERNAL ne signe pas seulement une épitaphe brûlante mais sans doute aussi le meilleur album de sa carrière.


Rédigé par : La Myxine | 17/20 | Nb de lectures : 15874