On ne présente plus Rob Halford. Le Metal God, chanteur mythique du non moins culte Judas Priest, a façonné le Metal dans ses moindres détails, apportant l'imagerie cuir et clous et inspirant plusieurs générations de chanteurs par sa voix incroyable.
Ça, tout le monde le sait. Mais dans les années 90, alors que le Metal était au creux de la vague face aux incessants assauts du grunge et autre punk-rock, Rob Halford changea son fusil d'épaule. Il quitta Judas Priest après un album devenu culte ("Painkiller") pour monter son projet solo, Fight. Malgré deux albums honorables le Metal God n'arriva pas à faire oublier son ancien groupe... Du coup, il décide de changer du tout au tout. Il fait son coming-out (eh oui, Halford is gay. On sait donc maintenant où il a trouvé ses tenues de cuir et de clous) et sort un album de metal-indus sous le nom de Two en 1997. Un échec cuisant, on efface pas comme ça 20 ans de metal.
Le bougre se retrouve donc dans une impasse. Quand il fait du metal, il souffre de la comparaison avec Judas Priest, et quand il fait autre chose, on lui reproche de pas faire du metal. Mais notre chanteur a plus d'un tour dans sac.
Alors que Judas Priest peine à convaincre avec Ripper ("Jugulator" était sympa, mais "Demolition" est un four...) Halford décide de revenir aux sources et de sortir un album solo, sous son nom. Un album de metal pur et dur. Un album nommé "Resurrection", rien que ça! On n'y croit qu'à moitié. Et on a tort. L'album se trouve être superbe. Entouré de petits jeunes qu'il a sûrement dû sculpter sans s'en rendre compte, le Metal God fait du metal mieux que Judas Priest. Un comble! L'album annonce aussi si on lit entre les lignes le retour de Rob dans son groupe de toujours. Le groupe (enfin si je puis dire avec un nom comme "Halford") remet le couvert deux ans plus tard avec l'album "Crucible" lui aussi très réussi, même si plus expérimental et moins direct.
Arrive alors ce que tout le monde attendait : la reformation du grand Priest. Un album réussi ("Angel Of Retribution") et tout le monde se disait que c'était reparti comme en 40 (enfin plutôt comme en 80!). Oui, mais non. On commence à entendre par-ci par-là que Rob Halford commence à perdre sa voix, ses prestations scéniques deviennent statiques et on le sent à la peine, la faute à un âge qui commence à devenir très respectable (60 ans cette année). Le dernier album du Priest ne rassurant personne, celui-ci étant long et mou, et surtout ennuyeux. Enfin, dernier indice et non des moindres tendant à prouver que le Metal God est rincé, l'annonce de la dernière tournée de Judas Priest en 2011!
Alors quand enfin on annonce un nouvel album solo de Halford (après la sympathique parenthèse "Winter Songs") on craint le pire... Le Metal God va-t-il n'être que l'ombre de lui-même? A-t-il encore la flamme pour chanter du "Painkiller"?

La réponse est oui.

Rob Halford balaie d'un coup toutes les critiques avec "Made Of Metal". Comme son nom l'indique, l'homme est fait de metal, et personne ne sait mieux que lui comment faire un album dans le style.
C'est bien simple, on se croirait revenu dans la même situation qu'à l'époque de "Resurrection". Halford nous gratifie d'un album de metal qui fait plus que de l'ombre à son groupe principal!
"Mais qu'est-ce qu'il déblatère??" entends-je parmi les travées de fans du Priest sceptiques! Rien que la vérité, et je vais vous le prouver. L'album commence tranquillement avec le titre "Undisputed", un titre classique pour le groupe, riffs metal, soli crystallins, refrain accrocheur, le tout sur un tempo entraînant. On se dit tout de suite "bon, OK, l'album va être sympa, ils annoncent d'emblée la couleur!" et directement après "ma foi, c'est cool, mais rien de transcendant!"
Ça serait mal connaître notre dieu du metal. Si les trois ou quatre premiers morceaux sont là pour rassurer le fan (mention spécial au titre éponyme, imparable), le reste de l'album nous emmène dans des contrées inexplorées par la maison-mère Judas Priest. La variété de l'album est surprenante. Surprenante par le spectre proposé tout d'abord. On passe par le trip western sur "Till The Day I Die" au rock teinté de piano sur le morceau suivant "We Own The Night", pour enchaîner sur "Heartless", un titre magnifique avec un son de guitare planant que ne renierait pas Pink Floyd sur les couplets. Enfin on entend des sonorités flamenco sur "Matador" (maintenant on le sait, Rob Halford ne fera jamais de duo avec Cabrel!).

Tout ceci pourrait effrayer de prime abord le fan du Metal God, mais bien sûr, chacune de ces subtilités est noyée dans une mer de metal, et d'un sens de la mélodie tout bonnement irrésistible. Chaque morceau fait mouche, chaque morceau renouvelle l'intérêt pour celui qui suit tant on se demande quelle direction sera empruntée pour rendre hommage au metal cher au cœur de Halford.

Les musiciens sont autant responsables que leur leader. Chacun joue juste, sait se montrer discret pour mieux exploser quand il le faut (mention spéciale au batteur, superbe de subtilité). Les guitaristes sont monstrueux, chaque riff fait mouche, chaque solo est travaillé, bref le roi a su choisir ses sujets et ils lui rendent bien. D'ailleurs, le line-up n'a que peu évolué depuis le premier album, signe d'une entente musicale harmonieuse.
L'album a quand même un point faible, sa production. Elle manque de puissance. Il est évident que cela vient de la volonté de se passer d'artifice moderne pour obtenir une musique plus vivante et plus vraie, mais c'est vrai que parfois on aurait aimé un peu plus de patate. Cela reste relatif bien sûr, et les amoureux de l'acoustique adoreront. L'attitude est louable, et ça a le mérite d'avoir une vraie personnalité, contrairement aux productions modernes Andy Sneap like, dénuées d'âme. (Attention, Andy Sneap est un grand producteur, ne me faites pas dire ce que j'ai pas dit!) Et pour chipoter, aller, on va dire que la ballade lasse au bout de quelques écoutes, trop molle. Mais ne cherchez pas plus de points négatifs!

Et vocalement alors?
Bah oui, c'est quand même la crainte qu'ont la majorité des fans de Rob Halford. Eh bien l'album passe comme une lettre à la poste à ce niveau également. Rob faisant une force de ses faiblesses. S'il ne casse plus de vaisselle comme au bon vieux temps, il pose désormais sa voix, travaille son timbre et on se retrouve avec des parties vocales moins démonstratives et beaucoup plus chaleureuses. On retrouve quand même quelques envolées sur "Hell Razor", mais c'est tout, et il est vrai qu'elles sont moins percutantes que dans le temps.
Mais bon, tout ça c'est bien gentil, mais on ne peut s'empêcher de regretter l'absence d'un bon "Painkiller" vocal, marque de fabrique du Metal God. L'album continue, les morceaux passent, et on se dit que Rob Halford a tourné cette page de sa vie de chanteur.
Ah tiens, bah on arrive au dernier morceau, voilà. Dommage ma foi, mais l'album est génial, donc ça compense, et d'ailleurs je vais de ce pas me...
Houla!!
BAM!!!!
Iaaaarrrrghhhhhhh!!!
Mais qu'est-ce que c'est que ce dernier morceau incroyable?
"The Mower".
Des cris suraigus! Des riffs pachydermiques plus dignes de Pantera que de Halford! Une batterie incroyable! Quel petit malin notre Rob Halford! Il a gardé le morceau le plus violent pour la fin! Quel dessert! Ce morceau va faire taire tous ceux qui pensent que Rob n'a plus les moyens de chanter en hurlant! Bon, les mauvaises langues diront que c'est facile en studio... Mais bon, quand même, le résultat est là! Et servi par un morceau bestial au possible, rappelant plus Fight que Two!
L'album se termine donc sur cette cerise, et on n'a qu'une envie: le remettre.

Alors, Judas Priest va prendre sa retraite? Qu'à cela ne tienne, tant qu'on a Halford pour nous pondre des albums comme celui-là!


Rédigé par : Stickskiller | 18/20 | Nb de lectures : 15410