On connaissait le potentiel d’HACRIDE depuis l’explosion du groupe en 2007, lorsque l’organique « Amoeba » avait décroché le plébiscite quasi unanime de la presse comme celui d’une frange du public métallique à l’esprit large, adepte de modernité et de travail particulièrement léché. La popularité qui, en l’espace d’une paire d’années, s’est embrasée comme une traînée de poudre pour faire d’HACRIDE l’une des références du métal hexagonal ; une réputation d’ailleurs consolidée par de multiples concerts toujours soigneusement mis en scène afin de transcrire au mieux l’univers complexe du groupe.

Tout ça pour nous conduire à l’exercice délicat qui consiste à se succéder à soi-même lorsque toute l’intelligentsia métallique a les yeux, ou plus justement dans le cas présent les oreilles, braqués sur un nouvel avatar. J’ai nommé « Lazarus ».

Si la « patte HACRIDE » est parfaitement reconnaissable dès les premiers accords. Si « Lazarus » s’inscrit dans l’exacte continuité de son prédécesseur, cette nouvelle rondelle est le théâtre d’évolutions et de prises de risque n’ayant absolument rien d’anecdotiques. C’est un peu comme si le groupe poitevin s’était soudain découvert des ailes et qu’il « osait » véritablement pour la première fois. Et c’est sans doute ce qui explique le choix du groupe d’avoir placé un titre aussi monstrueux que « To walk among them » pour ouvrir ce nouveau disque ; composition fleuve dépassant la quinzaine de minutes, regorgeant d’une multitude de détails qu’on redécouvre à chaque écoute. Mixant pêle-mêle rythmiques appuyées, solo bien ficelé, interlude planant, passages cycliques ou délicieusement aériens, HACRIDE annonce la couleur en l’espace d’un premier morceau mémorable symbolisant à lui seul, les horizons progressifs que le quatuor semble bien décidé à explorer sur la petite heure de « Lazarus ».

Si les influences qui palpitaient sur, le désormais lointain, « Deviant Current Signal » ne se manifestent plus aussi systématiquement, d’autres sources d’inspirations presque logiques apparaissent aujourd’hui dans l’univers très personnel du groupe. Ainsi les initiés ne manqueront pas remarquer quelques plans allant régulièrement dans la direction d’un post-core du meilleur goût, une progression en profondeur de l’utilisation des synthés ou encore l’envoûtement de quelques plans purement hypnotiques que ne renierait pas la bande à Meynard J. Keenan.

Si l’album donne le sentiment qu’HACRIDE a quelque peu perdu de son agressivité au crédit d’ambiances toujours plus riches et finement distillées, les Poitevins n’en ont pas perdu pour autant le goût des rythmiques parfois percutantes et toujours infiniment subtiles. Difficile d’imaginer le travail colossal que « Lazarus » a nécessité tant le disque est impeccablement maîtrisé d’un bout à l’autre ne laissant place qu’à de très occasionnelles baisses d’intensité. Pourtant, malgré son ossature particulièrement peaufinée et riche, l’album n’en devient pas indigeste mais bizarrement très accessible. Cette apnée de quelques 58 minutes dans l’univers d’HACRIDE se savoure avec une aisance déconcertante. En fait, le disque est tellement bien structuré que, malgré ses changements d’ambiances, de tempos, il semble s’écouler dans une logique progressive des plus parfaites.

On notera également un gros travail du côté du chant de Samuel Bourreau. En parfaite adéquation avec la « prise de risque » ambiante de « Lazarus », les variations du chant sont plus nombreuses et souvent très réussies et ouvrent ainsi la voie à de multiples combinaisons peut-être pas encore exploitées à leur maximum.

Enfin, difficile de terminer cet article sans un mot sur l’excellente production massive, cristalline et pourtant bien personnelle une nouvelle fois orchestrée sous la houlette de Franck Houeso. Preuve que le syndrome de « gros son » devenu rébarbatif chez certains producteurs peut encore laisser libre cours à l’identité d’un groupe… lorsqu’il en a une…
A n’en pas douter, HACRIDE enfante aujourd’hui son projet le plus ambitieux à ce jour qui sera, en n’en pas douter, salué par son nombre grandissant de fans mais également par certains réfractaires qui pourraient bien basculer dans le camp des sympathisants.

Beau travail messieurs…


Rédigé par : Tonton | 17,5/20 | Nb de lectures : 16977