Allez, je vais faire un petit Mea Culpa. Je ne m’étais penché que trop vite sur Syndrome, le premier album de GRAVITY sorti début 2011 et dont je m’étais chargé de la chro. Car après publication de mon papier je l’ai souvent réécouté, et cet album mérite bien plus que l’insignifiant 14.5 que je lui avais collé. Certes, ce premier effort n’était pas exempt de défauts, notamment l’influence GOJIRA bien trop présente et le côté trop Metalcore générique parfois, mais avec le recul il s’agit tout de même d’un très bon album en son genre. Les zicos avaient su pondre des compos efficaces, et Emilie assure parfaitement au chant dans les deux registres. Car oui, pour rappel, GRAVITY c’est un groupe montpelliérain avec une fille au chant, qui nous fait du chant lyrique et qui growle. Tiens donc. Bien avant Rachel, Emilie faisait déjà étalage d’un incroyable talent ! Et ne lésine pas sur les vocaux d’ «« homme »», tout en n’hésitant pas à placer un chant d’obédience opératique parfaitement maîtrisé, le tout en français et de manière tout à fait convaincante, l’exercice étant souvent casse-gueule. Mais résumer GRAVITY à sa chanteuse, tout comme on pouvait résumer le groupe à un ETHS-like en plus Core, est une grave erreur. Car à l’écoute de leur second album, Eutheria, c’est bien tout le groupe qui fait preuve d’un incroyable talent…

GRAVITY va d’ailleurs connaître une évolution fracassante. Fini le Metalcore à chanteuse (typé THE AGONIST) mâtiné de GOJIRA de Syndrome, le groupe du pays de Loulou Nicollin va nous livrer avec Eutheria un Metal moderne redoutable, qui ne se fixe pas de limites, à l’image du « Metal sans frontières » de HORD (d’autres Montpelliérains, tiens donc). Metalcore velu, Metalcore progressif, Groove Metal, (bon) Deathcore, Death mélodique, Cyber Metal, Djent (eh oui !) : tout y passe au cours d’un album (encore) ambitieux de 57 minutes. Et les influences (nombreuses) sont parfaitement diluées dans l’ensemble qui sonne désormais très personnel. GRAVITY aurait même pu piquer le concept « This Time It’s Personal » à PERIPHERY et VESEN tant leur style est ici posé avec brio. Un style même difficile à classifier et une bête appellation « Metalcore » est ici éminemment restrictive. Surtout que le groupe s’offre des passages au souffle carrément épique, au milieu d’un album très inspiré, avec 13 morceaux ayant chacun leur identité, le tout couronné par une prod aux petits oignons. Allons-y…

Eutheria s’ouvre par un "Prologue" étrange, dont le côté symphonico-horrifique aurait pu faire l’objet d’une intro de CRADLE OF FILTH, mais dès l’assaut de rythmiques doublées par les mélodies GOJIResques nous voyons bien que nous sommes en plein terrain GRAVITY. "Asphalte" allonge d’emblée riffs accrocheurs et rythmiques plus lourdes, le tout porté par les vocaux d’Emilie qui donnent toute sa cohérence musicale à ce morceau, flanqué de breaks mélodiques du plus bel effet. Eutheria va alors prendre sa tournure épique avec l’enchaînement "Seisma"-"Ouréa", où les rythmiques saccadées entraînantes (et parfois assez sombres) n’hésitent pas à laisser place à des envolées prenantes où Emilie s’égosille comme il faut, ou nous abreuve de son très bon chant lyrique. Mais GRAVITY a plus d’une corde à son arc et va ensuite nous balancer un trio de tueries. "Emphase" arrache tout à l’aide de riffs syncopés ultra-percutants de premier choix, et le growl d’Emilie se fait très agressif. "L’Écorce" démarre de manière inattendue avec de la musique orientale, digne d’un morceau acoustique de MELECHESH, avant de tout dévaster sur son passage en allongeant les rythmiques écrasantes. "Inlandsis" est quant à lui bien plus direct et mélodique, agrémenté de sonorités électroniques, un hit qui s’approche même d’un PERIPHERY avec un excellent refrain.

Pour la suite, GRAVITY va continuer à osciller entre son Metal d’une efficacité à toute épreuve et son travail sur les ambiances. Contrairement au dyptique "Espace"-"Déphasé" sur Syndrome, les deux parties d’"Arkham" vont être un peu moins réussies, la faute à une première partie assurée par THE ALGORITHM, trop proche de l’univers musical de ces derniers, qui n’apporte pas grand-chose ; et d’une seconde partie encore une fois très épique mais moins convaincante qu’un "Seisma" et retrouvant les relents GOJIRA trop évidents, bien que le morceau soit tout de même hautement appréciable avec le chant clair d’Emilie au top. On poursuit l’aventure avec un "Ravage" plus mélodique dans l’ensemble, mais qui sait placer des riffs bien sombres quand il le faut. "Circences" quant à lui alterne à la perfection montées épiques et plans syncopés qui décapent (avec un breakdown très lourd à la clé). Eutheria va alors se clore en beauté avec le (relativement) plus posé "Aeternam" bardé de breaks plus intimistes, et "Le 13ème Cercle" qui nous envoie un maelström assez jouissif de gros riffs coup-de-poing et de mélodies subtiles.

Parti de (presque) rien, GRAVITY nous livre ici un grand album. Grand ? Oui car dans le genre « Metalcore » dans lequel il s’insère, il n’y a pas eu grand-chose d’intéressant à se mettre sous la dent ces dernières années. Oui car Eutheria est bien plus qu’un album de Metalcore et imbrique d’autres influences, dont un gros aspect Math/Groove et des moments résolument épiques, avec énormément de réussite et une véritable personnalité. Oui car les zicos ont su livrer des compos solides, à base de riffs souvent excellents, de solos maîtrisés et de mélodies bien amenées. Oui car leur chanteuse a du talent (incroyable) pour nous proposer des vocalises agressives à souhait, en plus d’un chant clair de qualité ; et même si ce chant lyrique peut rebuter le métalleux poilu, il est peu présent et utilisé à bon escient, en plus d’être quasi-systématiquement doublé par une voix death très profonde. Oui car le chant en français convainc sans problème, et les paroles sont un minimum travaillées et réfléchies pour ne pas tomber dans du phrasé ridicule. Oui car Eutheria est un album diaboliquement accrocheur bourré de feeling et avec un paquet de tubes potentiels, dont il n’y a quasiment rien à jeter. Oui car cet album est une sacrée bonne surprise et constitue un énorme pas en avant par rapport au premier album, qui était déjà très bon en soi. Certes, comme le disait Marc-O « on ne peut pas plaire à tout le monde » et je pense que, malheureusement, GRAVITY doit avoir quelques détracteurs sectaires qui n’apprécient pas le genre estampillé trop vite « Metalcore », la présence d’une chanteuse qui hurle « comme ETHS » et bien d’autres choses, mais en ce qui me concerne j’enfile ma perruque blonde pour me mettre dans la peau de Dave, et décerner à la révélation GRAVITY mon plus beau « OUI ! ».


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 14155