Moi, les Français, je peux pas les saquer. Y a pas plus chauvins, prétentieux, râleurs, y a pas plus congénitalement, politiquement et indécrottablement stupides que les Français. Fier de son petit hexagone puant d’intellectualisme tiers-mondiste, arrogant, il aime donner des leçons, le Français. C’est bien normal. Il est l’héritier d’une histoire héroïque, d’une richesse culturelle inestimable, d’un patrimoine humaniste, scientifique, philosophique que le monde lui envie. Il a donc toujours raison. C’est bien légitime.
Je peux pas le blairer.

GOROD est un groupe français que, donc, je n’aime pas. Pour rester cohérent, je refuse de les chroniquer et j’évite même d’en parler. C’est pourquoi, quand Greg m’a donné le dernier GORGASM à chroniquer, je ne me suis pas méfié (je pensais pourtant GORGASM mort et enterré). Même si j’ai été un peu surpris de trouver dans ma boîte un CDr avec une pochette à chier, de toute évidence photoshopée à la va vite, j’ai toujours pas bronché. Bon, j’écoute, je bande, je prends des notes, je bande à nouveau. Tout va bien. Puis, je reçois un mail de Greg qui me dit texto:
- “ Ai commis boulette, t’as reçu le dernier GOROD. Pardon. Bises”.
- ...
L’enfoiré m’a quand même bien baisé, avec sa ruse à deux centimes!

L’enfoiré m’a fait un beau cadeau. Il n’y a pas besoin de vider la bouteille pour reconnaître les qualités d’un grand vin et les première secondes de “Process of a New Decline” suffisent à constater que l’on tient entre ses mains un album majeur. Imaginons que NECROPHAGIST retrouve son inspiration, qu’ARSIS mette du plomb dans son slibard, que CORONER, ARK ou le LIQUID TENSION EXPERIMENT ressuscitent pour faire du Death Brutal. Imaginons que, tel Lazare, Jason Becker reprenne le manche pour se mettre au Metal extrême... Inutile. GOROD incarne le chaînon manquant entre le Death technique et le Metal instrumental, en ayant le bon goût de ne pas tomber dans les travers que l’on imagine immanquablement pour ce style.

Tout au long de “Process of a New Decline”, GOROD développe une musique complexe et ultra mélodique. Une musique riche mais qui ne perd pas l’auditeur dans des méandres qui finissent en impasses vides de sens. Le travail de composition est magnifique, à la hauteur des capacités techniques invraisemblables du quintet. Les guitares balancent des mélodies qui s’enroulent, s’étirent en de longs tappings, explosent, pour finalement rebondir sur les rythmiques, insaisissables. Chaque note semble pesée, ajustée au micron près pour s’emboîter dans le Grand Oeuvre alors que les pièces les plus fragiles sont lubrifiées par de grosses doses de feeling et de groove (le passage lent de “Splinters of Life” ou les intro/outro de “Watershed”, par exemple: yummy!)
“Process of a New Decline” représente un grand pas en avant pour les Bordelais. Plus fluide que “Leading Vision”, mieux produit, mieux écrit... Les évolutions sont nombreuses. Le jeu de batterie m’a ainsi impressionné par sa capacité à suivre des guitares bondissantes en réussissant à apporter à la fois énergie et créativité. Le seul bémol dans ce domaine concerne le son de la caisse claire et du drum kit en général, bien présent mais un peu plat à mon goût.

Que le lecteur se rassure, on saura sans doutes trouver d’autres sources de reproches (en dehors du fait que GOROD soit français, bien sûr). Je livre quelques pistes pêle-mêle: un chant qui manque de relief et de variété, des compositions définitivement orientées guitare où la technique est omniprésente tandis que le gros riffage l’est beaucoup moins, une musique mélodique et plutôt positive loin du feeling sombre propre au Death (tel que je le conçois en tous cas). GOROD fait partie de ces groupes que je rapprocherais d’ARSIS ou de NEURAXIS qui s’adressent plus au coeur, au neocortex qu’au cerveau reptilien. Affaire de goût... et les âmes sombres elles-mêmes ont parfois besoin de se purger les artères du flot de boue qui y palpite.

La plèbe ne le sait pas (encore) mais elle a pour une fois des raison de pavoiser. Superdupont, pardon, GOROD livre avec “Process of a New Decline” l’arme absolue qui mettra enfin à genoux les agents de l’antifrance. Un Death technique au sommet de son art, un torrent qui balaie la concurrence pour le titre tant convoité d’album français de l’année. De GOJIRA à GOROD: “sonnez trompettes, la France a trouvé son point G!”.




Rédigé par : La Myxine | 18/20 | Nb de lectures : 17774