Les temps sont difficiles. Alors que la France peut s’enorgueillir d’avoir l’une des meilleures scènes émergentes d’Europe, nos groupes ont parfois du mal à convaincre des labels devenus frileux par d’hypothétiques gains chaque année plus anémiques.
Qu’à cela ne tienne. Si l’intelligentsia métallique hexagonale boude nos groupes d’autres sont plus ouverts à l’exotisme du métal français. C’est un peu l’histoire de GOROD condamné à l’exil d’un contrat exclusivement ricain sitôt avoir abandonné, GORGASM, son précédent patronyme.

Sorti voilà plus d’un an aux USA mais n’ayant bénéficié par chez nous que d’une promo sclérosée se limitant à un bouche à oreille enthousiaste parfois proche d’un fanatisme religieux (pas vrai Mr Cyril ?), « Leading Vision » connaît enfin les faveurs de nos bacs sous l’impulsion d’un Plastic Head fraîchement associé à Willowtip. De quoi permettre à l’un des fers de lance du death bordelais, pour ne pas dire français, d’étendre à l’Europe la popularité qu’ils ont déjà outre-Atlantique.

Les choses ont un peu changé pour GOROD depuis la sortie de « Neurotripsick » en 2005, outre le changement de nom le groupe a quelque peu revu sa copie en mettant la pédale douce sur le côté le plus brutal de son death metal et en approfondissant les finesses déjà détectables sur son premier opus, pour parvenir à un résultat assez significatif et plus pointu.

Car la première qualité de GOROD résiderait dans la subtilité de ses compositions toujours architecturées autour d’un duo de guitares immanquablement inspirées. Terriblement technique sans tomber dans le phénomène de foire, accrocheur sans être basique, brutal sans être bourrin, l’art de GOROD réside dans un dosage toujours parfait de ses éléments bourrés de feeling et de solos aériens loin de toute redondance. Ainsi le death metal de GOROD reste cohérent tout en étant incroyablement varié. « Leading Vision » est un album facilement accessible qui se laisse apprivoiser dès la première écoute mais qui se redécouvre à chaque passage successif ; une sorte de death metal progressif et efficace tout à la fois loin de toute surenchère technique ou véloce.

Histoire de servir leur musique si finement distillée, GOROD a pris soin d’étayer ses compositions d’un concept politico-futuriste digne d’une nouvelle de Science-Fiction axée sur une tortueuse histoire de société secrète oeuvrant dans l’ombre de l’humanité pour conserver le savoir compressé dans une sorte de machine qui conduira finalement la race humaine à sa perte (ah mince ! J’vous ai raconté la fin !) ; une histoire fouillée qui sera à coup certain négligée par la majeure partie des auditeurs potentiels. (Si ça c’est pas donner de la confiture aux cochons ma bonne dame… ?)

Côté prod, le groupe s’est chargé des prises de son comme du mixage (on lui reprochera peut-être un léger sous-mixage du chant qui ne rend pas justice aux growls monocordes de leur beugleur de service) et a confié le mastering à l’infatigable Scott Hull (PIG DESTROYER, AGORAPHOBIC NOSEBLEED) pour lui conférer un maximum de patate. Pas étonnant que le résultat final n’aboutisse à un album réussi sous tous rapports qui devrait faciliter la conquête de la France, puis de l’Europe. Maintenant si les guitares omniprésentes vous filent des boutons, faudrait peut-être mieux tenter l’expérience GOROD à petite dose parce que l’éviter serait franchement dommage.


Rédigé par : Tonton | 16/20 | Nb de lectures : 12421