Commençons par une mise au point: je n'en ai rien à braire de la guéguerre entre Infernus et ses anciens comparses, à philosopher sur qui couine le mieux de Pest ou de Gaahl. Je ne vais pas vous fournir un utopique certificat d'objectivité, mais je peux vous assurer que j'ai attendu ce nouveau Gorgoroth avec quiétude, sans même tenir compte des extraits qui en ont filtré. Comme je l'ai posté dans les news, mon secret espoir était que les deux formations norvégiennes soient suffisamment énervées pour nous sortir deux brûlots incandescents au point de nous cramer les miches. Côté Godseed, ça fait quelques temps qu'on sait que le feu est éteint, piétiné par les talons aiguille d'un Gaahl écœuré par la scène. Côté Infernus, il restait quelques minces espoirs. Mais bon, le bonhomme à clous part avec un passif pas évident qui mériterait bien quelques séances chez un psy.

D'abord, Infernus n'avait rien écrit depuis Incipit Satan, situation qui a mené son groupe à être dirigé musicalement par King jusqu'au clash qu'on connaît. Gaahl, celui qu'Infernus jurait être un mur porteur de Gorgoroth (souvenez-vous des interviews dithyrambiques du temps de Destroyer), avait probablement pesé dans la balance pour faire revenir King après sa première éviction en juin 2006. Mais c'était reculer pour mieux sauter, devant cette situation tendue entre le leader historique et le compositeur à qui Gorgoroth devait son récent succès. En faisant le ménage, Infernus s'est acculé tout seul (j'ai dit "acculé") à revenir à l'établi, après neuf ans de disette et des prestations live aux doigts palmés ces dernières années.

Ensuite, Infernus a dû reconstruire son Gorgoroth. Pour cela, il a misé rapidement sur une garde rapprochée d'expérience. Les anciens membres Tormentor et Pest viennent (re)prendre respectivement la guitare et le micro à ses côtés, montrant la volonté de s'accrocher à la période la plus noire de la formation. En attendant le prochain album de Dawn qui ne devrait jamais voir le jour, Tomas Asklund vient se saisir des baguettes. Et Infernus a choisi de manière très surprenante le bassiste d'Obituary, Frank Watkins, pour tenir la quatre-cordes (affublé du pseudonyme "Bøddel" pour l'occasion, c'est-à-dire "Bourreau" dans notre vocable à nous l'élite). Avec tout ce petit monde (sauf Tormentor), Gorgoroth se rend en Suède, dans le Monolith Studio de Tomas Asklund, pour mettre en boîte près de 35 minutes d'un châtiment qu'on espérait court mais racé. Espérait, hein.

A l'évidence, le compte n'y est pas. Après un p'tit "Ouh" à la Celtic Frost, c'est parti pour près de 35 minutes d'un Gorgoroth finalement décevant. Hormis quelques plans lumineux très épars, Infernus nous ressort des riffs du placard et bricole des compositions très creuses. Si l'album ne débute pas de manière catastrophique avec un "Aneuthanasia" qui place son ambiance (malgré qu'il fasse déjà peur) et un "Prayer" bien mélodique, il sombre rapidement dans le néant d'Herta (c'est à base de saucisses). "Building a Man" parvient à coups de mélodies (encore) à récupérer un "Rebirth" qui ressemble à un interminable interlude. Mais la suite est rapidement oubliée une fois écoutée, avec à peine à se mettre sous la dent un refrain pour "Cleansing Fire" et un "Satan-Prometheus" bien perdu en fin d'album.

Et il est très étrange de sortir d'un album de Gorgoroth en en ayant retenu les mélodies. Où sont donc les rythmiques de la mort? J'ai bien cru à un lancement à la "Destroyer" sur l'intro de "Human Sacrifice". Mais non, mille fois non. Probablement influencé par Asklund, Gorgoroth vire trop vite au mélodique suédois à la (bad) Dissection sur quelques titres (l'horrible riff fainéant de "New Breed", l'anachronique "Human Sacrifice"). Les riffs et les parties de batterie sonnent terriblement datées et mollassons (il n'a pas dû se fouler les poignets le père Asklund). Et le pire est que cet album n'est jamais ni haineux, ni énergique. Juste vide, avec même pas de quoi faire peur à des gamins le soir d'Halloween. Infernus a raté une marche de l'escalier qui descend aux Enfers.

Et puis, il reste un écueil qui me gâchait déjà un peu Antichrist: la voix de Pest est totalement quelconque. Autant le vocaliste était sublimé et hargneux sur Under the Sign of Hell, autant son timbre est sans accroche sur ce nouvel opus, venant tirer au bazooka sur une ambulance déjà en flammes. Je mets toutefois un bémol sur le chant clair de "Satan-Prometheus" qui est vraiment sympa, mais je ne sais point s'il s'agit de Pest au micro. Pour le reste, très très gros bof.

Décousu et dilué, sans le quota de riffs destructeurs qu'on pouvait espérer, Quantos Possunt... est aussi excitant qu'un opossum mort au bord de la route. A la rigueur, j'aime bien la pochette toute simple, mais ça s'arrête là. Avec ce soufflé trop cuit dans les bacs, Gorgoroth risque de replonger trop rapidement dans la seconde division que lui avait fait quitter King. Mais sur les bases de ce nouvel ouvrage, je ne vois absolument pas comment Infernus et sa bande pourraient nous proposer un album bandant dans les années à venir. J'espère me gourer, sincèrement. Il paraît que le cerveau est capable d'éluder les pires traumatismes, ce qui peut expliquer que cette sortie ne laisse que peu de souvenirs.


Rédigé par : Prince de Lu | 09/20 | Nb de lectures : 14751