Hop, je prends le temps de revenir sur un album qui tourne depuis un trop long moment dans ma platine. Sorti en mai 2008, Misotheism est le troisième album de la formation belge Gorath. Formé en 1995, le projet solo de F. Dupont (avec un "t", c'est celui qui a la moustache troussée) a bien dû avoir les boules quand le film Borat est sorti. J'ai rapidement évacué les différents calembours à ma disposition, parce qu'on va maintenant parler sérieusement. Lâchez votre Heineken/Grimbergen/bite (rayez toute mention inutile).

Après deux démos et deux splits, Gorath propose en 2005 son premier album Elite, puis The Fourth Era en 2006. A ce stade, je n'étais pas trop fan de leur black progressif. Trop de choses, trop d'éléments empilés me rendaient l'écoute d'un opus entier assez indigeste. Mais avec Misotheism, Dupont (le reste du combo étant son batteur) parvient à réorienter son projet avec une grande classe. Si Gorath reste mélodique et balance un black progressif fouillé, les 48 minutes de ce dernier opus sont également plus aérées, donnant moins l'impression de vouloir en mettre plein les dents. Et pourtant, c'est justement en allégeant ses structures que Gorath fait douloureusement mouche. On savait que le projet avait les moyens de faire très mal, voici maintenant qu'il a la manière. On se prend l'assaut en pleine poire, avec des compositions qui virevoltent et matraquent et des textes travaillés.

Armé d'une production en béton armé (distillé en Belgique, mais masterisé par Dan Swanö), puissante et rentre-dedans, ce Misotheism m'évoque les sensations à l'écoute de groupes insaisissables et aventureux. Les compositions évoluent au fil des minutes pour laisser dériver leur rage, laissant errer l'auditeur dans la palanquée de notes qui fouette son visage comme une brume au sommet d'une falaise battue par les vents. Et l'auditeur atteint parfois une rive où un chant clair guerrier vient porter un passage plus atmosphérique (voire carrément viking). Il atteint à d'autres moments un riff thrashy biscornu porté par un martèlement impitoyable de doubles. Parfois, il croit découvrir la mélancolique quiétude d'un passage acoustique, qui se mue en un lourd headbang électrique qui va traîner le pauvre auditeur par les cheveux jusqu'au bout de l'horizon à coups de mélodies, sans se préoccuper des modes. Même si ça me titille, je n'ai pas trop envie de parler d'influences, tellement je voudrais que vous vous laissiez porter par Gorath sans préjugé. Pourtant, Gorath porte des riffs qu'auraient pu nous pondre Emperor ou Enslaved au siècle dernier. Dans son black progressif, je trouve le groupe plus fluide qu'un Asmodée, dans un registre qui m'enthousiasme autant que le fit Sael.

Si j'osais une formule éculée, je vous dirais que Misotheism est l'album de la maturité pour Gorath. Plus posés et insidieux, les sept titres n'en sont pas moins variés, percutants, voire épiques sur certains moments. Alliant technique et musicalité, Gorath offre un album agressif et complètement addictif, qui fleure bon nos vertes années et qui fait parfaitement voyager dans ses thématiques historico-religieuses. Acheté en fin d'année dernière, j'ai pris mon temps pour écouter ce Misotheism et je vous assure que je ne m'en lasse pas. Bien au contraire.


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 12460