Les influences existent toujours, même si elles subsistent juste en filigrane. Difficile de ne pas penser que FLP, leader de la formation belge Gorath, n'a pas été sensible aux sonorités de la mouvance black orthodoxe. Comme beaucoup qui ont cédé à ces sirènes lors de l'apogée du studio Necromorbus (où ce nouvel album a d'ailleurs été masterisé). Cette influence est probablement ce qui a conduit Gorath à dépasser les limites du black complexe et dense de Elite ou The Fourth Era et d'aérer sa composition. Mais s'il a enrobé son propos, le projet n'en a pas moins conservé la manière.

Chaque album de Gorath joue sur le curseur entre partitions évoluées et mises en place des ambiances. Et à ce jeu des subtiles variations, Misotheism est une très belle œuvre, là où MXCII fait trop la part belle à l'introspection et manque de réel mordant. Ce nouvel apocalypse annoncé se situe quelque part entre les deux derniers albums. Il devrait donc interpeler les auditeurs d'art noir ouvragé comme ceux des opus plus aérés.

Apokálypsis est un album qui a une identité, chaque titre fait partie d'une vision d'ensemble. Une grande cérémonie hérétique se déroule dans nos oreilles, portée par les textes une nouvelle fois écrits par Jurgen de Theudho (qui avait déjà œuvré pour les écrits gnostiques de Misotheism). L'idée est simple et la mise en musique d'un ouvrage qui restera à jamais apocryphe: et si les incohérences du Livre des Révélations nous conduisaient à une toute autre interprétation des textes canoniques? En exploitant les brèches, Jésus pourrait même devenir le bad guy de service. Vous étiez prévenus pour l'hérésie de la chose.

Et dans ce grand dessein, chaque morceau trouve sa place et garde sa touche, allant du black progressif et rentre-dedans d'un superbe "The Seven Seals", jusqu'à des morceaux mid-tempo aux parties éthérées anachroniques comme "Le Porteur de Lumière". Gorath ose et compose ce qui lui chante. Et là où un autre groupe aurait pu se vautrer, les Belges livrent un opus homogène et diversifié à la fois. Chaque titre étant porteur d'un réel potentiel, le pari audacieux est réussi, le fragile équilibre de Misotheism retrouvé et rendu plus éclatant dans ce cinquième effort. Miam.

La production est très bonne, laissant entendre toutes les sonorités. J'aurais souhaité plus de naturel sur le son de la batterie, le claquant gâchant un peu l'onirisme des blasts (si, si, un blast c'est onirique quand c'est joué à fond de train). Batterie d'autant plus synthétique que, le hasard du calendrier aidant, elle est directement comparée avec la BAR du dernier Craft (et pour une BAR, celle-là claque grave). Mais la gangue sonore de Gorath est de très bonne facture, permettant une immersion sans cahot dans le chaos maîtrisé des titres.

Le seul défaut de Apokálypsis est de ne pas être assez fade pour les true auditeurs de black-core. Mais ce ne sont pas les sorties cacaotées comme du Nesquik qui manquent en ce moment. Voilà un excellent album qui provoque une addiction chez celui qui se laissera prendre à ses nombreux pièges. De quoi foutre à la poubelle 90% des sorties actuelles pour le faire tourner à donf dans le recueillement le plus absolu. Amen!


Rédigé par : Prince de Lu | 18/20 | Nb de lectures : 15063