GOLDEN DAWN - Masquerade (Napalm Records/ Version - 08/11/2002 @ 10h07
Chroniquer un pareil OVNI n'est pas une partie de plaisir, croyez-moi ! Enfin, ce n'est pas tout à fait exact de dire cela. " Masquerade ", l'album à paraître de ce groupe en sommeil depuis 6 ans, n'est pas à proprement parler un OVNI. Disons simplement qu'il marque une rupture abrupte avec le style pratiqué autrefois (un black symphonique, audacieux et avant-gardiste), et donc forcément avec les attentes des fans qui ont légitimement élevé " The Art of Dreaming " au rang de culte. Après toutes ces années, le brio expérimental de Dreamlord s'épanche aujourd'hui dans un cadre touchant un peu tous les stades du Golden Dawn connu au power metal symphonique à la Rhapsody (l'ouverture de " Doomsday Celebration " aurait pu figurer sans souci sur " Symphony of Enchanted Lands "), ce qui accouche d'un style très hospitalier et somme toute peu gratifiant pour ceux qui ne voulaient pas voir les visées du groupe quitter les sentiers protégés du black metal. Alors, déception ?

Assurément oui, du moins lors de la première écoute. Celui qui a vénéré et continue à aimer " The Art of Dreaming " pour son statut extraordinaire et son inventivité inégalable ne pourra pas réprimer une moue de déplaisir en découvrant un Golden Dawn presque méconnaissable, grandement déparé de ses contours sombres et de sa fougue hyperactive au profit d'un jeu posé et adapté à des structures traditionnelles. Qui plus est la métamorphose se transpose également au niveau des vocaux, où la balance penche nettement du côté du chant clair, parfois dopé aux effets. De ce côté-là on peut parler dans une large mesure de réussite ; le chanteur est facile dans toutes les gammes et sa voix fluide sans exubérances (encore heureux, car un eunuque aurait sensiblement assombri le tableau) dynamise fort bien les parties musicales à chacune de ses interventions. Il n'empêche que l'impression de choc n'en est pas vraiment amortie... Mais passons et attardons nous un peu plus sur l'instrumentation, qui une fois épluchée s'avère - le contaire eût été fâcheux venant de Golden Dawn - le fruit pulpeux d'un travail herculéen et surtout intelligent. Malgré le basculement évident vers le heavy, Golden Dawn n'a - merci bien - pas pour autant noyé ses guitares dans une bassine de sucre d'orge rose bonbon. Il leur reste un tranchant underground qui maintient une rugosité bienvenue, et autorise des explosions de rage probantes, comme la seconde entame de " Doomsday Celebration " qui signe un des plus beaux coups de booster que l'on puisse imaginer. Alors accessibilité d'écoute certes, mais Golden Dawn ne vit pas sur les enchaînements tout-faits et l'épuisante récursivité qui caractérise en général tous ces groupes qui veulent réunir métal et sonorités folks ou moyenâgeuses.

Les riffs sont propres dans leur exécution, et proposent un assortiment original et évolutif qui fait la part belle aux acrobaties avant-gardistes tant attendues, telles moults effets (de voix ou de distorsions), quelques beats technos ou des intervalles symphoniques impressionnants de conformité à la nature harmonique des instruments émulés (clavecin, flûte, violon...) Il n'y a donc pas à dire, Dreamlord n'a pas perdu la main avec ses machines. D'autre part le simple fait de mentionner la présence du poulpe d'Innsbrück Moritz Neuner (ex-Dornenreich, Enid, Darkwell, Abigor, etc.) derrière le kit batterie dispense carrément de commentaires sur cet aspect du jeu, tant la science du toucher et l'aisance millimétrique du garçon devrait être reconnue au moins au même titre que celle d'un Trym ou d'un Proscriptor, pour ne citer que les batteurs extrêmes. L'éventail de paysages sonores visités par la musique est, par opposition peut-être à l'équivoque " The Art of Dreaming ", recentré sur le feeling médiéval du fait du choix de mélodies allusives dans pratiquement tous les titres. Pour faire un rapide tour d'horizon affectif, je ne m'étonne qu'à moitié que les morceaux qui me bottent le moins soient ceux qui font appel à un refrain enjoué et fédérateur (" Where Dragons Reign ", très Skyclad) ou bien la ballade finale avec chant féminin (" Angel "), séduisante de prime abord mais quelque part négativement sirupeuse. Quant aux chansons que je ferais le plus ressortir, ce sont la mélancolique " Sic Transit Gloria Mundi " à la construction graduelle très étudiée, " Doomsday Celebration " dont j'ai déjà parlé et le titre initial " Silent Inferno " qui, abstraction faite des vocaux, représente le mieux le Golden Dawn d'antan.

Comme je suis quelqu'un qui peut devenir très étroit d'esprit lorsqu'une évolution radicale me paraît désacraliser un mythe, la pilule n'est toujours pas passée dans mon cas, et je sais pertinemment que jamais " Masquerade " ne fera un bond conquérant dans mes playlists. Si je voulais être méchant je dirais que l'on n'efface pas l'empreinte immortelle de chef-d'œuvres comme " Nothing but the Wind ", " My Confession to War " ou encore " Sub Specie Aeternitatis " par une " simple " révision, aussi perfectionnée soit-elle, de ce que peuvent proposer des groupes tout publics comme Raventhrone ou Suidakra. Néanmoins, afin de demeurer objectif, je conclus en disant que cet album-ci présente le double avantage de pouvoir être simplement apprécié pour son vaste pouvoir divertissant, comme d'offrir à l'auditeur un plan de réflexion profond et global. Attendons décembre pour que le Golden Dawn nouveau soit soumis au verdict souvent sans compassion de la vox populi...


Rédigé par : Uriel | 15.5/20 | Nb de lectures : 8068




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Commentaire
solarfall
Invité
Posté le: 11/04/2003 à 10h52 - (3026)
C'est vrai que si on écoute ce Masquerade en gardant son prédécesseur en tete, la chute est brutale... On a du mal a identifier le groupe tant le style est méconnaissable.
Mais l'album en lui meme reste assez agréable, pas totalement parfait, c'est certain, mais il est truffé de bons moments qui, même s'ils ne le rendent pas indispensable, en font un disque qui s'écoute sans rechigner.

fran92
Invité
Posté le: 06/02/2004 à 17h15 - (7102)
Comme j'étais en train d'écouter Golden Dawn, j'ai eu envie de lire ce qui avait été écrit sur le sujet.
J'ai du mal à me mettre à la place du chroniqueur et de Solarfall qui a posté un commentaire, car j'ai découvert Masquerade avant The Art Of Dreaming. Je n'ai donc pas connu leur déception, même si je peux la comprendre. C'est déjà beau que 3 personnes aient écouté ces albums, on ne va pas non plus s'étriper pour savoir lequel est le meilleur !
Personnellement, je trouve que Masquerade est plus varié et créatif que The Art, qui est plus black, moins expérimental. Les mélodies de Masquerade sont pour la plupart inoubliables, même si certaines parties de chant sont à la limite de la justesse :)
J'imagine qu'en autant d'années, il est normal que le groupe ait évolué, et la prédominance du chant clair est intelligente grâce à la variété des vocalistes.
Bref, Masquerade est l'un des albums très originaux que j'ai plaisir à écouter au moins une fois par mois (avec Madder Mortem, Arcturus...). J'espère qu'il a trouvé quelques acheteurs !


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