Flash back. 2005.
« From Mars To Sirius ».

Quatre garçons du Sud de la France décident de brailler à grande échelle leur trouille bleue de voir leur planète (de la même couleur) s'étioler et se détruire à petit feu. Un album, un manifeste, une prise de position et un pavé dans la mare. Un disque de metal extrême aux relents quasiment « new-age », entre ciel et terre, concerné et intemporel. Une nouvelle pierre angulaire dans un style tellement codifié qu'il s'étouffe lui-même depuis des années. Et un quatuor de jeunes gens à sa tête, enragé par l'esprit du metal extrême, et néanmoins déterminé par un combat : celui d'une violence musicale qui traduit le cri d'une planète appelant à l'aide.

2008.
« The Way Of All Flesh ».

Trois ans après un tel choc, difficile d'être complètement objectif face à « The Way Of All Flesh ». D'abord parce qu'il succède à un monstre qui a contribué à faire de Gojira le groupe reconnu que l'on sait, ensuite parce que notre éducation musicale nous condamne au « toujours plus, toujours mieux ».
Et que pour cette fois, il va peut-être falloir envisager les choses sous un autre angle.
« The Way Of All Flesh » n'est en effet pas destiné à surpasser son prédecesseur, ni en termes de violence, ni en termes d'engagement. Bien sûr, il pose aussi des questions, mais elles sont cette fois tout autres. Les Duplantier Bros, ainsi que les gars Andreu et Labadie, s'exposent aujourd'hui à la mort sous toutes ses formes. Oh, bien sûr, vous aurez droit à un petit couplet traîtant de notre irrespect de la planète (« Toxic Garbage Island »), mais la vraie question qui enrobe cet album est pûrement existentielle. De quoi se demander si les mecs de Gojira (qui vieillissent, on ne peut pas leur enlever ça), ne commenceraient pas à regarder la faucheuse d'un oeil inquiet.

« The Way Of All Flesh » est un album complet. On peut y trouver tout ce qu'on aime, qui du groove, qui du blast. En ce sens il ne diffère pas réellement de « From mars... », puisque son écoute n'engendre pas l'ennui, ô grand jamais. Si l'on devait le rapprocher d'un disque de Gojira précédent, il s'agirait probablement de « Terra Incognita », pour son côté noir mais en phase avec son époque. Car en effet, cet album bien plus sombre que « The Link » et « From Mars » se pare d'une atmosphère résolument différente, qui envisage sous des aspects divers ce qui nous attend tous (l'issue fatale). Musicalement, en outre, les plus férus sauront trouver de nombreux points de repère avec l'oeuvre passée du groupe. Aucun intérêt à une sorte d'analyse « track by track » : le Gojira nouveau est une fois encore une pièce à apprécier dans sa globalité. Dès lors, vous vous foutrez éperduement de savoir que tel couplet ou tel refrain « troue sa race ». Le propos n'est pas là : il fait partie d'un tout admirablement achevé. Car si on n'a pas toujours soi-même l'intelligence pour accéder aux propos développés (et votre serviteur se met en première ligne pour reconnaître que certaines choses ont dû lui échapper), on ne peut qu'être admiratif devant un album qui renouvelle le genre et élève le débat à ce point.

Pour les derniers dubitatifs, Gojira a su insuffler un vent de nouveauté à son style pourtant très marqué. Le son de batterie et le mix de Logan Mader (ex-Machine Head, et nouveau producteur en vogue) ne s'avèrent pas stériles, bien loin de là. Boostant le quartet, ils confèrent aussi au jeu de Mario Duplantier (monstrueux, comme toujours) une dynamique nouvelle. Enfin, fi de savoir si Gojira est un groupe français, basque, ou guadeloupéen. Gojira est en octobre 2008 le groupe de metal extrême le plus fin et intelligent qui soit, habité, animé, véhément, et progressiste. La moitié de la planète l'a compris, la France (comme toujours), viendra probablement après.

(Règle d'or de mon ex-rédacteur en chef dont je suis toujours amoureux : « Il ne faut jamais dire « je ceci » ou « je cela » dans une chronique On ne parle jamais à la première personne dans le journalisme d'investigation.») Je vais contourner les interdits pour une fois (pardonne-moi mon lapin).)

J'avais mis en son temps la note maximale à « From Mars To Sirius » (5 étoiles sur 5, dans un magazine aujourd'hui disparu). Je donne aujourd'hui 18/20 à « The Way Of All Flesh ». Non pas par déception, ni par « blasitude ». Juste parce qu'un miracle ne peut pas se produire tous les deux ans, et que cet album, aussi travaillé qu'il ait pu l'être, n'aurait jamais pû surprendre autant que son prédécesseur. Néanmoins, « The Way Of All Flesh », après maintes écoutes, reste à coup sûr le seul digne successeur de « From Mars To Sirius » dans un style qui n'appartient désormais qu'à Gojira. Et je suis quasiment sûr que dans deux/trois/six mois (autres : précisez), il aura atteint la même cote d'amour dans mon top personnel.

Une seule chose est certaine à ce jour : on tient ici, en France, un groupe qui n'a jamais connu d'égal.




Rédigé par : Goat Of Rahahaaz | 18/20 | Nb de lectures : 22865