Quand j'ai vu Glorior Belli pour la première fois sur scène en 2005, vous ne m'auriez pas fait avaler que la formation avait une vision. Pratiquant un black/death assez en vogue, le groupe avait quelques arguments musicaux mais sans plus (sensation confirmée par le premier opus la même année). Le second album réorienté vers un black orthodoxe opportuniste ne donnait pas plus de crédit à une quelconque stratégie globale, même s'il a fait les meilleures ventes du groupe à ce jour. Mais après un opus comme Meet Us at the Southern Sign, je suis prêt à tout oublier. Le mélange très réussi et presque contre-nature de black et de southern m'a vraiment interpelé. Peut-être par méconnaissance des références sudistes moins évidentes que Pantera. Mais en tout cas, il m'a estomaqué et apporté une grande bouffée d'air frais dans le caveau vicié du black actuel. Le vent frais, pas mal de monde l'a senti. Et d'ailleurs le groupe est désormais signé chez Metal Blade. Puis j'ai aussi senti, comme beaucoup, que Glorior Belli avait trouvé sa voie musicale mais pas encore tout à fait le reste.

Le line-up ne tenait toujours pas, menant à de nombreuses annulations de concerts. En concerts justement, c'est un beau cirque. On passe de tout le monde encagoulé, à juste J./Julien/Infestvvs encagoulé, puis à plus personne du tout. D'un live à l'autre, on peut assister au meilleur comme au pas terrible. Et la rotation du line-up a repris de plus belle en 2010, avec l'éjection de tout le monde. Je ne sais même plus qui fait partie du groupe actuellement, et aucune indication sur le nouveau CD ne vous dira qui a enregistré l'album (pour la première fois chez Glorior). Après farfouillage, il semble que le line-up de l'enregistrement soit a minima composé de J. et de Gionata Potenti (batteur italien de Frostmoon Eclipse). Au conditionnel, je ne suis pas certain que Bjørn Bihlet (Horned Almighty) ait enregistré la seconde guitare à la place du partant EsX. Quant au bassiste, aucune certitude.

Tout cela n'est point anodin, car je me suis un moment interrogé sur l'identité du batteur de The Great Southern Darkness, voire demandé si J. n'avait pas tout mis en boîte dans son coin vu le résultat. J'ai toujours un peu de mal à me persuader que Gionata Potenti soit le bonhomme qui laisse ces roulements moisis avec un son en plastique. Dès le premier titre "Dark Gnosis", j'ai les oreilles qui saignent. Difficile d'ignorer, plantés au premier plan, les claquements secs d'un trigg mal géré. Difficile de croire que le batteur qui nous colle des breaks répétitifs et moches accompagnait J. sur son album expérimental de 11 as Adversaries, qu'il est bien le même qui a envoyé du pâté dans Macabre Omen. Bon, on va dire que je lâche l'affaire, que j'y crois hein. M'enfin, quel son de prout...

Pour le reste, l'album reprend la recette du précédent, la surprise en moins. Le hold-up black southern n'aura manifestement pas lieu une seconde fois. Dès ses toutes premières notes, l'opus me renvoie au premier riff de "Swamp that Shame", dont aucun morceau n'arrive à la cheville sur cette nouvelle fournée. Le tatonnement créatif et le rendu instinctif et poisseux de Meet Us... cède la place à un album plus réfléchi, plus austère. Pire encore, les tentatives pour "watter" semblent forcées et n'atteignent pas leur objectif ("Bring Down the Cosmis Scheme" sonne plus bordélique qu'autre chose). Si J. a épanché ses pires instincts dans 11 as Adversaries, il en a peut-être asséché Glorior Belli de son grain de folie. Pour surprise, le nouvel opus se contente d'inviter Marko Pavlovic (House of Capricorn) au micro le temps du titre bluesy éponyme.

C'est peut-être une histoire d'appréhension de l'album, vous me direz. La perception de chacun se situe dans un fragile équilibre entre beaucoup des éléments présentés. Avec des titres plus convenus, une production moins chaude (en tout cas, qui ne me transporte plus sous le soleil de plomb d'un champ de maïs), l'équilibre est pour moi rompu. The Great Southern Darkness ne m'a pas plu. Il m'a surtout donné envie de réécouter son prédécesseur encore plus fort. En espérant qu'il s'agisse d'un écart dans le parcours, et que Glorior Belli a bel et bien une vision.


Rédigé par : Prince de Lu | 12/20 | Nb de lectures : 14347