GIRE - Gire (Blood) - 07/01/2016 @ 07h50
Attention, voilà la réédition d’un culte. Même si il y a 8 ans, ce groupe hongrois ne disait rien à personne, depuis de l’eau a coulé sous les ponts. En partie parce qu’un de ses membres, Tamás Kátai, a eu son petit succès avec THY CATAFALQUE qui a signé il y a peu son deuxième album pour Season of Mist. Mais peu de temps avant que THY CATAFALQUE ne signe ses débuts (dans l’anonymat le plus complet), se développa GIRE, existant depuis 1995, tournant autour du trio Tamás Kátai (claviers et programmation) - Zoltán Kónya (guitare et chant) - Balázs Hermann (basse), avec d’autres membres temporaires. Avec 4 démos et 2 singles, GIRE eu le temps de se faire un petit nom dans l’underground hongrois, avec force concerts également. Tout ceci aboutira à un full-length, éponyme, qui verra le jour en 2007. Premier et, hélas, unique album vu que le groupe splittera peu de temps après, suite notamment au déménagement en Ecosse de Balázs Hermann (suivi par Tamás Kátai quelques temps plus tard). Autoproduit et limité à 400 exemplaires, Gire n’a pas pu arriver à beaucoup d’oreilles à travers le monde. Toutefois, les conseils avisés de VSeurs initiés m’ont fait tomber sur GIRE alors que j’étais en quête de Metal avant-gardiste. A l’époque, Gire avait également été rendu disponible en téléchargement libre via last.fm, ce qui avait facilité son accessibilité dans un temps où bandcamp n’existait pas et où myspace dominait la musique en ligne. Du mp3 128kbps gravé sur un CD-R acheté par tour de 50 en Allemagne (parce que c’est moins cher), c’était cependant une bien maigre façon de rendre hommage à ce chef-d’œuvre. Certains ont pu se dégoter le digipack d’origine en y allant au culot, un petit mail aux membres du groupe pour savoir si, par hasard, il ne leur restait pas une copie dans leurs cartons. Et voilà que par la grâce du label finlandais Blood Music, devenu en peu de temps spécialiste du marché de niche, Gire va connaître une seconde jeunesse et une remise en avant bienvenue. Enfin.

Gire couronnait alors une période de 12 ans où le combo hongrois a expérimenté au fil de ses démos, se façonnant une base de compositions qui se retrouveront d’ailleurs au bout sur l’album complet ("Törjön Testünk!" date de 1999, "Hét Madár" de 2000, "Aranyhajnal" de 2002, "Eocén Expressz" et "Bábel" de 2003, et "Nádak, Erek" de 2004), faisant de Gire une sorte de conclusion/compilation en un sens, une manière de signer la fin de leur période underground. Même si, au bout, il n’y aura pas de suite… Gire ne servira donc pas de tremplin à GIRE mais il laisse un témoignage saisissant du talent des hongrois avec une musique réellement unique. Malgré les années passées, GIRE est toujours aussi difficile à classifier, à comparer, à décrire. Le terme « Metal avant-gardiste » est parfois galvaudé, et même s’il n’a pas de réels points de comparaison avec les autres grands noms du genre, il sied bien à ce Metal rétro-futuriste qui n’a pas d’équivalent, passé, présent ou futur à sa période de genèse et d’enregistrement. Bien évidemment, on retrouvera les sonorités de claviers et effets typiques de Tamás Kátai dans THY CATAFALQUE, mais c’est à peu près tout, et c’est tout même. GIRE, dont on peut trouver comme seules influences en se penchant sur leur répertoire SEPULTURA ("Propaganda" avait été repris sur le single Nádak, Erek) et NECROPSIA (un obscur groupe hongrois de Thrash/Death du début des années 90 dont le "Trans Express" de 1993 est repris ici, bien que le groupe existe encore aujourd’hui et fait du Metalcore), évolue donc vaguement entre Death/Thrash, Metal Indus, une sorte de Metal psyché-progressif, et Folk (des instruments comme le Conga, le Djembé et le Digeridoo ont été utilisés par le groupe, de même qu’à l’instar de THY CATAFALQUE on peut entendre des invités venir poser quelques parties de violon). Du Metal tout de même plutôt extrême, la voix râpeuse de Zoltán Kónya et les guitares incisives étant là pour le prouver, mais du Metal raffiné également, à grands coups d’ambiances dépaysantes et oniriques à souhait. La présence d’une boîte à rythmes confine encore un côté unique à la musique de ce groupe, qui dans son petit recoin de Hongrie avait toutes les cartes en main pour pondre un des albums les plus originaux que le « Metal » ait jamais enfanté.

Au bout, nous avons donc un petit plus d’une heure d’un Metal singulier jusque dans les moindres recoins, qui mériterait bien plus que d’être confiné à un public de connaisseurs. Avec ses enchaînements parfaits entre morceaux, Gire est d’une incroyable fluidité et s’écoute tout seul malgré la richesse parfois déroutante du propos. L’accroche est présente à chaque instant, que ça soit par le biais d’un riff bien cossu ou d’un passage folk-mélodique de toute beauté. Le chant de Zoltán Kónya mène bien la danse, l’utilisation de la langue hongroise n’est pas rebutante, du chant clair (et même féminin) fait également son apparition ici et là, et Tamás Kátai avec ses synthés sidérants fait le reste. Rien n’est à jeter et les fabuleuses pièces musicales s’enchaînent presque sans temps mort, même si le Metal de GIRE est résolument vivant et respire. Pour tout dire, Gire est un album chez qui, malgré les années passées et la quantité astronomique d’écoutes, je trouve toujours un autre « meilleur morceau » à chaque nouvelle fournée d’écoutes. Au tout début c’était "Bábel", puis "Aranyhajnal", avant que je ne craque sur "Nádak, Erek", puis sur "Hét Madár" ainsi que "Éjmély", et ces derniers temps c’est "Zöld Zivatar" qui a ma préférence. Un morceau d’ouverture qui nous met tout de suite dans le bain, en plaçant ses pions dès les premières secondes, boîte à rythmes bien particulière, synthés bizarroïdes, riffs tout de même bien décapants, chant agressif puis ambiances épiques et envoûtantes. Il faut certes aimer le paysage sonore Made In Tamás Kátai mais passé ce cap, le voyage est garanti. Cet excellent morceau d’entrée dans l’univers de GIRE se permet même une partie finale absolument géniale, où un chant plus posé et des violons se font entendre (notons que Ágnes Tóth de THE MOON AND THE NIGHTSPIRIT et Anita Bíró qui avait participé à THY CATAFALQUE sont de la partie), tandis que les riffs sont efficaces à souhait. Rien qu’avec ces premières minutes, c’est déjà chapeau bas, et pourtant ça ne fait que commencer.

Très rythmé, rapide et puissant, même si la production de Gire n’est pas non plus énorme (les grattes sont plutôt sèches et dans l’ensemble ce sont surtout synthés et autres effets qui sont mis en valeur), "Aranyhajnal" montre le côté le plus « Metal » de GIRE, avec des passages clairement Death (avec force growls). Mais les particularités folk/avant-gardistes du trio hongrois ne sont jamais loin, avec ici quelques percussions du plus bel effet et des grattes mélodiques enivrantes. Il est ensuite temps pour GIRE d’explorer plus à fond son univers fantastique, avec les deux somptueuses pièces que sont "Hét Madár" et "Éjmély". La première est truffée de toute la panoplie des sonorités féériques de Tamás Kátai, donnant une sorte de THY CATAFALQUE avec des riffs Indus/Thrash/Death plus ou moins mélodiques en fond, et Zoltán Kónya laisse place à un chant clair très maîtrisé. L’ensemble se fait souvent plus mélancolique, plus atmosphérique même, épique sur la fin, pour au bout 7 superbes minutes de Metal avant-gardiste j’aurai envie de dire typiquement « hongrois » tant GIRE puis THY CATAFALQUE ont posé un son si particulier. Le final est même carrément ambiant et totalement envoûtant, faisant la transition avec un "Éjmély" encore plus raffiné et onirique, démarrant d’ailleurs en fanfare avec des subtiles lignes de basse entraînantes, avant que synthés et guitares ne se lâchent de façon jubilatoire dans une fabuleuse montée épique, débouchant sur un morceau très folk, résolument avant-gardiste aussi, mais surtout très lumineux, grandiose et touchant, n’oubliant pas les compos Metal quand il le faut.

Du Metal qui revient bien assez tôt pour "As Őzek Futása", presque un véritable tube avec ses riffs simples mais mordants et ses synthés tournoyants formant une mélodie imparable ; puis "Törjön Testünk!" qui suit sans temps mort et nous entraîne dans une cavalcade metallique très couillue, mais aussi psychédélique grâce aux sonorités si originales de Tamás Kátai et GIRE, avec à la clé un court mais magnifique break. "Bábel", qui a comme je le disais longtemps été mon morceau préféré de Gire, résume bien tout ce qu’est GIRE, mix de Metal incisif aux influences très diverses et d’ambiances avant-gardistes uniques, entre synthés très personnels et multiples oripeaux folkisants (avec, également ici, des samples étranges qui ont aussi fait le sel de THY CATAFALQUE). "Eocén Expressz" se pose ensuite comme la pièce la plus sombre et la plus singulière de Gire, même si encore une fois tout GIRE est là-dedans, mais rythme plus soutenu et passages très mystiques lui confèrent une aura bien particulière. Plus classique, "Nyártáj" fait écho à la simplicité de "As Őzek Futása" mais Tamás Kátai en profite pour se lâcher avec des sonorités quasi-symphoniques. Et tout le groupe en profite ensuite pour y aller à fond avec la reprise du "Trans Express" de NECROPSIA, forcément le morceau le plus « Metal » et le plus « old-school » de Gire, mais la personnalité du combo hongrois est bien là, ce qui montre aussi qu’il excelle dans tous ses propres domaines. Et pour couronner le tout, il fallait un final inoubliable et c’est là que "Nádak, Erek" va intervenir, seul morceau figurant encore dans sa pure version d’origine de 2004 (le reste ayant été enregistré en 2005 et mixé en 2006). Une pièce tout simplement divine, le morceau le plus aérien de GIRE mené par un thème mélodique magique et émouvant, un chant féminin resplendissant, des instrumentations fabuleuses et aussi des accélérations metalliques salvatrices débouchant sur un dernier final épique. Un morceau de clôture tout simplement ultime qui, à force d’écoutes pour rédiger cette chronique, est en train de redevenir mon morceau préféré de Gire. Un cycle infini pour un album intemporel…

Cette réédition digipack (une version jewel case existe également) n’apporte pas un objet exceptionnel, il n’y a d’ailleurs pas de livret (dommage pour le karaoké en hongrois), mais l’album lui est bel et bien exceptionnel et l’acquisition physique est méritée, si ce n’est absolument indispensable. Toutefois, le petit plus est assuré par la présence d’un bonus-track, un réenregistrement de "A Teremtés És A Tisztaság" qui clôturait la deuxième démo de GIRE, Energire, datant de 1999. Le morceau en lui-même est excellent, plus dansant que le reste grâce à des instrumentations folk bien en verve et toujours ce Metal avant-gardiste hongrois qui fait mouche, mais le plus intéressant se situe dans le fait que ce réenregistrement a été mis en boîte en 2013, soit 6 ans après le split de GIRE. Une réunion en studio qui a été possible de par le fait que Balázs Hermann, Tamás Kátai et Zoltán Kónya résident désormais tous les 3 en Grande-Bretagne. Cette réédition nous laisse donc sur une question : est-ce qu’une reformation de GIRE est possible ? Tamás Kátai nous disait lui-même en 2011 que le split du groupe avait été difficile à encaisser, mais que le retour demeure possible, bien que GIRE est historiquement un groupe soudé et qu’il ne pourrait pas idéalement exister avec des membres vivant loin les uns des autres (ils vivent tout de même dans différents coins de Grande-Bretagne) et surtout sans donner de concerts. Est-ce que Tamás Kátai reviendra sur sa parole (après tout, les trois premières sorties de THY CATAFALQUE viennent également d’être rééditées alors que Tamás Kátai préféraient qu’elles restent du domaine du passé), nous verrons bien si l’envie de refaire quelque chose de GIRE réapparait chez lui ou ses deux compères, toujours est-il que Gire bien qu’il conclut la carrière du groupe depuis 1996 avant tout, se suffit bien à lui-même. Une suite pourrait salir cette sortie unique ou, au contraire, montrer que le groupe en a encore sous la semelle. Mais voilà, à ce stade des évènements c’est-à-dire fin 2015 et alors que Blood Music nous fait l’honneur de cette réédition, Gire est et restera un chef d’œuvre intemporel, une pièce unique de Metal avant-gardiste hongrois, bien difficile à égaler, qui complète aisément THY CATAFALQUE en apportant une touche de Metal plus traditionnel et également des moments folk maîtrisés et bienvenus, distillés au sein d’un ensemble résolument envoûtant, et est un de mes albums de chevet qui va enfin pouvoir trôner sur ledit chevet en CD. Et pour vous, qui connaissent déjà ou qui veulent découvrir le groupe de Metal avant-gardiste le plus inventif et le plus original de la Terre, Gire est à se procurer d’urgence, même en téléchargement libre (comme toute sortie de Blood Music) car cet album est un bijou, un joyau, une pierre précieuse dont l’éclat est inoubliable.




Rédigé par : ZeSnake | Réédition/ | Nb de lectures : 8814




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Commentaire
langoustator
Membre enregistré
Posté le: 29/01/2016 à 23h58 - (119262)
Enfin reçu le LP.
Belle chronique, j'adore ce disque



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