Je suis pas Martin Luther King, moi, quand je fais un rêve c'est à propos de trucs un tantinet plus intéressants que des velléités pacifistes... Figurez-vous que je m'endormais avec ce dernier album de Genghis Tron sur les oreilles, et, par je ne sais quel truchement de mon esprit biscornu, je me suis retrouvé métamorphosé en boule de flipper. Le premier d'entre vous qui vient de se représenter une couille de dauphin peut immédiatement aller consulter. "Comme une boule de flipper, qui roule, qui roule" donc, trimballé et rebondissant dans tous les sens, sans jamais savoir où j'allais atterrir. Exactement comme tout au long de ce "Board Up The House".

Mais ici rien à voir avec l'éternel tube de Corrine Charby, Genghis Tron tapant plutôt dans un gros paquet de sous-genres du "rock violent" (pour faire bref) ET de l'électro. Car la grande force du trio fraîchement débarqué chez Relapse, c'est d'avoir su pousser leur volonté d'hybridation jusqu'au bout. Bien trop souvent les mélanges entre deux styles (je parle de styles vraiment marqués, pas des nuances style genre grind pakistanais/brutal death namibien) aboutissent à avoir l'une des deux parties au rabais (voire souvent les deux). Rajouter deux miséreux bidouillages électro sur tes riffs bateau, ne te permet pas de revendiquer l'influence de Squarepusher... Alors quand on voit la dégaine atypique du line-up du groupe (trio guitare-programmation/voix-claviers/claviers-programmation), on comprend mieux pourquoi la symbiose entre rock violent et électro est si totale. Intérêt démultiplié par les changements de dosages constants entre les parties "organiques" et électro. La linéarité? Connaissent pas!

Le côté synthé et cie m'avait dissuadé de poser une oreille sur les précédents travaux de la bande. Faut dire que dans mon imaginaire, je me représentais les petits gars de Philadelphie comme un groupe à la Daughters ou Horse The Band de plus. Déconnade hardcore à synthés, un groupe de plus... Grossière erreur! Car si les ingrédients sont sensiblement les mêmes, Genghis Tron fait preuve d'une certaine "mélancolie" dans sa musique, une espèce de gravité naïve qui fait toute la différence. Les sonorités des synthés sonnent souvent (et volontairement) kitsch, mais ne prêtent jamais à la gaudriole. Comme s'ils allaient tout penauds enterrer leur défunte Atari 1200XL au fond du jardin...

Et là-dessus, ils ont su nous emmener creuser avec eux. Grâce à un travail de barges sur les parties électroniques, et à un savoir-faire évident. La preuve? La variété de ces parties trop fresh, qui se baladent entre nappes ambiantes trip hop, ou beats mongoloïdes qui n'ont pas à rougir à côté de ceux d'Aphex Twin ou Squarepusher et plein d'autres sous-branches que ma culture trop étriquée en la matière ne saura vous désigner clairement. Mais surtout, ils sont parvenus à insuffler une âme à ces plans, indice de maîtrise qui ne trompe pas. Et niveau émotionnel, le chant clair, plus présent que précédemment, vient achever le travail, posé, planant et sincère. Attachant.

Ces sales faces de geeks sont vraiment super super forts, impossible de prévoir ce qui va venir nous scotcher. A la fois capables d'enchaîner des titres épileptiques avec 15000 changements de plans et d'ambiances avec un naturel déconcertant ("City On A Hill") ou de tenir plus de 10 minutes sur un seul accord génialissimement basique (le postcore planant de "Ergot", simplement BEAU). Les décharges d'électricité brutes avec la BAR calée à 81457 BPM sont toujours là mais moins présents, tendant à s'effacer au bout de quelques mesures. Cet album possède un pouvoir hypnotique, un magnétisme hallucinant, et créativement parlant, met à l'amende un sacré paquet de groupes s'auto-proclamant expérimentaux. Niveau prod', on change pas une équipe qui gagne, toujours le Kurt Ballou aux manettes, toujours un résultat impeccable, c'est pas demain qu'on pourra se plaindre du travail de ce Sarkoziste de la production (il est absolument partout!) Bon, j'irai juste coller un reproche sur deux ou trois plans de gratte un poil en dessous niveau créativité, juste histoire de pas être trop dithyrambique. A noter un featuring de Greg Puciato de leurs collègues de Dillinger Escape Plan qui vient épauler les hurlements Bannoniens du bien nommé Mookie Singerman sur "Colony Collapse".

Pour conclure, je citerai uniquement un commentaire d'un lecteur sur la chronique des daubesques See You Next Tuesday: "Faudrait que ces groupes qui officient dans ce bourbier sortent de ce style, qui au départ je suppose, devait se prétendre foufou et libre, mais qui a l'air en fait sacrément codé..." Des mecs libres, qui ont atomisé les codes? En voilà ici. Un grand merci à eux...


Rédigé par : Crown_Me | 17.5/20 | Nb de lectures : 12813