Si vous connaissez déjà bien GAMMA RAY, ce qui doit être le cas de la majorité d’entre vous, vous pouvez ignorer le petit rappel historique entre crochets à l’usage des débutants ci-dessous. Sinon, peut-être cela vous donnera-t-il envie de découvrir les trois disques fondamentaux du heavy speed allemand !

[Est-il bien utile de faire un historique de la carrière de Kai Hansen, l’homme qui fonda le speed mélodique avec HELLOWEEN et ses trois premiers albums ? De tous les groupes ayant plus ou moins lancé une mode ou tout simplement créé un style (on peut évoquer BLACK SABBATH pour le doom et le heavy metal, METALLICA et SLAYER pour le thrash), HELLOWEEN est l’un des rares sinon le seul dont un album a servi de base au développement de plusieurs générations de groupes qui l’ont repris quasiment note pour note et ce, à l’infini. Alors que les descendants de BLACK SABBATH se sont diversifiés dans le doom extrême, le heavy doom voire le heavy metal pur et dur (il suffit de comparer « Heaven And Hell » et « The Number Of The Beast » pour constater que Steve Harris et Bruce Dickinson ne sont pas allés chercher bien loin l’inspiration) et que les adorateurs du tout-puissant SLAYER n’ont presque jamais cherché à plagier le maître de façon éhontée, la plupart pour ne pas dire la totalité des groupes de speed ayant émergé depuis la nouvelle vague de la fin des années 90, STRATO en tête, se sont contentés de balancer des copies plus ou mois bien exécutées des « Keeper », tout au moins à leurs débuts. Dans l’absolu, la démarche peut se comprendre puisque tout a été dit entre 1987 et 1988… bref, tout ceci pour bien mettre en exergue l’influence gigantesque qu’a pu avoir Kai Hansen sur des milliers de musiciens et en arriver aux débuts de sa deuxième carrière musicale avec GAMMA RAY, fondé après son départ d’HELLOWEEN.]

Non content d’avoir marqué les années 80 avec son ancien groupe, le petit rouquin comptait bien faire de même dans les années 90, ce qu’il réussit en partie avec le premier « Land Of The Free », sorti en 1995, qui non seulement marquait son retour derrière le micro, presque dix ans après avoir laissé sa place à Michael Kiske, mais montrait également un groupe désireux de suivre sa propre voie et de s’éloigner du spectre malgré tout pesant de la citrouille, en dépit de sa santé vacillante à l’époque. En partie dis-je, parce que « Land Of The Free », malgré les classiques qu’il contenait (« Man On A Mission », « Rebellion In Dreamland », …) était encore trop proche du speed mélodique d’HELLOWEEN. Le coup d’éclat, Kai le réalisera quelques années plus tard avec « Powerplant », un disque encore une fois innovateur (même si cette fois c’est à l’agressivité d’un JUDAS PRIEST qu’il fait référence) à la suite duquel s’engouffreront une pléthore de groupes de heavy musculeux qui en amèneront les journalistes à requalifier cette vague de « power metal », un vol qualifié duquel ne se plaindra pas PANTERA, englué dans des problèmes internes qui conduiront au split du groupe.

Mais ceci est une autre histoire, revenons à GAMMA RAY, une formation qui a su trouver son identité malgré la dimension « historique » de son créateur, et qui à force de tournées et d’albums somme toute honnêtes quand ils n’étaient pas exceptionnels, est parvenue à s’imposer dans les hautes sphères de la hiérarchie heavy speed européenne. Après deux albums plus que moyens, on se demandait pourtant où en était Kai Hansen, au moment même où justement HELLOWEEN revenait en force sur le devant de la scène. L’annonce de l’écriture d’une suite à son album emblématique (avec GAMMA RAY j’entends) m’inspira donc plus de crainte qu’autre chose, cette annonce ressemblant plus à une tentative moyennement pertinente de se rappeler au bon souvenir des fans et de s’assurer quelques ventes. Ayant encore en tête le souvenir douloureux du désastre « Keeper Of The Seven Keys : The Legacy » de qui vous savez, je craignais le pire pour « Land Of The Free II ».

Disons-le tout de suite, ce n’est pas l’album de l’année. Plusieurs raisons à cela, la plus importante étant certainement les clins d’œil plus qu’appuyés en direction des groupes emblématiques du heavy 80’s, IRON MAIDEN, JUDAS PRIEST et dans une moindre mesure ACCEPT. C’est certainement également à cause de cela qu’une partie du public rejette déjà totalement l’album, lui reprochant de n’être qu’une compilation de refrains ou plans devenus des classiques du heavy metal. Mais c’est également pour les mêmes raisons qu’une autre partie du public adorera « Land Of The Free II », parce que ces « pompes », on ne peut appeler cela autrement, sont très bien intégrées dans des morceaux qui sont pour la plupart de purs tubes heavy speed (tous les morceaux de l’album sauf « Opportunity » de Schlächter et « Real World » en fait). L’autre raison pour laquelle il ne sera sûrement pas considéré comme un classique dans les années à venir est ce manque d’identité découlant de l’utilisation aussi massive de références 80’s, puisque la patte GAMMA RAY passe au second plan.

Ben alors ? Ce n’est pas l’album de l’année mais il déchire ? Qu’est ce qui bave encore le Dungortruc ?

Effectivement, il est peu de tout cela. On ne peut, aussi bon soit-il, pas complètement encenser un album qui reprend tant de passages connus de chansons mythiques, même si l’objectif de Kai Hansen sur ce coup-là était clairement de composer une sorte d’album tribute aux années 80. Il n’est plus tout jeune le ptit Kai, et la nostalgie a déjà dû l’effleurer deux ou trois fois, la perspective de sa fin de carrière également, ce qui a certainement conduit à ces compositions à la fois personnelles et hommages. Parce que je ne peux imaginer un musicien aussi expérimenté que lui balancer un couplet se terminant par “The number of The Beast” au beau milieu d’un morceau (« When The World ») dont l’intro aurait pu être tirée de « Powerslave » et le pont de « Piece Of Mind », laisser Dan Zimmermann écrire une chanson comme « Princess » qui évoque autant l’ACCEPT de la grande époque (rythme martial, refrain à la « Princess Of The Dawn » (renommée Empress Of The Dark dans les paroles), solo à la « Metal Heart »), reprendre le couplet de « How Many Tears » presque note pour note (« Rising Fear »), le break de « Rhime Of The Ancient Mariner » à la virgule près (« Opportunity »), le riff principal de « The Trooper (« From The Ashes »), tout ceci en toute naïveté. Non, « Land Of The Free II » est un album résolument orienté vers les années 80 sans être passéiste pour autant (les chœurs sympho à la THERION de « When The World », toujours elle).

Certes, ce n’est pas un pur album de GAMMA RAY étant donné l’importance réservée aux éléments venus du passé, et ne peut donc être considéré comme un classique du groupe ou du genre. MAIS c’est un excellent album de heavy metal blindé de refrains entêtants, de riffs imparables et de solos qui tuent (on a même une reprise du solo de « Exciter » de JUDAS PRIEST, que je vous laisserai trouver). Kai Hansen s’est servi de ce que le heavy metal a produit de meilleur pour bâtir « Land Of The Free II », le talent de compositeur et d’arrangeur du bonhomme a fait le reste. Certains groupes sortent des albums de reprises quand le besoin de souffler un peu ou se relancer se fait sentir, GAMMA RAY sort lui un album tribute aux années 80, celles qui ont fait l’éducation musicale de la plupart d’entre nous, jeunes ou moins jeunes, et je pense que c’est ainsi qu’on doit appréhender son disque, une époque à laquelle même la production fait référence (très naturelle, pas d’overdubs à outrance, pas de trigger ou alors peu de retouche) ! On n’a bien entendu pas la qualité de son d’un HELLOWEEN par exemple, mais l’intention n’est pas la même non plus, en tout cas il faut l’espérer.

Seul l’avenir dira si cette analyse que je vous livre ici était la bonne, et j’avoue que je commence à serrer les fesses en attendant les premières interview de Kai, en espérant qu’il abonde dans mon sens en déclarant qu’aucune de ces références ne sont fortuites sinon j’aurai l’air bien couillon ! Reste que, emprunts assumés ou pas, ce disque recèle d’excellentes chansons, certainement les meilleures de GAMMA RAY depuis « Powerplant », et c’est ça le principal, non ?


Rédigé par : Dungorpat | 16/20 | Nb de lectures : 12324