Sous quelque forme qu’il se présente, l’art sincère est toujours porteur d’un message. A travers l’oeuvre, l’artiste exprime sentiments, réflexions, engagements, où simplement témoigne de sa vision de la beauté. Art et communication.
Des champs de coton aux bancs d’église, des voix d’esclaves se sont ainsi élevées pour protester, se sont tournées vers le ciel pour prier, enracinant la musique occidentale dans le blues, le gospel, les larmes et la foi. Culte et Souffrance. Deux matériaux que FUNERAL MIST a perverti, tordu pour scarifier leurs premiers albums d’un Black Metal ironiquement qualifié d’orthodoxe. Ces déviances sonores coagulées depuis trop longtemps, les Suédois traditionalistes reviennent aujourd’hui gratter les croûtes, rouvrir les plaies pour laisser couler un sang noir infect et cracher l’anathème à la face du monde: “Maranatha”.

Après une introduction apocalyptique, “Sword of Faith” tranche un silence de 6 ans. “Salvation” était enfermé dans une gangue suintante, organique et dense. “Maranatha” déchire le vide d’un son rageur, clair mais toujours primitif. Le contraste est net entre les deux albums. C’est aussi le cas des opinions qui accueillent cette oeuvre, car Arioch emprunte un sentier brûlant même si pavé de bonnes intentions.

Aux décharges de violence, aux bouffées de haine crue et suffocante qui ont fait sa réputation, FUNERAL MIST appose des ambiances aussi minimalistes que travaillées. Arioch revisite 50 ans de musique pour créer sa vision du god spell: un hommage incantatoire au Malin. Loin des terres gelées de l’hiver suédois, il se fait prêcheur vaudou, apôtre d’un Blues syphilitique et grinçant sur “White Stone”: un blasphème lancinant, hypnotique et surprenant qui ouvre sur le terrible “Jesus Saves!”. Cette furie martelante trouve un apaisement lors d’un final très Rock sudiste. Quant à “Sword of Faith”, n’y entend-t-on pas quelques accords à la Neil Young?
Chaque chanson s’éloigne du raw Black de “Salvation” pour posséder sa propre ambiance: chants religieux sur “A New Light”, épique guerrier, déclamations et cuivres sur “Blessed Curse” (trop longue et trop répétitive selon moi), choeurs tribaux pour “Living Temples”...

La cohésion de “Maranatha” repose en fait sur deux dénominateurs communs: une batterie stricte, sobre, placée et, par dessus tout, des vocaux démentiels. Arioch met littéralement en scène sa voix: il la malmène, la déchire, la caresse. Il hurle, clame, soupire, étouffe, siffle, maudit... Dans cette théâtralisation, il balaie le spectre de ce qu’il est possible de chanter, et au-delà. Ce travail ahurissant pigmenté de quelques effets discrets suffit à faire de “Maranatha” une oeuvre magistrale.

Pourtant, il est à mon sens regrettable que FUNERAL MIST ait opéré une mutation telle qu’elle l’éloigne de l’essence de son Black originel. “Maranatha” est un excellent disque de Metal Extrême et peut-être seulement un très bon disque de Black Metal. Il manque cette sensation d’étouffer. D’être submergé par la violence malsaine et d’errer à l’aveugle dans une masse glauque. “Maranatha” est plus accessible bien que plus travaillé. Moins spontané. Un compromis en ferait à mes yeux une oeuvre ultime, mais le but d’Arioch est autre: “Maranatha” est une profession de foi. Un manifeste que les dernières notes, les derniers choeurs, les derniers soupirs transcendent, abandonnant l’auditeur la chair frissonnante dans le froid et le vide de la nuit.




Rédigé par : La Myxine | 16/20 | Nb de lectures : 15055