Prenant exemple sur Céline Dion à ses débuts, les déboulonneurs de crucifix québécois de Frozen Shadows jouent la carte du tremplin hexagonal, en espérant sans doute que cela ne les condamnera pas à une destinée de type Titanic… Le black de Frozen Shadows déferle à grande vitesse sur le fil du rasoir, imprégné de la grammaire classique du style et emmené par une paire vocaux-batterie dont la résolution n’a pas grand chose à envier aux groupes généralement cités en référence comme des parangons de bestialité. Leur façon d’utiliser la première guitare comme instrument de ponctuation derrière le rideau massif des saturations les rapproche d’Emperor. La comparaison s’arrête là, tout net. Parce que si Frozen Shadows injectent bien une admirable débauche d’énergie pour imposer leur son, l’étincelle de brio qui fait les chansons mémorables refuse obstinément de jaillir de leurs phalanges affairées. A la première écoute on est soufflé par l’intensité vomie des enceintes, à la seconde on commence à constater avec dépit que les morceaux sont articulés autour de riffs à deux ou trois notes surexploités qu’un groupe plus talentueux cantonnerait au rôle de transitions. En délivrant les breaks au compte-gouttes et en plaçant de squelettiques mouvements dérivatifs – par exemple du synthé – à des endroits bateau, Frozen Shadows donnent l’impression de s’imposer leur ratio de technique ou d’atmosphérique à titre syndical, sans y accorder beaucoup de conviction, auquel cas ils feraient aussi bien d’y renoncer totalement pour revendiquer l’étiquette de black brutal qu’ils seraient aptes à défendre vaillamment. Mais bien sûr on préférerait les voir mettre leur potentiel au service de morceaux plus étagés dont l’individualité barrerait la route à la stagnation qui, ici, ne tarde jamais à se muer en désœuvrement. « Hantises » préfère bien souvent les œillères au défi et c’est dommage. A cause de ça, Frozen Shadows en restent au stade des promesses, mais surtout restent vissés sur la même étagère que des dizaines et des dizaines de groupes qui, eux, sont loin de posséder des atouts comparables dans leur jeu. Malgré tout ce qui fait de cet album un candidat au ventre mou, soulignons encore une fois la suprématie du batteur dans la maîtrise simultanée de la précision et de la frappe de mûle. Avec un son de double moins « hélicoptère » et des compositions au profil plus nuancé, il sera probablement en mesure d’initier une émulation bénéfique au groupe. En signant avec Frozen Shadows leur tout premier groupe de black metal en dix ans d’existence, Holy Records ne se sont pas forcément adjugés le mauvais numéro. Mais c’est à l’épreuve du prochain album que l’on verra si les Québécois sont capables de franchir un palier et d’apporter une réponse à la mention « acceptable, peut beaucoup mieux faire » inscrite sur la copie de « Hantises ».


Rédigé par : Uriel | 10/20 | Nb de lectures : 8508