En guise d’intro, je souhaiterais signaler une fois de plus l’incohérence de certains réseaux de distribution. Alors que cet album est officiellement sorti le 17 novembre, il n’a été distribué que début mars. Certains voudraient après ça faire pleurer dans les chaumières sur l’incurie des pirates du net alors qu’ils tendent eux-mêmes le bâton pour se faire battre. C’est tout bonnement consternant !

Ceci dit, il y a un peu plus de 2 ans, VS vous a parlé du premier album de ce “super groupe” britannique. Monté par Jem Godfrey – un compositeur/producteur de la scène pop – son ambition était de mettre un coup de balai dans le rock prog et d’y apporter du sang neuf.

Et pour garantir une réussite qu’il croyait à sa portée, Godfrey s’était adjoint les services de la crème des crèmes des musiciens de la famille néo prog. (Arena-Jadis-IQ).

Moins d’un an après ce lancement tonitruant, Godfrey jetait l’éponge. La version officielle prétend que ce renoncement serait dû à ses activités de producteur extrêmement prenantes. Ne faudrait-il pas plutôt chercher les raisons d’une telle décision du côté d’un relatif échec de l’entreprise de rénovation de la maison prog ?

Il est vrai que "Milliontown", annoncé comme la 8ème merveille du monde n’avait atteint qu’un succès limité en terme de vente réduisant proportionnellement les ambitions et les espoirs de son géniteur. Car pour ce qui est de l’accueil des médias spécialisés, le consensus favorable fut très large. Rétrospectivement et personnellement, je maintiens mon 13/20 et mes réserves.

Retournement de veste ou sens de l’à-propos, Godfrey revient en 2009 par la petite porte en évitant cette fois-ci de s’épancher trop pesamment sur un hypothétique chef-d’œuvre à venir.

Et c’est plutôt bien vu car ce second album est – sans prétendre au génie - d’une valeur bien supérieure à son devancier. En prenant soin de ne rien précipiter et de ne surtout pas claironner une révolution quelconque, l’Anglais parvient à nous surprendre et à nous persuader de sa démarche. Et oui, l’humilité ça paie !

En témoigne le titre d’ouverture, "Experiments In Mass Appeal". D’une durée de 8min, il installe de manière très probante ce sens des réalités retrouvées. Après une intro toute en finesse et arpèges de gratte sèche, il se montre soudain très dense, majestueux avec des claviers qui dressent un véritable mur sonore. Cette seconde partie du titre rappelle la luxuriance d’un Carptree période "Man Made Machine" ou d’un Satellite au meilleur de sa forme.

Le rock prog moderne est donc la marque de fabrique du Frost* 2009. En fait de rock prog, il s’agit plutôt de musique pop progressive extrêmement bien construite et arrangée aux petits oignons. En dehors de l’éponyme cité plus haut, la plupart passent allègrement le champ de l’anecdotique et se révèlent de véritables perles.

Un petit bémol cependant sur la suite de 15min ("Wonderland") qui promet davantage qu’elle n’a réellement à offrir. Frappée de bipolarité, elle se présente en fait comme 2 titres assez différents assemblés par des artifices maladroits dans leur agencement.

Un autre bémol – hum ! Ça en fait tout de même 2 – le titre teinté d’électro "Pocket Sun" qui louche fortement sur Daft Punk décidément en vogue en ce moment. (cf la kro de Pure Reason Revolution).

Bien heureusement, ces « incidents » de parcours ne remettent pas en cause la capacité générale d’accroche. Et notamment parce que la majorité de ces compo léchées sont servies par une instrumentation top niveau : citons des guitares incisives ou solennelles œuvre de John Mitchell, le chant enfin à la hauteur du petit nouveau Dec Burke et une production exemplaire. Sans oublier quelques poussées de fièvre ("Falling Down") qui lui font franchir intelligemment la frontière avec le métal prog et qui donnent à ce second opus des couleurs chatoyantes et une personnalité digne d’intérêt.

Et si l’on veut plus clairement identifier Frost*, voici un groupe et un album que l’on peut rapprocher de Kino, son presque alter ego et du plus récent It Bites mais avec une dialectique autrement plus convaincante.

Soyons cependant réalistes ; "Experiments…" n’est pas encore le disque de l’année. Mais on peut raisonnablement se demander si Jem Godfrey n’a pas enfin trouvé la formule adéquate pouvant lui assurer un avenir pérenne dans le milieu aux côtés des formations sus-citées. On le lui souhaite vivement même s’il est encore trop tôt pour le dire, car en ce domaine la prudence est la meilleure conseillère.


Rédigé par : Karadok | 14/20 | Nb de lectures : 10727