Pas si éloigné de nous en fait et pourtant semble-t-il à des années-burosse de la Terre (comme on disait dans ‘Objectif Nul’), la scène doom russe et balte bourgeonne pourtant comme la braguette d’un jeune puceau devant le visionnage de son premier film de cul. Or ô toi métalleux qui connaît mieux la géographie norvégienne que celle des Vosges mais qui est sûrement incapable de pointer du doigt sur une carte la petite Lettonie, sache que cette petite nation à quelques encablures de la Finlande, dont la seule exportation métallique à ce jour étaient les joueurs de biniou en sandales de Skyforger, a désormais son groupe de doom/death attitré, Frailty, dont le premier album échoue très logiquement sur Solitude Productions, label de la patrie de Vladimir ‘il faut aller les buter jusque dans les chiottes’ Poutine dont le catalogue à 98% russe et balte œuvre discrètement pour la cause depuis quelques années. Hélas, les amateurs d’exotique en seront pour leur frais avec ce ‘Lost Lifeless Lights’. Car à part une reprise en bout de course d’un titre (en Letton !) d’un artiste inconnu par ici (Monro), ces origines sont plus à chercher du côté… De l’Irlande !

Les flyers ont beau essayer de se la jouer tradi’ à mort en invoquant les éternels Anathema et autres My Dying Bride, cela ne fait pas un pli : Frailty a fait ses classes en révisant avec acharnement les albums de Mourning Beloevth. Si niveau riff, on a limite plus droit ici à un groupe de death mélodique faisant une fixette sur des tempos pas forcément lysergiques mais en tous cas mesurés qu’à un groupe de pur doom, sa tactique d’approche est elle très, très largement calquée sur celles de nos doomsters européens préférés, avec quelques nappes de clavier en plus. Prenez donc un chanteur/grogneur sachant alterner grognements et murmures, le tout saupoudré (d’une pincée, histoire de pas trop chahuter) de chant clair, ainsi qu’une guitare rythmique répétant le même riff lourd sans non plus qu’il soit trop traînard. Rajoutez par-dessus un soliste dont les entrelaces mélodiques sont bien mis en avant et tissent des lignes simples et accrocheuses et répétez le tout huit fois. D’ailleurs, si le début de « The River Of Serpents » ne vous rappelle pas celle, sublime, de « Mountains Are Mine » de ‘Dust’ (2001), je veux bien aller danser la gigue en kilt avec le Prince de Lu à son prochain festnoz…

Sauf que tout téléphonée qu’elle soit, cette formule a au moins le mérite de l’efficacité. Plutôt que de tomber dans le doom/gothic gnangnan ou de nous endormir en essayant de battre les records de lenteur qui semble être hélas la source de motivation de la grosse majorité des groupes de funeral doom, Frailty est revenu au source du doom/death et s’est appliqué à en maîtriser les dynamiques de base. Et vu qu’à l’image du très beau et sobre livret, le tout s’ébat librement grâce à une prod’ puissante et limpide qui n’a rien à envier à celles du continent, cette invitation à une petite balade le long des berges brumeuses de Riga les soirs de pleine lune mérite que l’on s’y penche, exotisme ou pas…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 13/20 | Nb de lectures : 10487