Dire que ce nouvel opus du suicidaire Herr Morbid était attendu est un doux euphémisme. Le groupe italien qui a explosé médiatiquement avec "Love's Burial Ground" se faisait doucement attendre. Trois ans d'impatience et un passage de Adipocere à avantgarde. Trois ans d'attente pour récemment entendre un extrait et lire des déclarations qui ont laissé leur monde dubitatif : Forgotten Tomb veut évoluer! Nous attendions une implosion suicidaire, un voyage encore plus introspectif dans la noirceur d'une âme tourmentée, la phase finale de l'autodestruction d'un être qui n'est plus que souffrance. Nous voulions encore pratiquer ce voyeurisme indécent et nous retrouver face à la mort de l'autre. En somme, nous pensions découvrir un nouveau Forgotten Tomb, mais pas trop loin des précédents. Herr Morbid en a décidé autrement.

Comme à chaque fois qu'un groupe de black évolue assez drastiquement, je me suis posé la même question: n'aurait-il pas pu changer de nom de projet? Avec les techniques de marketing modernes, le net et la diffusion large de l'information et notre habitude des multiples entités pour un même bonhomme, cela n'aurait pas handicapé les ventes d'un "side-project du leader de Forgotten Tomb". Alors pourquoi prendre le risque de rudoyer sa franchise en continuant sous le même nom? Et bien, parce que "Negative Megalomania" est bien un album de Forgotten Tomb, tout simplement. Sauf que le groupe subit de tels changements sur cet opus que notre petit monde du métal extrême va probablement se trouver séparé en deux clans. Alors, allons-y pour un moment de schizophrénie. Pour les plus vieux d'entre vous qui ont pratiqué "les livres dont vous êtes le héros", ça vous fera des souvenirs (copyright Steve Jackson et Ian Livingstone).

Si vous êtes un fan des ambiances sombres et glauques des anciens Forgotten Tomb, rendez-vous au paragraphe [13]. Si vous ne connaissez pas particulièrement le "suicidal" de FT, que vous aimez le doom/death suédois et les albums mélodiques, rendez-vous au paragraphe [666]

[13]
Dès les premières mesures de "A Dish Best Served Cold" qui ouvre l'opus, on reconnaît sans conteste les mélodies qui ont forgé le succès du groupe. Les cinq titres sont de longue durée, de sept à quatorze minutes. Les morceaux évoluent lentement, coulant pâteusement dans un mid-tempo techniquement maîtrisé. Le son lumineux des arpèges et la saturation grasse des guitares, les hurlements de dément, tout semble en place. Et pourtant l'ambiance funèbre a tout simplement disparu. Si les mélodies sont là, l'ensemble ne dégage pas plus de noire opacité qu'une paire de mules à pompons roses. Les deux morceaux les plus sombres, qui ouvrent et clôturent l'album, ne sont pas très convaincants à ce titre. Les riffs sont entraînants, mais ce n'est pas trop l'effet escompté par l'amateur de noirceur.

Herr Morbid s'essaye au chant clair, ce qui donne un résultat très heavy ricain qui m'a fait ressortir immédiatement un album de Flotsam and Jetsam. Dès son premier lead de guitare très "country", "Rehab (No Exit)" fait décalé et se pose en premier trouble-enterrement de qualité. Pour un auditeur qui s'attend à du sombre et du glauque, ce morceau est simplement naze sur ses deux premiers tiers. Seul le final, bien plus lent, d'une guitare égrenant des notes sur fond de hurlements rappelle qu'il s'agit bien d'un album du projet qui a pondu "Springtime Depression". Ce changement d'orientation me rappelle mon désenchantement à l'écoute de "Swansong" de Carcass. Et la descente continue par la suite. Un peu décroché, je me surprends à trouver de fortes similitudes avec Katatonia. L'intro de "Negative Megalomania" respire le spleen des suédois période doom/death. Et je ne vous parle pas du taping final qui me rappelle fortement celui de "Murder" sur "Brave Murder Day". Comment réussir à se laisser porter par l'album quand les riffs sentent le réchauffé...

Arrivé à ce stade de l'écoute, et pourtant parti plein d'espoirs, je ne peux qu'exprimer ma déception. A chaque écoute, les riffs de "Blood and Concrete" m'en paraissent presque mielleux. "Negative Megalomania" ne tournera probablement dans ma platine que le temps de rédiger cette kronik. Herr Morbid prend clairement un risque créatif, probablement pour se diriger vers ce qu'il affectionne aujourd'hui. Hélas, c'est l'ancien Herr Morbid que j'appréciais, celui qui passait des heures à se faire beau dans sa baignoire. Et merde, revoilà la voix claire qui ouvre "The Scapegoat"... Chienne de vie, c'est notre auditeur qui se retrouve dépressif et suicidaire à l'écoute d'un virage pareil. Herr Morbid en a assez du noir et il vient d'allumer sa lampe de chevet pour dissiper les ténèbres. "Negative Megalomania" n'est pas foncièrement mauvais, mais il est tout simplement inintéressant. Pourvu que Shining tienne encore le coup...

Note : 08/20

Les doigts osseux de Zanbar Bone touchent votre chair, vous vidant de votre énergie vitale. Vous êtes maintenant l'un de ses serviteurs morts-vivants. L'aventure est terminée pour vous...


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Dès les premières mesures de "A Dish Best Served Cold" qui ouvre l'opus, on reconnaît sans conteste les mélodies qui ont forgé le succès du groupe. Les cinq titres sont de longue durée, de sept à quatorze minutes. Les morceaux évoluent lentement, coulant pâteusement dans un mid-tempo techniquement maîtrisé. Le son lumineux des arpèges et la saturation grasse des guitares, les hurlements de dément, tout est en place pour nous plonger dans l'univers des transalpins. Si l'ambiance est moins sombre qu'auparavant, le groupe a gagné en mélodie et clairement en efficacité. Dès le premier titre, les riffs déclenchent le headbang dans des morceaux moins étouffants et immédiatement plus accrocheurs.

Herr Morbid s'adonne maintenant au chant clair, ce qui donne un résultat plutôt heavy ricain surprenant. Dès son premier lead de guitare très Gorefest, "Rehab (No Exit)" marque sa différence et présente réellement l'évolution du groupe. Si vous acceptez le virage, Forgotten Tomb montre une facette plus mélodique, moins introspective. Le groupe semble s'orienter vers un doom/black assez rock, un mélange assez personnel qui rappelle parfois les mélodies du doom/death suédois (notamment Katatonia). Raccordant sur le final du morceau avec son black d'origine, Forgotten Tomb réussit une mixture improbable. Le résultat est très entraînant, comme sur le titre éponyme "Negative Megalomania", et toujours impeccablement mis en place.

Au final, ce nouvel opus des italiens est une surprise réussie qui m'enchante. Les titres sont variés en marquant bien la nouvelle identité du groupe. On se surprend à taper du pied ou à chantonner les mélodies au cours de la journée. "Negative Megalomania" est efficace et accrocheur tout en gardant un côté sinistre, que demande le peuple? Herr Morbid a pris clairement un risque créatif, pour se diriger vers ce qu'il affectionne aujourd'hui. Forgotten Tomb évolue, devient plus accessible et s'ouvre à un nouveau public. Ils en ont parfaitement le droit. Herr Morbid en a assez du noir et il vient d'allumer sa lampe de chevet pour dissiper les ténèbres. "Negative Megalomania" est la première grosse surprise de cette année qui débute et, sans être exceptionnel, il s'avère très bon. Pourvu que Shining réussisse le même le coup...

Note : 16/20

Vous sombrez alors dans l'inconscience, et à votre réveil, vous n'avez plus aucun souvenir de votre existence précédente... car vous êtes devenu un vampire! L'aventure est terminée pour vous...

A ce jour (08/01), l'album est "prêt" à être sorti, sans plus d'indication. Il sera d'abord disponible sur le mailorder d'Avantgarde (Sound Cave) dans une édition spéciale limitée à 100 exemplaires, avant d'être disponible en boutique.


Rédigé par : Prince de Lu | -/ | Nb de lectures : 14363