Chez nous les metalleux, on catégorise vite. On doute toujours beaucoup plus facilement d’un groupe feutré que d’un groupe de mulasse. Dans nos conceptions parfois très évoluées de la musique, un groupe qui joue tout le temps à fond les gamelles n’est peut-être pas un modèle d’ouverture d’esprit, mais au moins ça meule, et quand ça meule le commercial à moins de chance de venir tout pourrir.

Avec les groupes plus vulnérables, c’est plus compliqué, car ils peuvent toujours être aveuglés par les lumières mainstream qui peuvent les persuader de filtrer leur essence pour accéder à un plus large auditoire. Pire que tout, le mainstream happe parfois les groupes qui n’ont pourtant jamais fait un pas vers lui.
C’est bien sûr extrêmement schématique et réducteur, d’autant que c’est aussi parfois vrai pour les barbares cloutés qui peuvent eux aussi lorgner vers les lights des Dance floors. Je ne peux pas nier cependant que j’ai souvent ressenti ça de certains groupes basant leur musique sur l’émotion et qui m’ont déçu en se logeant sur les rails du tout venant, laissant de côté leur son le plus sombre.
Et pourtant, grâce à plusieurs groupes de metal aventureux, le public poilu a commencé à s’intéresser à d’autres scènes, plus intimistes mais tout aussi dark, qui rejoignent sur certains points nos combos noirs et malfaisants.
Vous l’aurez compris, Flown est donc un combo racé qui aime la mélodie, mais aussi la dissonance et qui nous entraîne sur des contrées glacées.

C’est deux garçons de la région parisienne qui composent ce groupe. Un se charge de la basse et l’autre se charge de… ben de tout le reste en fait (chant, guitare et batterie). Et pour un travail fait à quatre mains, il faut reconnaître que les gars ont déjà une bonne maîtrise musicale ainsi qu’un univers qu’ils commencent à se construire.
Ca joue plutôt pas mal et tout au long du disque la cohésion et la clarté reste de mise. Le batteur/chanteur/guitariste groove bien comme il faut, et arrive à mettre son instrument en avant grâce à un jeu vraiment porteur pour le son du groupe.

Si ce jeune multi-instrumentiste n’avait pas joué comme il joue, le résultat ne serait certainement pas le même et la prod froide et précise n’aiderait pas à ce que cela sonne mieux. Bravo à lui donc.
Il assure aussi un chant juste et cristallin tout en créant à la guitare des architectures rythmiques basées sur des arpèges très souvent mineurs sauf quand évidemment il appuie sur l’Overdrive et balance des nappes de son à fort caractère métallique.
Point cependant d’accélération, de palm muting et de sweeping à Mach 2, les riffs restent assez simples dans leurs formes et s’avèrent beaucoup plus aventureux quand le mélomane joue en son clair. Les mélodies sont par moment assez recherchées, et les harmonies (comme sur « Love and Reason ») moins courantes que ce qu’on a l’habitue d’entendre.
On pense à Muse, Radiohead… sans toutefois le côté « dérangé planant » des derniers et le lyrisme (parfois un poil grandiloquent) des premiers (à noter que le groupe cite des influences plus metal comme Soundgarden ou Incubus).
Ce premier album éponyme nous entraîne donc sur 15 titres vers des contrées sombres et mélancoliques, même si à plusieurs moments le groupe développe des atmosphères empreintes de calme et de béatitude comme sur « Loulou’s song ». Le groupe apparaît ainsi à plusieurs facettes, à des moments bande son parfaite d’un début de matinée ensoleillée puis la minute d’après d’une lugubre nuit d’hiver.

Flown n’apparaît donc pas comme un groupe extrême dans ses émotions mais au contraire plutôt tempéré, voire réfléchi. Certains titres arrivent à sortir leur épingle du jeu, comme le très sombre et groovy « Stay Away » ou encore le très « placebien » « Someone Else » qui avec son tempo un poil plus rapide que ce que pratique le groupe habituellement, surprend assez. D’autres moments sont assez élevés comme « Sex addiction » ou le très funkadélique « Pig ».
Plusieurs chansons sont plus classiques, avec un petit côté néo (mais néo tranquillou) qui ne représente pas la facette la plus originale du groupe.

Mais au final, ce n’était pas forcément évident avec un premier album et autant de titres, de faire percutant de bout en bout… d’autant que le travail effectué reste de bonne facture.
Bien qu’elle soit totalement en adéquation avec la musique, une prod un peu plus crust aurait été pertinente par moments. Car bien qu’aimant les mélodies, Flown pèche un peu par moments par délit de clarté et quelques taches de cambouis m’auraient bien plu. Cela reste cependant une affaire de goût… et pas une faute de goût.
Une belle découverte qui ravira certainement les amateurs de belles mélodies les plus ouverts d'entre nous.


Rédigé par : pamalach | 13.5/20 | Nb de lectures : 11935