Barocco!

C’était une évidence. Le Brutal Death baroque, s’il devait jamais voir le jour, ne pouvait naître ailleurs qu’en Italie. Dont acte. FLESHGOD APOCALYPSE et ses “Oracles” concrétisent pour la musique extrême le fantasme métallique de toujours: téter la sève créatrice au fond des racines classiques supposées du Genre, transmuter le plomb en or et parer ses riffs de célestes enluminures. La belle ambition. Le Bernin avait su immortaliser la transfiguration extatique de Sainte Thérèse avec grâce, c’est à coups de boutoirs que FLESHGOD APOCALYPSE compte laisser l’auditeur pantelant, un sourire humide et béa(n)t pendu aux lèvres.

Soyons honnêtes. Si l’ambition était de créer autre chose qu’une version stéroïdée des oeuvres de Malmsteen, elles-mêmes assez parodiques de ce que la musique baroque a à offrir, “Oracles” est un échec. FLESHGOD APOCALYPSE est allé puiser chez Vivaldi une bonne collection de gimmicks afin de les incorporer à son Brutal Death. Ci-gît l’influence classique. Le reste est un parpaing lancé sur l’autoroute des vacances.

“Oracles”, ou la claque dans la gueule façon Lino Ventura. De celles qui partent de l’épaule et font saigner madame. FLESHGOD APOCALYPSE joue un Brutal Death hargneux, technique et puissant. On pense énormément au “Vile Conception” de HOUR OF PENANCE (rapprochement logique puisque Francesco Paoli, multiinstrumentiste chez l’un est vocaliste chez l’autre), ou encore à un mélange du “King of All Kings” de HATE ETERNAL avec “The Gallery” (DARK TRANQUILITY).
Pour l’essentiel, “Oracles” est une boulimie de blasts et de descentes de toms supersoniques sur fond de riffs vifs et massifs. Les growls sont présents et monotones. Le métronome est bloqué sur un tempo prestissimo. Le seul ralentissement intervient à mi-album avec un “Requiem In Sj Minore” qui prend le temps d’alourdir la composition. “Oracles” ne fait donc ni dans la dentelle, ni dans la diversité.
Pour aérer la forge romaine, FLESHGOD APOCALYPSE est allé chercher dans le patrimoine classique des mélodies qui nourrissent ses riffs, ses soli, ses sweepings. Ces sections sont efficaces et judicieusement placées. Hélas, en quelques siècles, les harmonies baroques se sont ancrées dans l’oreille collective: on a plaisir à les entendre mais on les devine, on les anticipe aussi. “Oracles” est ainsi terriblement prévisible dans ses sonorités classiques. L’insertion des passages orchestraux est parfois plus surprenante. Si le mélange prend bien sur “In Honor of Reason”, si les instrumentaux touchent à la virtuosité, la valse qui conclut “As Tyrants Fall” semble plus déplacée (pour ne pas dire ridicule, même si dans le thème abordé elle peut avoir du sens). La fusion des deux genres musicaux apparaît donc un peu forcée voire maladroite par moments, un constat presque rassurant pour une première oeuvre.

En interview, Patrick Rondat disait: “Les guitaristes sont des violonistes frustrés”. Ce n’est probablement pas FLESHGOD APOCALYPSE qui le contredira.
L’essentiel est ailleurs. “Oracles” est un album diablement efficace. Surproduit au possible, intense, mémorable: c’est un condensé d’énergie. Le genre de claque qui ne vous prend pas par surprise mais qui vous laisse quand même les yeux humides, un goût métallique dans la bouche.


Rédigé par : La Myxine | 14/20 | Nb de lectures : 11885