La scène metal suédoise c'est un peu comme une vieille bande de potes à la fac, tout le monde se connaît et traîne dans les mêmes pubs, du coup les couples se font et se défont au rythme de soirées pantagruéliques où règnent bières tièdes et strings H&M. On s'aime et on se chamaille, bref on se croirait dans le pire des soaps brésiliens à la sauce scandinave : Love and Growl in Gothenburg.

Résumé des épisodes précédents:
Christian A. et Scar of Symmetry se sont aimés le temps de quatre albums. Divergences musicales, usure du quotidien : la rupture est inévitable. Poussé par la nostalgie du death-pop, Christian se consacre à sa relation avec Solution .45 accompagné de ses potes Jani S. et Anders E. Ce dernier lui rappelle souvent leur amour de jeunesse, Solar Dawn et leurs premiers émois melodic death. Mais Jani réveille une autre passion dans le coeur du sémillant Suédois, celle du death dans sa forme la plus originelle. D'ailleurs, où en est-il avec Miseration et Incapacity ? Son âme, pure comme un fjord aux côtes déchirées pourra-t-elle se donner à toutes ses conquêtes ? Le souvenir de Unmoored, amante fidèle lui laissera-t-il le repos ? Quel avenir avec Torch Bearer ? Par J. et Patrick G. le pressent de trouver une réponse. Telle les vagues de la mer Baltique, l'épopée sentimentale de Christian suit son cycle de flux et reflux, différente et si semblable : autant créer une nouvelle formation avec les proches de toujours. Vous suivez toujours ?

Few Against Many, voilà le fruit de ses derniers élans amoureux. Plus suédois qu'une tartine de Krisprolls le groupe officie dans un registre assez brut. Peut-être l'essai le plus brutal du sieur Alvestam qui délaisse pour l'occasion son chant clair limpide pour des séries exclusives de grognements bestiaux particulièrement réussis. Compositeur principal de l'album, il prend soin d'orienter la musique du groupe dans une direction qui rappelle bien plus Edge Of Sanity que Soilwork. Vous l'aurez compris, le ton s'est durci considérablement et ce n'est pas pour me déplaire. Attention, il ne faut toutefois pas se laisser abuser par le logo particulièrement diabolique et la pochette bien sombre de Dan Seagrave (Morbid Angel, Pestilence, Suffocation, Dismember, Malevolent Creation, Entombed etc.), ce n'est pas du brutal death non plus! Bref, le ramage ne se rapporte pas à son plumage, pour autant on a ici affaire à du solide.
Solide et compact. L'album affiche 8 titres pour une grosse demi-heure de son, tout en cohérence, il est appréciable de voir les musiciens ne pas se perdre en verbiage inutile (comme moi) pour privilégier l'efficacité. La production est parfaitement adaptée au style affiché et reflète bien le savoir-faire scandinave en la matière tout en évitant la brillance excessive des productions made in Gothenburg. Quelques fioritures pas vraiment indispensables viennent s'ajouter à l'ensemble, tels ces textes en suédois sur la majorité des morceaux. C'est sûrement très true mais en ce qui me concerne il pourrait chanter en javanais que je n'y verrais pas de différence. Puis il y a l'ajout de mélodies au clavier, pas des nappes atmosphériques bouche-trou mais de nombreuses interventions qui me semblent toutes aussi inutiles les unes que les autres. Si j'étais vraiment vache je dirais que le son du clavier sur cet album m'évoque irrésistiblement mon premier Bontempi. Comme je suis un chic type je me bornerai à constater que la trame des riffs de guitare est suffisamment riche pour faire l'économie de mélodies artificielles et souvent maladroites.

La dernière livraison de l'artiste multi-facettes Christian Alvestam se révèle au final assez convaincante, je conserve toutefois un doute sur la durée de vie de l'album sur un marché impitoyable et surabondant. Curieux personnage en tous cas qui synthétise le travail de ces dix dernières années dans un énième formation là où "Sot" aurait pu sortir sous le patronyme d'un de ses nombreux groupes en activité. Pour l'anecdote, la démarche n'est pas sans me rappeler celle de l'écrivain portugais Fernando Pessoa qui utilisa un pseudonyme différent pour chaque facette de son œuvre. Prenons les paris, sous quel formation paraîtra son prochain album?




Rédigé par : #Guillaume# | 14/20 | Nb de lectures : 10610