« No future? Future is now! »
Cette citation du gigantesque Snake Plissken résume assez bien le bond effectué par Fear Factory avec cet album de la version 3.0 du groupe, le line up ayant entraîné le plus de remaniements au cours des vingt ans de carrière des champions du cyber-metal. Rien d'étonnant si l'on considère le feuilleton juridico-délirant ayant précédé l'attribution de la franchise FF au duo Cazares/Bell. Faudrait-il en conclure pour autant que l'entité FF se résume à un fonds de commerce dont les plus malins percevront les dividendes? Je ne suis pas loin de le penser mais n'allons pas trop vite.

No Future?
Les notes d'intention fournies pendant l'enregistrement de « Mechanize » se révèlent assez justes : on se retrouve avec un album très typé death arrosé d'influences indus dans la lignée de ce que proposait « Soul of a new machine », la qualité d'exécution et une certaine maturité en plus. On sent une volonté nette de se débarrasser de l'héritage du groupe en liquidant le style qui l'a rendu populaire -tabula rasa- tout en opérant une connexion avec l'état d'esprit supposé ayant gouverné à sa création.
De fait, de la thématique cyberpunk originelle il ne reste surtout que l'aspect punk dans le sens où les textes se font bien plus politiques, le ton plus agressif, la méthode brutale, en opposition avec les éléments cyber qui n'apparaissent dès lors qu'en filigrane. Ça peut paraître anecdotique mais je pense que l'épuisement de thèmes tels que la bio-éthique, les risques d'une hard-science incontrôlée, les limites floues du virtuel, le parasitage par les machines, etc. est révélateur de l'amoindrissement qualitatif du groupe.
Le résultat est là, « Mechanize » est globalement un album bourrin, peu inspiré et sans âme. Il représente exactement ce que le groupe a toujours semblé combattre : l'utilitarisme d'une société ultra-libérale. Soit des morceaux très, très efficaces et percutants qui masquent leur vacuité en étourdissant l'auditeur.

Future is now!
Personne ne peut se permettre d'expliquer à un musicien/groupe comment il aurait dû diriger son œuvre et je ne m'y risquerai pas. Toutefois cette page est une tribune idéale pour argumenter mes propos acerbes. Alors bourrin oui, à de multiples égards. La faute à Dino pour beaucoup, qui s'il est une usine à riffs n'en a pas composé un de vraiment brillant depuis plus de dix ans. Son travail de composition sur « Mechanize » est du même niveau que chez Divine Heresy ou Asesino : carré, punchy, redondant et plutôt quelconque (non, pas Brujeria, ça on touche pas!). Le souci est qu'il n'est pas franchement aidé par ses acolytes, en tête desquels Gene Hoglan qui fournit une prestation très en dessous de sa créativité réelle. De ses nombreuses qualités il ne conservera que l'implacable pilonnage de son jeu, jusqu'à l'écœurement ai-je envie de dire. Ajoutez à cela les caractéristiques d'un album surproduit dont le son hermétique ne ménage aucune respiration et trop peu de modulations. La présence coutumière de Rhys Fulber qu'on annonçait comme le gage d'une réelle touche indus n'y change rien en dehors de quelques intros et une pincée de samples timides. Enfin, Bell a eu la bonne idée de multiplier les interventions en chant clair afin d'aérer ses aboiements. Je ne sais pas vous mais j'ai l'impression qu'il a enfin progressé, tant dans l'émotion pure que dans la hargne. Peut-être cessera-t-il de massacrer son propre répertoire en live?
Un dernier mot sur la pochette qui ne propose -sans surprise- aucune réflexion formelle ou esthétique (cf. « Demanufacture », « Obsolete », « Soul of... ») et se contente d'aligner une sorte de standard de tattoo bioméc(h)anique comme pour remplir le cahier des charges du produit FF. Je suis preneur de toute autre interprétation.

Malgré la présence de titres encourageants tels que « Christploitation » ou « Industrial discipline », le disque se ferme trop d'horizons stylistiques en réduisant sa démarche à une posture aguicheuse quoique séduisante de prime abord. J'attribuerais volontiers à « Mechanize » la même note qu'au premier ARKAEA, les défauts de l'un répondant en parfaite symétrie aux qualités de l'autre et inversement.


Rédigé par : #Guillaume# | 13/20 | Nb de lectures : 15102