Contrairement à ses copains de chambrées le death et le black qui ont toujours eu tendance à s’éparpiller en de multiples sous-familles des bois (souvenez-vous des vieux catalogues de VPC d’Holy Records et de leurs fameuses étiquettes à rallonge !), au moins avec le doom, les choses ont toujours été assez simples. On a affaire soit à du doom ‘old-school’ si l’on va dire, avec SAINT VITUS d’un côté et REVEREND BIZARRE de l’autre, soit à du doom-death. Point. Quant à ce dernier, lorsque les tempos frôlent l’arrêt cardiaque on parle aussi de ‘funeral doom’, mais sinon, on y distingue surtout deux sous-courants: l’école finlandaise, plus mélodique et atmosphérique et dont les Tables de la Loi ont été érigées par SWALLOW THE SUN ou SHAPE OF DESPAIR, et l’école britannique et sa Sainte Trinité : PARADISE LOST, ANATHEMA et MY DYING BRIDE. Or c’est normalement dans cette case-là aux pourtours bien définis que spontanément on était prêt à mettre les Rouennais de FATUM ELISUM. Sauf que ces abrutis ont dû passer trop de temps à faire des graffitis sur les murs de la chambre capitonnée de leurs potos d’ATARAXIE. Et puis ils ont décidé de brouiller les pistes pour cette première vraie-fausse démo qui a en fait tout d’un album à part entière, autant par sa durée (54 minutes) que par sa production ou sa présentation générale. Au final, on a donc bien mal à les cerner et c’est d’ailleurs à la fois un bon et un mauvais signe.

Déjà, tout cela est long. Très long. Quatre ‘vrais’ titres naviguant entre onze et seize minutes plus une intro et une outro. Alors certes, c’est le genre qui veut cela mais cela ne facilite pas vraiment l’immersion non plus… Surtout qu’à l’image de la courte introduction, l’ambiance est au recueillement quasi-religieux, surtout que le chant fut apparemment enregistré dans une église ! S’il partage avec eux des tempos très lysergiques, leur fascination pour les premiers BETHLEHEM et une mise en scène vocale de la souffrance assez poussée, FATUM ELISUM est pourtant loin d’être un clone d’ATARAXIE. Si ces derniers laissent leur musique régulièrement s’agiter de convulsions violentes, FATUM ELISUM reste lui dans la contemplation, malgré quelques poussées soudaines de tempos, comme sur la fin de « In Vain » par exemple, qui d’ailleurs s’imbriquent mal à l’ensemble car superflues, voire grossières. Car c’est à la fois dans le cérémonieux et le grandiose mais aussi dans l’intime et le délicat – c’est-à-dire dans ses moments les plus AGALLOCHesque devrais-je dire ?! - que ces Rouennais brillent vraiment. Entier, ce premier jet est donc comme vous l’aurez compris du genre exigeant. Ces morceaux forment donc un seul et même tout qui réclame d’être subi d’une traite et qui ne souffre d’aucune parcimonie, quitte à perdre les gens en route ou à décourager les moins courageux. C’est à la fois sa limite et sa force : bien que vieux de seulement deux ans et franchissant ici pour la première fois le cap de l’enregistrement, FATUM ELISUM se pose là, décide des règles et n’essaye même pas de tendre la main à l’autre. Bien qu’imparfait et manquant de concision, c’est justement ce côté jusqu’en-boutiste qui les rendent (déjà) si fascinants. A vérifier en live le vendredi 10 avril à Rouen au second jour du festival ROTOMAGUS DOOMICUS METALLICUS…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 3,5/5 | Nb de lectures : 10512