EX DRUMMER - DVD (Blaq Out) - 29/11/2011 @ 08h02
La Belgique a toujours été, et est toujours d’ailleurs, une terre de hardcore. Mais depuis quelques années elle devient une très intéressante terre de cinéma grâce à l’éclosion de jeunes réalisateurs pleins de talents repoussant sans cesse les limites des genres et dynamitant une cinéma local coincé, le cul entre les deux chaises nommées Frères Dardenne et Benoit Poelvoorde. Ces jeunes sauvageons de la caméra développent un cinéma brut et racé mais toujours plein de cette sacro-sainte belgitude qu’on explique pas. Un film belge, on le voit, on sait, sans trop savoir pourquoi mais on le sait, qu’il vient de Belgique. C’est encore une fois le cas avec EX DRUMMER qui nous intéresse. Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume je vais revêtir, devant vos yeux ébahis, mon costume d’Henry Chapier pour vous parler cinéma, bande de jeunes.

EX DRUMMER n’est pas un film comme les autres, c’est un film ouvertement punk rock et transgressif que je pourrais résumer brièvement à un mix entre Trainspotting, Spinal Tap et La Merditude des Choses. Avant d’être un film, EX DRUMMER est un roman d’Herman Brusselmans, auteur inconnu en dehors de Belgique il me semble mais qui, au pays, fait figure de prolifique poil à gratter de la scène littéraire. Ses romans, boules de haine et d’ennui, sont jugés inadaptables et très appréciés par la jeunesse locale qui en font une espèce de Michel Houellebecq rock’n’roll et chevelu. Mais comme impossible n’est pas belge, Koen Mortier s’est mis en tête d’adapter le bestiaux pour en tirer un film sur le vif et tranchant comme un coup de caisse claire. L’histoire du film est très simple : trois musiciens handicapés décident monter un groupe afin de remporter un tremplin rock local. Le leader, guitariste/chanteur zozotte et est hyperviolent, le bassiste a un bras paralysé et le guitariste est sourd. Ensemble ils décident de recruter à la batterie un écrivain réputé qui leur affirme ne pas savoir jouer de batterie. Celui-ci intègre le groupe par opportunisme afin d’inspirer son nouveau livre et va l’embarquer dans une spirale autodestructrice. Le groupe s’appellera « The Feminists », car "quatre handicapés valent toujours mieux qu’une femme", et reprendra le titre « Mongoloids » de Devo.

Ce qui frappe d’entrée de jeu, dans le film, c’est son indéniable sens plastique et sa mise en scène multipliant les idées géniales et les coups de forces techniques comme la scène d’introduction entièrement montée en marche arrière ou encore les scènes dans l’appartement du chanteur dans lesquelles celui-ci marche littéralement au plafond donnant un cachet particulier et forge l’identité du film tout en étant parfaitement justifiée par l’histoire. On n'est donc pas dans l’esbroufe, loin de là. L’image est volontairement granuleuse et naturaliste, presque sale de façon à mettre en avant l’état de décrépitude avancée de la plupart des décors et du ciel belge si gris qu’un canal s’est pendu. Le rythme est soutenu et la mise en scène vive et alerte mais parfois entrecoupée de passages plus contemplatifs venant rompre le rythme du film. Esthétiquement le film frôle le sans faute et Mortier fait des miracles d’un budget rikiki et d’une équipe réduite mais dévouée comme le montre un making of à la limite du surréalisme. Sur le fond maintenant c’est autre chose car le film joue ouvertement la carte de la transgression et tend son majeur bien haut et bien droit. A sa sortie en salle en 2007 le film fut attaqué de toute part et marqué des sceaux de l’homophobie, de la misogynie, du fascisme, du racisme, de l’ultraviolence, de la pornographie, de l’incitation à la débauche et de toutes les autres joyeusetés qu’on colle bien volontiers à la scène punk et metal. Tiens donc…

Si on le regarde au premier degré, en effet EX DRUMMER peut aisément passer pour un film ignoble, immonde et bien plus encore. Il l’est sous certains aspects mais raement gratuitement car, sous ses atours de film musical suivant une formation rock’n’roll de seconde zone, l’auteur livre un portrait au vitriol et sans concessions de la société et du quart monde belge, une étude sociologique sans doute héritée de l’émission Strip Tease qui cultivait les mêmes terres. Tous les personnages du film sans exception sont totalement dérangés et infréquentables, leur handicap physique ne symbolise rien d’autre que ça : des personnages brisés par la vie et ses turpitudes. Ils sont tous pathétiques et monstrueux, formant une faune sauvage et disparate mais, le réalisateur ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine tendresse pour certains d’entre eux alors qu’inversement celui qui semble le plus normal et le plus fréquentable en apparence: Dries l’écrivain ex batteur, se révèlera être la pire ordure de la bande, agissant en entité omnisciente sur cette bande de dégénérés. Le film oscille entre des scènes décrivant la vie des protagonistes de façon cruelle et malsaine mais toujours très drôle et des scènes de musique dont les répétitions du groupe et le fameux concert les opposants entre autres au groupe « vedette » de la région, Harry Mulisch, mené par l’infâme Dikke Lul et sa verge de 50cm au repos. Verge qui sera d’ailleurs au centre de plusieurs des scènes les plus « fortes » du film mais je ne vous en dis pas plus.

Le film pèche un peu à la finition lors d’un final éblouissant et d’une grande violence mais dont on ne comprend pas bien les tenants et aboutissants. Pour la première fois, dans le dernier quart d’heure on a l’impression que le réalisateur force gratuitement et y va franco dans le glauque sans raisons évidentes ni apparentes. On perd de vue les raisons animant les personnages et on subit plus qu’on ne vit le déferlement de violence final. C’est le seul petit bémol d’un film bourré de la gueule. Coup de poing à la fois violent, brutal et frontal mais surtout réjouissant, EX DRUMMER marque durablement les esprits par sa liberté de ton, sa frondeur et son esprit ouvertement punk rock. Pour habiller musicalement un film pareil il fallait du lourd et c’est le cas car la bande son, qui est offerte à l’achat du DVD et réunit des poids lourds de la scène rock local comme Arno, Ghinzu, Millionaire, Funeral Dress ou Filip Kowlier. Ce dernier interprétant le rôle de Dikke Lul (« grosse bite » dans la langue de Vondel). Outre ces spécialistes locaux, l’OST regroupe aussi des groupes comme Isis, Mogwai, Ligthning Bolt . Une bande son rock, punk et post rock qui offre au film l’écrin parfait. A la fois sale, rageuse et contemplative la musique accompagne magnifiquement les images qu’elles soient fortes et rythmées comme pour les scènes de concerts ou plus contemplatives comme cette formidable scène « post viol ». Ce passage, illustré musicalement par Isis est rempli d’une poésie étrange et typiquement belge. Après Calvaire, Eldorado, La Merditude Des Choses ou encore Bullhead, EX DRUMMER prouve qu’il se passe quelque chose au niveau du cinéma belge alors si en plus il se met à parler de la musique qu’on aime c’est parfait. Finalement plus qu’une question de format ou de support, le rock’n’roll c’est avant tout un état d’esprit.


Rédigé par : Seb On Fire | Punk's Not Dead./ | Nb de lectures : 12902




Auteur
Commentaire
vatican666
IP:92.103.140.34
Invité
Posté le: 29/11/2011 à 09h28 - (98710)
Juste LA grosse branlé !!

Alain Frost
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2011 à 12h03 - (98714)
Tu titille ma curiosité Seb.

Je n'avais pas entendu parler du film, mais je vais tenter l'expérience. Vu ta description, l'aspect visuel (et auditif!) devrait me plaire, mais je suis moins sûr concernant le fond.
Est-ce que le final est comparable à un film comme "Seul Contre Tous" niveau provoc' gratuite (film dont j'ai aimé l'idée générale mais qui m'a un peu déçu, et dont j'ai trouvé le final assez grotesque)?

Seb On Fire
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2011 à 12h22 - (98716)
Non non c'est pas du tout le même délire. Ex Drummer c'est plutôt le genre Trainspotting mais avec un esprit un peu Groland/Striptease par moment.

C'est beaucoup moins déprimant/nihiliste que Seul Contre Tous et plus punk/rock'n'roll humour très noir.

Alain Frost
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2011 à 12h30 - (98717)
Hmmmmmmmm!

Ca devrait pouvoir me plaire alors! Groland/Streap-tease/punk n' roll, j'achète!

djabtrash
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2011 à 14h04 - (98723)
Cool le chro' faut que je mate ce film depuis le temps qu'on me tanne dessus.

J'avais adoré "la merditude des choses" sinon.

ennemi
Membre enregistré
Posté le: 29/11/2011 à 23h45 - (98738)
ce film est excellent à tous les niveaux : acteurs, mise en scène, histoire... terrible

pullthechain.be
Membre enregistré
Posté le: 30/11/2011 à 10h25 - (98744)
lorsque j'ai vu ce film pour la première fois, j'ai également pensé à "seul contre tous" alors qu'il est difficile de rapprocher les 2 films... peut être ce petit sentiment de culpabilité...
Un conseil, regardez le en vostfr...

XXuK
Membre enregistré
Posté le: 01/12/2011 à 13h43 - (98775)
Film classé aux côtés de La Merditude des choses??? Il faut que je vois cet ex-drummer!!!


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