Peut-on être et avoir été ? Peut-on revenir à un point culminant de respectabilité après avoir connu une interminable traversée du désert ? Peut-on gommer toute une somme de petites et grosses erreurs en l’espace d’un unique album ?

C’est un peu ce genre de question qui me trottait dans la tête alors que m’incombait la lourde tâche de porter un jugement sur le grand retour d’E.N.T. quelques sept années après leur dernier album aux allures de naufrage. Et une récente performance live du groupe à laquelle j’avais assistée l’année dernière avait fini de me convaincre que le crépuscule des idoles était désormais consommé.

E.N.T. son split album légendaire avec CHAOS UK, ses Peel Sessions, son gigantesque « Holocaust in your head », les titres de ses chansons censurés pour pouvoir être diffusés sur la BBC1, ses menaces de mort à l’encontre de Billy Milano, les frères siamois de NAPALM DEATH, groupe déjanté, pourri dès ses débuts par les excès en tout genre, engagé jusqu’aux épingles à nourrice, enragé à bouffer du micro mais surtout pas de la viande, militant déterminé, incorruptible et surtout grand instigateur du grind crust sale et méchant : E.N.T. était destiné à une grande carrière et pourtant…

S’enlisant peu à peu dans des problèmes de line-up sans fin qui ont vu défiler la moitié de la scène british de l’époque (jusqu’à des membres de CRADLE OF FILTH, c’est vous dire), le grand E.N.T. s’était obstiné à survivre alors qu’il était bel et bien mort et enterré pour ses fans de la première heure. Une dérive qui les avait vus se travestir au point de devenir un énième groupe de death metal jetant, au passage, aux oubliettes le crust des premiers jours.

Et puis voilà qu’un beau jour de 2006 se produit un véritable miracle avec le retour inattendu de Phil Vane, second chanteur d’origine du groupe, l’homme aux braillements en forme de gargouillis et avec ce retour se produit une véritable renaissance pour le groupe. Un split CD prometteur chez Osmose dès l’année suivante, une compilation proposant aux acheteurs de payer le prix qu’ils veulent. Pas de doute E.N.T. est de retour dans son credo anti-capitaliste plein de lucidité.

Fin 2008 voilà enfin « Law of Retaliation », le disque que nous n’espérions même plus. E.N.T. fait à nouveau du pur grindcore crust et c’est tout simplement bon. Toujours partagée entre les grognements d’arrière-gorge de Dean Jones et les hurlements de Vane, la cuvée 2008 d’E.N.T. reprend les affaires là où il les avait laissées à l’aube des années 90. Du gros crust de furieux qui défonce tout sur son passage doté d’un son de basse à déplomber les molaires. Et même si les Anglais ne nous prodiguent pas une version 2008 de leur vieux titre phare, la tournure de « Death message » n’est pas sans évoquer celle d’« Only in it for the music… ». On notera également le petit clin d’œil à S.O.D. sur l’intro de « Screaming fucking Mayhem ». Seul léger bémol, on aurait peut-être aimé qu’ils se foulent un peu plus qu’ils ne recyclent pas une partie des titres de leur split avec Driller Killer mais on ne va pas faire la fine bouche pour autant.
Ça cogne.
Ça gueule.
Ça groove
Ça revendique.
C'est punk dans l'âme
C’est EXTREME NOISE TERROR.

“If you're only in it for the music you can just fuck off
Because we're not interested in your fashionable pose
Drop out, cop out... Fuck off”


Rédigé par : Tonton | 16/20 | Nb de lectures : 12631