EXTREME - Saudades De Rock (Frontiers) - 17/10/2008 @ 08h51
Merci Extreme. Oui, merci Messieurs Nuno Bettencourt, Gary Cherone, Pat Badgers et Paul Geary. Grâce à vous non seulement j’ai pu emballer comme personne lors de ce fameux ‘quart d’heure américain’ qui a été souvent le clou des surprises-parties de mes vertes années sur fond de « More Than Words » mais en plus, j’ai eu droit pendant toutes mes années lycée chaque mardi à une K7 vidéo contenant l’enregistrement de la dernière émission en date (diffusée le dimanche soir) d’Headbanger’s Balls. Oui, grâce à vous Messieurs, j’ai pu faire mon éducation métallique en me gavant de clips et de reportages improbables (dont une émission spéciale ‘Gods Of Grinds’ – soit deux heures et demie ! – impensable aujourd’hui) chaque semaine, tout ça parce que l’une de mes copines de lycée était tombée raide amoureuse de votre guitariste et avait réussi à convaincre ses parents de prendre un abonnement au câble afin de pouvoir tous les dimanche soir enregistrer l’émission metal de MTV, espérant y apercevoir un bout de chevelure de sa nouvelle idole. Et hop, une fois la K7 visionnée, qui est-ce qui la récupérait en bout de chaîne, hein ?!

Cette anecdote affreusement inutile à part, rendons à César ce qui lui appartient : Extreme était une belle exception au début des années 90. Soit l’un des rares groupes estampillés ‘hard FM’ (désolé, à l’époque, on ne disait pas encore ‘hair metal’) avec, mettons, Van Halen qu’il n’était pas honteux d’aimer, même pour le gros fan de Carcass et de tripes à la sauce tomate que j’étais déjà. Bon Jovi, c’était pour les gonzesses. Poison pour les garçons coiffeurs et Winger… Bah euh, pour les deux en même temps. Mais Extreme, c’était autre chose et notamment un groupe qui avait de l’ambition ma bonne dame. Alors oui, la pochette de son premier album éponyme reste un monument de kitsch (arf, matez-moi ces bandeaux à cheveux overgay !) mais dès ‘Pornograffiti’ on avait senti qu’avec eux les choses étaient différentes. Alors oui la chanson « More Than Words » reste un cas épineux. Si c’est elle qui leur a permis d’assurer leurs traites de maison jusqu’à la fin de leurs jours et de faire dire à ma maman que « le hard-rock comme ça, ça va », cela reste aussi un gigantesque malentendu, réduisant un groupe inventif à un sous Mr Big sans substance. Un résumé affreusement simpliste sur lequel pissait allègrement leur disque suivant ‘Three Sides To Every Story’, galette certes un peu trop gonflée par sa propre importance mais d’une richesse incroyable, avec comme point d’orgue ce morceau symphonique à tiroir de plus de vingt minutes qu’était « Everything Under The Sun » où Cherone, qui n’a jamais versé dans des textes sexistes à deux balles, quitte à tomber parfois il faut l’avouer dans le préchi-précha, se posait des questions sur le sens de la vie, Dieu, l’avenir de la race humaine et la bonne cuisson des saucisses Merguez. Après ça et leur intronisation quasi-officielle par Brian May au ‘Freddie Mercury Tribute’ en avril 92 devant des millions de spectateurs comme, je cite, « le seul groupe actuel digne de Queen », on ne voyait franchement pas ce qui pourrait les arrêter… Sauf qu’une chemise de bûcheron, des cheveux sales et un « Smell Like Teen Spirit » plus tard, toutes ces belles promesses ont été envoyées se faire voir chez les Grecs. Une nouvelle fois injustement catalogué ‘hard FM’ et donc groupe à abattre, Extreme s’est rapidement retrouvé cerné. Acculé, il a sorti une dernière cartouche, le nettement plus brut de décoffrage ‘Waiting For The Punchline’, mais c’était trop tard, le mal est déjà fait et tout ce beau monde se sépare sans gloire ni trompette en 1996, avec un sale arrière-goût de ‘trop peu, trop court’…

La reformation était inévitable. Sauf qu’elle a traîné la cocotte. C’est qu’il a fallu semble-t-il du temps à ses protagonistes pour comprendre que tous leurs efforts pour se réinventer étaient vains. Nuno Buttencourt a multiplié les albums solo, a vaguement tenté de monter d’autres groupes qui ne sont allés nulle part (Mourning Widows, Dramagods) et a même tenté sa chance l’année dernière avec Perry Farrel de Jane’s Addiction pour un Satellite Party de courte durée. Quant à Gary Cherone, mis à part sa conversion au christianisme et son, hélas, engagement contre l'avortement, sa courte expérience dans Van Halen s'est révélée désastreuse, au point que dans un élan révisionniste quasi-stalinien la bio officielle du groupe zappe désormais cet épisode malheureux. Et je ne vous parle même pas de son éphémère groupe Tribe Of Judah… Bref, rien de très folichon tout ça. Ce qui devait arriver arriva donc avec d’abord un premier concert, bien sûr présenté comme « sans lendemain », de reformation chez eux à Boston fin 2004. Puis donc enfin cet album qui a mis du temps à se matérialiser et qui sort en Europe dans ce beau cimetière des éléphants du hard FM (décidément…) qu’est Frontiers Records.

Bon, qu’en est-il donc de ce foutu cinquième album me diriez-vous après cette interminable introduction ? D’entrée, on se calme et on boit frais à ST Tropez comme disait Max Pécas : ceux qui espéraient un retour à la grandiloquence de ‘Three Sides’ en seront pour leurs frais. Par souci d’efficacité, ou peut-être tout simplement parce que nous ne sommes plus en 1992 et que le groupe ne plus se payer un orchestre symphonique et quatre mois de studio, Extreme se remet treize ans après grossièrement sur les rails posés par ‘Waiting For The Punchline’. C’est à dire un hard-rock sans fioriture et débarrassé de ces tics sonores typiques des années 80/90. Un choix artistique qui colle somme toute aujourd’hui mieux à ces désormais quadragénaires dont le style, comme le bon vin, s’est arrondi aux entournures avec l'âge. La transformation est d’ailleurs frappante surtout chez Bettencourt : même s’il se permet encore quelques belles envolées guitaristiques, son jeu est désormais nettement moins flashy et m’as-tu-vu. Plus de tapping à tout va ni de « Vol du Bourdon » comme sur ‘Pornograffiti’ mais un jeu plus ‘rock’ et naturel qui laisse ses influences funk (souvenez du riff de « Get The Funk Out ») et 70’s plus facilement remonter à la surface. Niveau personnel, si sur ‘Waiting For The Punchline’, Paul Geary avait été remplacé par l’ex-Annihilator, Mike Mangini, aujourd’hui, c’est Kevin Figueriedo que l’on retrouve au poste de batteur. Un quasi-inconnu mais qui avait fait forte l’impression l’année dernière au Trabendo à Paris lors du seul concert (déserté) de Satellite Party justement, où la majorité des 150 spectateurs environ étaient venu voir Nuno Bettencourt. La complicité entre les deux hommes était alors flagrante et sur ‘Saudades De Rock’, Figueriedo joue très fort de la grosse caisse tout en abattant un style de jeu simple, direct et FORT à la John Bonham qui colle parfaitement au style désormais plus épuré du groupe. Et sa belle interaction avec le bassiste, Pat Badgers, qui ne se contente pas de suivre la six-cordes de Bettencourt mais qui se permet même de commander le groove plus d’une fois, sur l’album prouve combien s’il est bien intégré à la famille. Famille où, pour l’anecdote, l’on retrouve d’ailleurs toujours Paul Geary, mais cette fois-ci plus en tant que batteur mais en tant que manager…

Niveau musique, pour faire simple, le premier tiers de l’album déchire tout. Malgré un premier single (« Star ») dont la thématique anti-star system rappelle un peu trop celle de « Hip Today » dont le clip avait été envoyé à l’abattoir pour essayer de défendre ce disque mal-aimé qu’était ‘Waiting For The Punchline’, sur ces vingt-cinq premières minutes, Extreme sautille et bondit comme un cabri. Sans le côté aigri de l’album précédent mais avec une certaine forme de maturité en plus (on va dire que c’est l’âge qui fait ça), le groupe y fait preuve d’une excellente cohésion tout en se rangeant en bon ordre derrière la gratte sautillante de Bettencourt. L’autre marque de fabrique parfaitement restituée ici, c’est cette science des chœurs en parfait unisson, ici intacte comme au premier jour. Moins surfait, plus rock, plus détendu aussi, Extreme s’amuse donc et nous avec, même lorsqu’il délire avec un tempo hillbilly comme sur « Take Us Home ». Et impossible de ne pas donner du pelvis sur « Run », dont le riff Hendrixien donne envie de bouger du bassin d’une façon obscène. Peut-être manque-t-il une certaine flamboyance ‘bigger than life’ mais au moins le groupe s’éclate sans trop se prendre la tête. Enfin en tous cas, jusqu’à la première ballade de l’album « Last Hour »… Là, c’est le double effet Kiss Cool, le verre de trop, la petite faute d'inattention qui vous envoie dans le fossé enfin bref, le truc qui coince. Déjà, le titre en lui-même n’est pas éblouissant : pas de mélodie accrocheuse, Gary Cherone qui s’arrache inutilement en fin de parcours les cordes vocales pendant que Bettencourt va sûrement faire sa pause-clope, ne revenant à temps que pour son solo… Mais le hic est qu’il rompt la dynamique pourtant impeccable de début d’album. Et pour X raisons, par la suite, jamais le groupe, peu aidé certes par la majorité des titres franchement moins inspirés de la seconde moitié du disque, ne réussit à retrouver la même gaule, comme si après s’être amusé il se chargeait d’un seul coup plus d’une corvée qu’autre chose.

D’ailleurs, était-il nécessaire d’accoucher d’un album aussi long ? Alors certes, à l’ère des méchants meupeutrois, tout le monde se bouge pour essayer d’offrir encore plus au chaland de plus en plus difficile. Mais étais-ce vraiment nécessaire d’encombrer à tout prix ce disque de quatorze titres pour atteindre les presque soixante-dix minutes ? On va appeler cela le syndrome ‘Use Your Illusion’ : si ‘Saudades de Rock’ (tiens d’ailleurs ce titre euh…) avait été amputé de ces quatre ou cinq morceaux les plus dispensables - notamment ce titre exclusif à l’édition européenne qu’est « Americocaine », en fait une démo datant de 1985 ( !) lorsqu’Extreme faisait encore du sous-Van Halen – il aurait sûrement été la petite bombe qu’il aurait vraiment dû être. Enfin bombe, disons au moins beau disque pour qui attendait ça depuis treize ans. Sauf que malgré tous les efforts de ma donc fameuse copine de lycée, qui doit aujourd’hui faire vingt kilos de plus et avoir trois gamins, n’est-il pas hélas déjà trop tard pour sauver le soldat Extreme ?

http://extreme-band.com/site/ - 224 visite(s)

Myspace - 233 téléchargements


Rédigé par : Olivier ‘Zoltar’ Badin | 15/20 | Nb de lectures : 11786




Auteur
Commentaire
BozKiller
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2008 à 09h56 - (63266)
Belle kro! Ahhh Headbanger's Balls, quels souvenirs, avec ses quarts d'heure extremes :D


Le Chef
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2008 à 10h24 - (63268)
J'aime beaucoup cet album et je suis d'accord ça manque de jus sur la moitié mais dans l'ensemble c'est vraiment pas mal.
Dommage qu'il n'y ai pas un coté plus "métal".



stanwd
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2008 à 11h43 - (63276)
Magnifique chronique ! Bravo pour le rédactionnel inspiré!!!
Les souvenirs m'ont motivé à ressortir Pornograffitti, Three Sides étant toujours en bonne place dans mes albums préférés... Quand à acheter le nouvel album - et ayant été échaudé par Waiting for the Punchline - j'ai quelques doutes...



AlCheMist
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2008 à 18h28 - (63304)
Pas mauvais en soi, mais plutôt chiant à écouter surtout au regard des 3 premiers albums qui tournent encore régulièrement chez moi. "Waiting..." ne m'avait pas convaincu. Ce retour que j'attendais pourtant non plus. Tant pis, ces mecs ont toujours du talent mais cette orientation musicale m'ennuie.



musicben69
IP:82.255.112.4
Invité
Posté le: 18/10/2008 à 09h11 - (63321)
Superbe chro pour un disque...bof !
quelques bons moments mais globalement assez plat. Une déception qui me fait penser que Nuno a dit tout ce qu'il avait à dire il y a quinze ans !

Filou
Membre enregistré
Posté le: 19/10/2008 à 14h10 - (63348)
Special motion pour "Confortably Dumb", et très bon album, même si quelques titres sont pas terribles. Et cette chronique poutre



Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion






Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site

Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs. S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos

Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker