Recevoir des démos est toujours une expérience intéressante. En général une chronique de démo ouvre immanquablement sur des encouragements à persévérer et une injonction polie à garder un œil vigilant braqué sur les réalisations futures du groupe en question. Evidemment il se cache toujours dans un arrivage mensuel l'une ou l'autre daube rédhibitoire qui prête plus à l'apitoiement magnanime qu'au démontage en règle. Et puis plus rarement on tombe sur LA démo. Celle qui détourne du ronflement du lave-vaisselle et arrache à la contemplation béate du dernier Femme Actuelle Jardin. La démo qui tue, quoi... Il s'en faut de très peu que " Non Serviam ", découvert au retour d'un congé bien mérité, enfoui au milieu d'un agrégat de prospectus publicitaires (j'ai failli le jeter avec le reste), n'appartienne à cette dernière catégorie. Originaires d'un joli coin de montagne, les tout petits Savoyards d'Evohé ne nous prennent pas vraiment au piège de leurs grands yeux, mais assènent cinq titres trempés dans un chaudron death/black mélodique qui bout beaucoup trop rarement depuis que seuls Necrophobic et Mörk Gryning sont rescapés pour en tourner la grande louche de métal. Des riffs intelligents et pénétrants se succèdent avec fougue au cœur de compos graduelles qui abritent suffisamment de breaks et d'accélérations consistantes pour tenir en haleine et conserver la saveur de la musique sur des écoutes répétées. Comme bien souvent, nous nous trouvons en face d'un chant dual également bien pensé puisque les vocaux blacks surviennent lors des offensives les plus effilées et rapides alors que les growls surfent adroitement sur les rythmiques lourdes et dodues qui dominent en fin d'album, faisant saillir un penchant vers le death à la Dismember sans que l'on sache si celui-ci correspond à la période néophyte du groupe ou à son orientation la plus récente. Quoi qu'il en soit, on sent que les maîtres Dissection ont été soigneusement étudiés et ça fait plaisir de voir qu'Evohé sont tout à fait capables de proposer, et ce dès leur première réalisation, bien davantage qu'une copie laborieuse. Pour que la fête soit complète on aurait aimé que quelques traits de génie - ceux dont Jon Nödtveidt s'était fait le spécialiste, ceux qui font passer un morceau à la postérité - musardent ici ou là ; ce n'est malheureusement pas le cas, mais il est hors de question d'en faire une déficience de cette démo. Même s'il est évident que les quatre compères n'en sont encore qu'au pied de la montagne, les espoirs engendrés par " Non Serviam " pourraient bien, avec un parcours optimal qui passe par une signature rapide sous un label dévoué, déboucher sur l'une ou l'autre bonne surprise. Reste à souhaiter à Evohé la petite ration de chance obligatoire, mais aussi avant tout que le groupe fera preuve d'initiative et de ressource sur la durée pour que la transformation de cet essai de toute beauté passe bien entre les poteaux. En attendant, voici une démo qu'il n'est absolument pas superflu de posséder dans son range-CD.




Rédigé par : Uriel | 4.5/5 | Nb de lectures : 7466