La scène polonaise ne se limite plus à ses têtes de gondoles depuis déjà plusieurs années, des formations de haut-vol sont apparues dans des styles à la fois modernes et classiques, expérimentales comme plus conventionnelles mais la plupart ont le même point commun, à savoir une production dopée aux amphétamines signée le plus souvent par le studio Hertz et les frères Wieslawscy.

Je n’avais jamais entendu parler de EVIL MACHINE, pourtant le quartet comporte pas mal de vieux briscards de la scène locale, puisqu’on y trouve Hal à la guitare (et actuel bassiste de VADER) et également auteur du magnifique design du livret et de la pochette, Cyprian à la basse (qui a longtemps joué de cet instrument dans HATE, et aussi plus furtivement chez DEVILYN) et enfin en membre de session Seth de BEHEMOTH qui s’occupe uniquement des solos. A noter qu’on trouve notamment Peter de VADER qui vient poser sa voix sur « Power from hell » d’ONSLAUGHT (le groupe reprenant aussi « Die hard » de VENOM).

La gestation de cet opus a été conçue de manière très décousue et disparate car après sa formation en 2004 le groupe a commencé à l’enregistrer dès 2005 pour le finir en 2012 (encore un petit effort et il aurait battu le record de « Chinese Democracy »). La batterie et la guitare ont été captées en 2006 et 2007 au Bloodline Studio, le chant et la basse entre 2008 et 2011 au Studnia Studio, et le mixage final a eu lieu à la seconde maison des frangins les plus cotés de la scène extrême.

Pourtant quand j’ai entendu l’objet en question je me suis demandé si ça n’était pas une démo autoproduite des années 90, car le son est absolument ignoble et totalement étouffé. Je n’ai rien contre ce son un peu amateur et raw, je trouve même que ce côté crade sied particulièrement bien pour la première vague du black-metal norvégien ou à la nouvelle scène finlandaise. Les gars qui sont des fans de CELTIC FROST et HELLHAMMER ont certainement dû vouloir leur rendre un hommage à travers cette ambiance primitive, boueuse et étouffée, mais ça ne le fait pas.

Si l’artwork est absolument magnifique, cartonné et rempli de vieilles photos en noir et blanc de la seconde guerre mondiale, ainsi que gravures d'époque, et qui correspondent totalement au titre de la galette, l’écoute elle se révélera particulièrement laborieuse, car en plus de la production dont j’ai déjà parlé précédemment, la qualité des huit morceaux suit hélas le même chemin. Il faut dire que ceux-ci manquent franchement d’inspiration, le tempo qui reste principalement lent et heavy ne varie pas des masses et les quelques passages d’influences doomesques qui font leur apparition ici et là n’arrivent pas réellement à faire regagner un peu d’intérêt. De plus l’ennui le plus profond gagne rapidement l’auditeur même le plus conciliant et assidu car les compositions s’étirent assez inutilement, la charley de la batterie est bien trop mise en avant et bouffe tout le reste, enfin le chant donne la sensation d’avoir été mis en boîte au fin fond de la taïga et à l’écart des autres membres. Heureusement les deux reprises remontent le niveau même si ça n’égale pas les versions originales.

Alors oui on peut dire que c’est le genre de production qui demande du temps pour bien s’y imprégner mais quand le plat principal est raté il n’y a hélas pas de roue de secours car on peut aimer ou pas le son des premiers KREATOR et DARKTHRONE, trouver que le « Live in Leipzig » de MAYHEM sature dans tous les sens, ces disques ont une aura, une âme et surtout des titres qui ont marqué toute une époque et qui créent encore aujourd’hui un sentiment incroyable, sauf que là les polonais n’ont pas le talent d’écriture de ces glorieux aînés et l’on passe très vite à autre chose.

Rédigé par : GabinEastwood | 07/20 | Nb de lectures : 10666