EVER FORTHRIGHT - Ever Forthright (Myriad) - Selection VS du 08/02/2012 @ 07h53
Vous le savez (ou vous commencez à le savoir), je suis un grand amateur de ce qu’on appelle le « Djent ». La scène m’a intéressé dès le début, ou plutôt dès l’émergence de PERIPHERY et VILDHJARTA dont les morceaux démos éparpillés sur la toile ont titillé la curiosité des aficionados de Metal technique et ultra-moderne, moi y compris. La scène a subi une évolution intéressante au fil du temps, bien que son explosion semble avoir trop tardé à arriver. Trop de groupes sortant des EP pas très intéressants, trop de confusion avec des groupes de Deathcore ou des clones de MESHUGGAH, trop d’attente de trouver « ze » groupe qui défoncerait tout… Heureusement, toutes les arlésiennes (ou presque) ont pris fin (TESSERACT, UNEVEN STRUCTURE, VOLUMES, VILDHJARTA) et on peut désormais partir sur de bonnes bases avec des groupes commençant sérieusement à s’établir, chez les labels « tendance » comme Sumerian ou Basick, ou des plus grosses écuries comme Roadrunner et Century Media. Mais le genre Djent typiquement Web 2.0 continue à proposer des groupes plus confidentiels voire autoproduits, au moins aussi talentueux que les groupes signés…

Voici donc EVER FORTHRIGHT. Existant depuis 2008, le groupe s’est surtout fait remarquer début 2011 en annonçant avoir embauché Chris Barretto, ex-chanteur de PERIPHERY et de l’avis général, meilleur vocaliste à être passé par la formation pionnière du Djent (cf. la fameuse pré-version de "The Walk" qui décollait le papier peint). Voilà qui allait donner un net coup de pouce à ce groupe qui ne s’était pas spécialement distingué, et pour cause. A ses débuts, EVER FORTHRIGHT pratiquait plutôt une sorte de Deathcore progressif pas super génial et mal produit, bref pas grand-chose d’intéressant ou de révolutionnaire. Les démos instrumentales de ce qui était appelé à devenir leur premier album éponyme pétaient déjà un peu plus. EVER FORTHRIGHT va alors s’intégrer dans le monde syncopé et alambiqué du Djent, à grand renfort de compos de haut vol.

Pourtant, réduire EVER FORTHRIGHT au 156ème groupe de Djent serait un peu trop facile. Certes, on est ici très proche de PERIPHERY dans l’approche assez expérimentale des structures et sonorités polyrythmiques et/ou lumineuses, avec la même recette au niveau du chant hurlé/clair (et puis forcément, quand on dit « avec un ex-PERIPHERY »…). Mais ce n’est pas tout. Si PERIPHERY se voulait assez « easy » par moments avec même des morceaux au format single, EVER FORTHRIGHT lui pousse à fond le côté alambiqué un peu frappadingue, tout en proposant des passages très rentre-dedans et des breaks très progressifs. Le groupe se situe donc plus à la croisée des chemins entre BETWEEN THE BURIED AND ME et ses disciples (soit toutes les formations mêlant Mathcore et Metal progressif), PAINTED IN EXILE (ils sont d’ailleurs assez copains), des groupes de Deathcore tendant vers le Djent comme STRUCTURES ou AFTER THE BURIAL, ainsi que les stars VILDHJARTA et PERIPHERY bien évidemment. Ce premier album éponyme autoproduit et sorti par le biais de Myriad Records va donc présenter plusieurs facettes, formant certes un ensemble cohérent, mais qu’il me semble nécessaire de décrire pas à pas…

Ever Forthright, c’est alambiqué…
Au niveau de la forme, Ever Forthright se distingue déjà par son audace : 12 morceaux, 77 minutes ! Avec des pistes s’étalant de 5 à plus de 9 minutes. Il va alors falloir se préparer psychologiquement pour digérer la bête. Le sextet américain choisit donc de nous présenter des structures très complexes, avec des morceaux aux parties bien distinguées, quasiment au format « à tiroirs ». Soit des morceaux hyper-variés, avec rarement plus de deux fois la même chose et des refrains réduits à portion congrue. Qui dit alambiqué dit un enchevêtrement savamment calculé de rythmiques percutantes, d’envolées de leads à la pelle, d’assauts de sonorités bizarres, de breaks en forme d’accalmies et de changements de plans incessants, avec un chant oscillant entre accès hurlés et passages épiques en vocaux clairs. Ça pète de partout et le disque regorge de passages bien WTF formant une sorte de mélange difficile à cerner mais diaboliquement jouissif. Cela commence dès "All Eyes On the Earth", c’est rude mais on s’y fait très vite pour apprécier la qualité des compositions et structures, surtout si on est habitué aux délires de BTBAM, PROTEST THE HERO et consorts. On notera aussi le côté « je bouge dans tous les sens avec les riffs » de plages comme "The Little Albert Experiment" ou "Dispose of Your Optimism", et les tas de leads mirifiques de "Screen Scenarios" ou "Infinitely Inward". EVER FORTHRIGHT fait preuve d’une maîtrise à toute épreuve, et on ne peut que s’incliner devant la cohérence de l’ensemble dans un genre pourtant casse-tête.

… mais aussi plutôt brutal…
Si PERIPHERY essayait d’être le plus accrocheur possible en agrémentant son art chtarbé par des « tubes » avec des refrains imparables, EVER FORTHRIGHT prend le chemin contraire en n’hésitant pas à pencher du côté « Deathcore » de la force à plusieurs reprises. Et quand il s’y met, le groupe ne fait pas dans la dentelle. Certaines parties sont vraiment brutales (brutales dans le sens que ça envoie, pas dans le sens « Brutal Death », merci de ne pas me tomber dessus tout est relatif), avec des mosh-parts qui cognent et un chant qui se fait plus sombre, quasiment growlé. S’il n’atteint pas la classe de sa performance sur le fameux "The Walk", le chant hurlé de Chris Barretto est vraiment efficace, bien supérieur aux vociférations poussives de Spencer Sotelo sur le premier opus de PERIPHERY. Il y a donc ici pléthore de passages rentre-dedans à l’envi, comme "Latency and Tendencies" aux accès bien violents, les purs assauts à headbang sauvage de "Lost in Our Escape", "Screen Scenarios" qui démarre à 100 à l’heure avant de partir dans une moshpart écrasante et sombre à souhait, tout comme celle de "The Counter Shift" (précédée de riffs incisifs géniaux). Et "Spineless" dépote sec, tout comme "Dispose of Your Optimism" (pourtant plus accessible et lumineux) ou l’excellent morceau de clôture qu’est "Clockwork". EVER FORTHRIGHT prend vraiment le parti de proposer une musique travaillée mais vraiment percutante et accrocheuse en diable avec des passages qui donnent envie de sauter partout en gueulant. Cet aspect « in your face » mais toujours complexe rend vraiment cet opus irrésistible et il devient très vite difficile d’en décrocher et de ne pas se trémousser sur la plupart des morceaux.

… ainsi que jazzy et expérimental.
Comme bon nombre de formations affiliées Djent, EVER FORTHRIGHT est un chouïa « progressif ». A la manière de PERIPHERY, cela se traduit par quelques bidouillages électro ici et là, notamment le synthé à la SHINING (NOR) de "Spineless". Mais l’intérêt « expérimental » d’Ever Forthright vient vraiment du petit côté jazzy, à grand renfort de breaks qui arrivent souvent juste après un passage rentrant dans le lard (cf. "Latency and Tendencies" et "Screen Scenarios"). Breaks (ainsi que l’interlude "Reflections") qui sont agrémentés d’un piano quasi-lounge ainsi que par du saxophone joué par… Chris Barretto lui-même. Ces passages jazzy sont parfaitement intégrés au reste pourtant très frappadingue, aérant vraiment les morceaux sans leur faire perdre leur intégrité. Le morceau "Infinitely Inward" présente d’ailleurs la particularité d’avoir deux invités au chant, à savoir Robert Richards de PAINTED IN EXILE (je vous avais dit qu’ils étaient potes) pour des vocaux rappés étonnants et Le’Asha Julius de THE RAINBOW CHILDREN pour un passage… R’n’B pas forcément de très bon goût. C’est un peu le seul accroc de l’album, même si un autre élément va faire grincer des dents : le chant clair de Chris Barretto. Y’a pire que lui, mais il y a peut-être mieux aussi. Son chant est très proche de celui de Spencer Sotelo, bien que Chris le chevelu monte moins dans les aigus. Si vous aimiez le chant de Spencer, vous aimerez celui de Chris et si vous détestiez le chant se Spencer, vous détesterez aussi le chant de Chris. Son exécution des vocalises claires est pourtant tout à fait honnête, mais ne fonctionne pas à tous les coups. Néanmoins ça passe hyper bien sur le plus cool (toutes proportions gardées) "City Limits" qui sonne un peu comme "Icarus Lives" de PERIPHERY, et de toute façon ses vocalises lumineuses ne sont pas surexploitées, priorité étant donné aux screams dans un album globalement maousse costaud. Quoi qu’il en soit et quel que soit votre avis sur l’utilité des vocaux clairs, EVER FORTHRIGHT a pensé à tout le monde en proposant son album en version instrumentale, bien qu’il faille passer outre le support physique. Bref, pour conclure sur l’aspect « progressif » d’Ever Forthright, il faut avouer que là encore le groupe marque un point avec des passages jazzy rondement menés et bien amenés, et des sonorités variées qui rendent l’album passionnant de bout en bout.

Le résultat de tout ça ? Eh bien cela nous donne un album qui bute. Soyons clairs, EVER FORTHRIGHT n’est pas foncièrement original dans le genre Metalcore/Djent progressif qui descend de PERIPHERY et BETWEEN THE BURIED AND ME. Mais ce qu’il fait, EVER FORTHRIGHT le fait bien. Ever Forthright fait déjà figure d’album indispensable pour tous ceux qui suivent les pérégrinations de groupes modernes qui choisissent de complexifier leur propos. Et cela va bien au-delà du Djent à mon avis. Un album diaboliquement alambiqué, ultra-percutant, travaillé et cohérent, vraiment accrocheur et on ne s’en lasse pas de sitôt, grâce à la qualité à limite infinie des structures et compositions. Dur à digérer certes (la prod est puissante mais parfois chaotique, on ne s’y habitue qu’au bout de 2-3 morceaux), mais impressionnant de maîtrise et d’efficacité une fois plongé dedans. A réserver aux amateurs de délires syncopés et progressifs du genre, mais ils seront comblés par cet album (premier album, ne l’oublions pas !) ô combien excellent et particulièrement jouissif.

L’album est disponible :
- Au format digipack (sans livret hélas) sur le shop du groupe
- Au format digital, en version instrumentale ou avec chant, sur Bandcamp.


http://www.everforthright.com - 345 visite(s)

Bandcamp - 340 téléchargements


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 13864




Auteur
Commentaire
seasonofmist
Membre enregistré
Posté le: 08/02/2012 à 08h25 - (100312)
Longtemps hesité a les signer, mais la voix claire... J'y arrive pas...
Peut etre ai je eu tort!

Je voulais un groupe de Djent car j'adore le genre.. Mais celui que je voulais vraiment a terminé chez Inside Out et honnetement Ever Forthright, une tuerie musicalement mais j'aime pas la voix..

overklems
Membre enregistré
Posté le: 08/02/2012 à 11h15 - (100317)
J'ai été un peu déçu par l'album, meme si il y a de très bons passages, je le trouve trop indigeste. En revanche je trouve que le chant est un vrai plus. @ SoM : moi aussi j'attend le prochain Stealing Axion avec impatience !



Rahahaaz
Membre enregistré
Posté le: 08/02/2012 à 11h29 - (100318)
Mika, écoute ça :
kryn.bandcamp.com/



le gritche
IP:77.196.59.233
Invité
Posté le: 08/02/2012 à 14h27 - (100323)
Merci pour cette découverte et la chronique

antidj
IP:88.173.162.249
Invité
Posté le: 08/02/2012 à 15h32 - (100324)
Allez... Encore un album de Djent avec une note de + de 15/20 ........
J'aime beaucoup PERIPHERY ou MONUMENT,mais franchement mettre des super notes à tous les albums de djent, ça ne sert pas a grand chose, on sait meme plus faire la différence entre tout les albums, a croire que tout est parfait dans ce style !
faudrait songer a prendre un peu de recul des fois

ZeSnake
Membre enregistré
Posté le: 08/02/2012 à 15h45 - (100325)
du recul j'en ai pris sur cette scène depuis belle lurette, il ne faut pas se leurrer il y a énormément de déchet dans la scène et il faut faire un tri, mais cet album est excellent.
il faut savoir qu'en Djent, on ne reçoit rien ou presque en promo, donc je chronique ce que j'achète, et je n'achète que du bon ;)

non, tout n'est pas parfait, mais en général les groupes qui se "montrent" ont beaucoup de talent.

Vay
IP:82.255.188.5
Invité
Posté le: 08/02/2012 à 17h24 - (100326)
Non ce sera sans moi. Trop de... trop. TROP.

beuns
Membre enregistré
Posté le: 08/02/2012 à 19h39 - (100328)
Très très bon album pour moi même s'il reste un chouilla en dessous du premier opus de Friend For A Foe (toujours avec Chris Barreto au chant).



reblowaih
Invité
Posté le: 09/02/2012 à 09h22 - (100332)
En plus de la pochette super laide, raz le bol des Meshuggahdjentlike, le style s'essouffle... Même si j'avoue que c'est bien foutu.

seasonofmist
Membre enregistré
Posté le: 09/02/2012 à 12h26 - (100336)
J'ai le stealing axion je pleure a chaque écoute, chui dégouté, j'ai chassé ce groupe dès la demo mais bon.. on peut pas tous les gagner!

CCCP
IP:184.22.125.132
Invité
Posté le: 09/02/2012 à 15h45 - (100340)
Normal, chez SOM vous préférez investir dans des commodes pour les groupes de death qui virent cover band de Scooter.

skyou
Membre enregistré
Posté le: 09/02/2012 à 15h50 - (100341)
Très bon album, 17/20 bien merité! Le passage R'n'B, je le trouve de bon goût, car bien incorporé dans la chanson. D'ailleurs il devrait y avoir beaucoup plus de passages dans ce genre. Les 77 minutes passent toutes seules, surement grâce à la qualité des compos et la diversité des styles. Moi pour ma part, j'en redemande!!!
@ reblowaih: je vois par trop la comparaison de style avec Meshuggah..



Vision Of Beuh
Membre enregistré
Posté le: 09/02/2012 à 17h00 - (100343)
Putain de chro, ZeSnake. J'imagine même pas le temps qu'il ta fallu pour la pondre.

reblowaih
Invité
Posté le: 09/02/2012 à 20h12 - (100350)
Skyou: la basse guitare est dans la même vague, cet espèce de tempo que je ne saurais expliquer sans connaissance de solfège.

Monceau
Membre enregistré
Posté le: 09/02/2012 à 23h13 - (100351)
Que les groupes se plaignent de ne pas avoir trouvé de label - ça manque pas, mais qu'un label, et pas qu'un petit, se lamente au sujet d'un groupe loupé - laissez-moi admirer le spectacle ! ^^

La version instrumentale est une très bonne idée : le chant est juste insupportable alors que la musique est terrible en soi.
Et merci pour cette chronique très informative !




Jal
Membre enregistré
Posté le: 10/02/2012 à 12h34 - (100370)
Arf la voix claire casse tout :/ Dommage.



pirlo
IP:173.236.27.154
Invité
Posté le: 14/02/2012 à 13h29 - (100436)
putin cette voix claire de merde. C'est surtout ridicule. Dommage

le gritche
IP:77.196.59.233
Invité
Posté le: 18/02/2012 à 11h15 - (100553)
Je trouve la voix claire tout à fait bonne, pas jouvenceau. Après l'album s'épuise avant la fin ou n'arrive pas à envoyer la pâté tout du long. Je vais réécouter ça.

jonben
IP:223.206.67.63
Invité
Posté le: 12/03/2012 à 07h07 - (100949)
Il est arrivé tard en 2011 mais a quand même figuré dans mon top annuel et plus je l'écoute plus je trouve qu'il mérite largement le podium. 77 minutes hyper denses de génie. Et le chanteur est très très bon à mon avis, impeccable niveau growls et étonnant au niveau mélodique même si je conviens que c'est inhabituel comme style vocal pour du metal.

Stealing Axion, leur EP est une perle, j'attend l'album avec impatience.

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